Gounod, un génie méconnu…

  « Tout l’univers obéit à l’Amour ; Aimez, aimez, tout le reste n’est rien »

Jean de La Fontaine.

Mercredi dernier, je donnais une conférence sur le Faust de Gounod qui sera au programme de l’Opéra royal de Wallonie dès le milieu de la semaine. Une œuvre certes célèbre, mais surtout un opéra que l’on a voulu réduire, à tort, à une simple histoire d’amour à l’eau de rose et un compositeur qui manifestement gagnerait à être plus connu dans sa profondeur. Retour sur le parcours d’un homme hors du commun sans qui la musique française, et en particulier l’opéra, n’aurait pas le même prestige. Le texte ci-dessous est la notice biographique que j’avais rédigée lors des représentations de Roméo et Juliette en 2013.

16. Gounod, Faust, Affiche pour la 500ème

On a sans doute trop négligé les œuvres de Charles Gounod tout au long du siècle dernier. Qui connaît encore de nos jours, pour ne citer qu’eux, les grands opéras Philémon et Baucis (1860) et Le Tribut de Zamora (1881) ou l’oratorio Jésus sur le lac de Tibériade ? Qui, au-delà du célèbre Ave Maria sur un prélude de Bach, de la Messe de Sainte-Cécile et de quelque Requiem parfois interprété aujourd’hui, se souvient de la ferveur religieuse du compositeur et de son immense production d’œuvres sacrées ? Qui, enfin, a bien pris conscience qu’à travers ses nombreuses mélodies, Gounod met en œuvre une manière nouvelle d’envisager la prosodie de la langue française ouvrant la voie aux Fauré, Debussy et Ravel ? Si Faust comme Roméo et Juliette se sont maintenus au répertoire des maisons d’opéras, ces immenses réussites continuent à cacher une forêt qui mérite plus qu’une simple énumération d’érudit.

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Portrait de Charles Gounod avec la partition de Don Giovanni de Mozart.

Dès sa naissance le 18 juin 1818, Charles Gounod semble rassembler toutes les qualités qui feront de lui un compositeur officiel. Né à Paris, d’un milieu où les arts sont au premier plan des préoccupations, affichant une détermination sans faille dans ses premières études, l’enfant montre des talents exceptionnels. Son père, artiste peintre renommé, prix de Rome en 1873, professeur à l’École polytechnique et Maître de dessin des Pages de Louis XVIII, meurt dès 1823.

09. François-Louis Gounod, Portrait inachevé de Jean-Michel Moreau le Jeune, vers 1825

François-Louis Gounod, Portrait inachevé de Jean-Michel Moreau le Jeune, vers 1825

C’est sa mère, pianiste d’envergure, qui prend la famille en charge et s’occupe de donner au petit Charles les premières initiations musicales. Il obtient son baccalauréat de philosophie en 1836, mais en assistant aux représentations d’Otello de Rossini, du Freischütz de Weber et surtout  de Don Giovanni de Mozart, il décide de sa destinée. L’audition des grandes symphonies de Beethoven achèveront de le convaincre du bien fondé de son choix. Il sera musicien professionnel. Mozart restera toujours pour lui le symbole et le modèle de la perfection musicale.

Il s’inscrit au Conservatoire de Paris où il suit les cours d’Anton Reicha (1770-1836), et, à la mort de ce dernier, de Jean-François Lesueur (1760-1837) et de Jacques-Fromental Halévy (1799-1862). Ses talents et son travail acharné sont bien vite récompensés par un second prix de Rome en 1837 et, couronnement suprême, par un premier prix, deux ans plus tard, pour sa cantate Fernand. Son Agnus Dei à trois voix, séduit Hector Berlioz qui déclare : « Tout y est neuf et distingué : le chant, les modulations, l’harmonie. M. Gounod prouve là qu’on peut tout attendre de lui ».

08. Le jeune Charles Gounod par Ingres

Le jeune Charles Gounod par Ingres

Mais l’heure du départ pour Rome a sonné. Quittant sa famille pour la première fois, Gounod est accueilli dans la ville éternelle par le peintre Dominique Ingres, ami de son père et excellent musicien amateur. Il lui fait découvrir la musique de Lully et l’incite à cultiver son don pour le dessin. Ensemble, ils jouent des sonates pour violon de Mozart et Haydn. Gounod lit Goethe et Lamartine.

17. Le vrai Violon d'Ingres

Le vrai violon d’Ingres…

Il  fréquente assidûment la Chapelle Sixtine et les églises de Rome pour y écouter les grandes œuvres de Palestrina. Cette musique imprégnera son propre style musical durant toute sa carrière. Pourtant, s’il avoue être déçu par le belcanto italien, c’est Pauline Viardot, la sœur de la grande Malibran, qui l’initie au monde du théâtre et de l’opéra. Puis, Fanny Mendelssohn, pour qui il nourrit une vive admiration et une amitié intense, le conduit vers les compositeurs allemands : Bach, Beethoven,… cette musique qui « le trouble et le rend à moitié fou ».

26. Pyotr Fyodorovich Sokolov - Pauline Viardot

Pyotr Fyodorovich Sokolov – Pauline Viardot

37. Portrait de Fanny Mendelssohn par son mari Hensel

Portrait de Fanny Mendelssohn par son mari Wilhelm Hensel.

Une dernière rencontre, spirituelle, celle-là, en la personne du très charismatique Henri Lacordaire, prédicateur de talent venu à Rome pour prendre l’habit dominicain et étudier la théologie auprès des jésuites, fait résonner intensément en lui l’appel de la foi. Les conférences de Lacordaire à Notre-Dame de Paris dans les années 1845 attireront des centaines d’auditeurs catholiques romantiques fascinés par ses propos pleins d’enthousiasme et d’exaltation.

35. Henri-Dominique Lacordaire au couvent de Sainte-Sabine à Rome par Théodore Chassériau en 1840

Henri-Dominique Lacordaire au couvent de Sainte-Sabine à Rome par Théodore Chassériau en 1840

Gounod hésite. Déchiré entre le besoin d’affirmer sa foi et sa vocation musicale, il envisage la carrière ecclésiastique. Sa famille l’en dissuade. Il compose un grand  nombre de pièces sacrées dont une Messe pour la fête du Roi Louis-Philippe dans le style palestrinien. L’œuvre est mal accueillie à Paris par Spontini qui, dans son rapport, dénonce une œuvre « dépourvue de mélodies et d’expression ».

Il quitte la Ville éternelle pour entamer un périple à travers l’Allemagne et l’Autriche. À Vienne, il assiste avec émerveillement à une représentation de Die Zauberflöte de Mozart et écrit un Requiem. À Berlin, il retrouve Fanny Mendelssohn qui l’introduit auprès de son frère. À Leipzig, ce dernier lui fait découvrir ses symphonies, lui joue les chefs-d’œuvre de l’orgue allemand sur l’orgue de Bach à l’église Saint-Thomas et reconnaît son Requiem comme un l’œuvre d’un génie musical.

Le bilan de ces années de formation est exceptionnel. L’influence de Mendelssohn est énorme et fait de Gounod l’un des compositeurs les plus curieux de sa génération, loin des attentes. Formé à la musique ancienne, il met tous ses moyens au service de la foi, mais inspiré par le romantisme allemand, il travaille comme Mendelssohn et Schumann sur la mélodie où s’affirme un style fait d’une formidable efficacité. Il nous faut redécouvrir cette magnifique déclamation dans Le vallon, Venise et Le Soir qui annoncent clairement l’apogée de la mélodie française  à la fin du siècle.

Charles Gounod, revient à Paris en 1843 et devient Maître de Chapelle de la paroisse des Missions étrangères. Il vit chez sa mère et fréquente de nombreux ecclésiastiques. Pourtant sa musique dérange. Trop habitués à une littérature musicale sacrée romantique, les autorités ont du mal avec son style sévère et ancien. En 1846, la presse annonce que « l’ancien prix de Rome vient d’entrer dans les ordres ». Si l’information est erronée, notre musicien porte pourtant l’habit dominicain pendant plus d’un an et signe ses lettres l’Abbé Gounod. Pour lui, art et foi ne font qu’un et ses extases sacrées sont teintées d’une sensualité toute profane. Il affirme avec conviction : « Il y a le Bien et le Vrai, enfin le Beau qui procède des deux autres comme le Saint-Esprit procède du Père et du Fils ». Voilà le credo de Gounod. Toute sa vie, rythmée par d’intenses crises mystiques, en sera imprégnée.

01. Portrait de Gounod par Ary Scheffer en 1851

Portrait de Gounod par Ary Scheffer en 1851

Les retrouvailles avec Pauline Viardot qui triomphe dans les grandes œuvres de Meyerbeer, parviennent à convaincre Gounod de la nécessité de se tourner vers l’opéra. Désormais dans la trentaine, il prend conscience que c’est là la seule voie du succès. La cantatrice parvient à imposer son premier opéra, Sapho (1852), qui, monté à l’Opéra, ne recueillera qu’un maigre succès. Écarté après seulement sept représentations, on connaît surtout l’existence de ce drame en trois actes grâce au fameux air Ô toi ma lyre immortelle composé spécialement pour Pauline.

Dans la foulée de cette activité lyrique, Gounod fait entendre, la même année, des chœurs dans le style ancien centrés autour du personnage d’Ulysse. C’est Jacques Offenbach qui en dirige la création à la Comédie française. Pour la première fois, sa musique est éditée. Cette écriture chorale lui fait obtenir le poste de directeur de l’Orphéon de Paris, un ensemble vocal très important fait d’amateurs recrutés au sein des classes ouvrières. Un peu plus tard, le voilà inspecteur de l’enseignement du chant dans les écoles de Paris. Sa carrière commence et sa renommée enfle. Il épouse Anna Zimmermann, fille d’un célèbre professeur de piano au Conservatoire. Toutes ces fonctions lui permettent d’écrire énormément de messes et de musiques vocales. Il dirigera sa fameuse Messe « Aux Orphéonistes » en juin 1853. Mais tout ceci ne l’empêche pas de poursuivre les compositions pour le théâtre. La Nonne sanglante est créée à l’Opéra en 1854… sans succès. Seul Théophile Gautier montre son enthousiasme : «… une des œuvres les plus belles et les plus grandioses de ces temps-ci ».

Séance solennelle de l’Orphéon à la Sorbonne le 25 mars 1843.

Les années qui suivent montrent la vraie maturité du musicien. Il parvient à se frayer une voie entre les opéras-comiques d’Offenbach, les drames d’Auber ou de Thomas, les italiens qui triomphent un peu partout et les grandes machines de Meyerbeer. L’année 1855 est un grand cru. La Messe de Sainte-Cécile témoigne d’une métamorphose de son style sacré, désormais plus romantique. Elle reçoit les éloges de tous les musiciens en vue. Berlioz y reconnaît l’une des seules œuvres valables de l’année. Puis, ce sont deux Symphonies immédiatement jouées aux concerts Pasdeloup. On y entend l’influence de Félix Mendelssohn. Et puis la Méditation connue comme le fameux Ave Maria, célèbre dans les salons reçoit une gigantesque version orchestrale lui assure la célébrité. Honneur suprême, il compose le nouvel hymne national Vive l’Empereur pour Napoléon III. Mille activités l’assaillent, il finit par trop en faire et le surmenage le guette. L’échec de son Ivan le Terrible qui ne sera pas représenté et détruit quelques années plus tard, le met dans un état dépressif qui provoque une crise mystique et nécessite son internement. Il est accueilli dans la clinique pour aliénés du docteur Blanche à Passy. Ce dernier s’était déjà occupé de Gérard de Nerval et Maupassant passera chez lui les derniers mois de son existence. Berlioz, une fois de plus, témoigne : « on désespère de sa raison ».

54. Jules Elie Delaunay (1828-1891), Sapho embrassant sa lyre

Jules Elie Delaunay (1828-1891), Sapho embrassant sa lyre.

Pourtant, Charles Gounod se remet. En 1858, il entame intense une collaboration avec le Théâtre-Lyrique. La plupart de ses grands succès y seront créés. Plusieurs personnages influents entrent dans sa vie. Léon Carvalho est le directeur de l’institution. Il travaille en étroite symbiose avec son épouse, la cantatrice renommée Caroline Miolan. Cette dernière interprète la plupart des premiers rôles. Les librettistes Jules Barbier et Michel Carré sont à la manœuvre et offrent à Gounod la plupart de ses thèmes. C’est ainsi que naissent Le Médecin malgré lui, une œuvre pétillante et pleine de verve, et surtout Faust, sa plus grande œuvre.

42. Faust et Marguerite dans le jardin par Ary Scheffer 1846

Ary Scheffer, Faust et Marguerite

Le projet de reprendre le récit de Goethe avait travaillé Gounod depuis qu’il l’avait lu lors de son séjour italien dans la traduction de Gérard de Nerval. Mais l’entreprise n’était pas simple et plusieurs compositeurs avaient œuvré assidûment sur le sujet. On sait, par exemple, l’importance du mythe de Faust pour Franz Liszt et pour une bonne part des musiciens allemands. Ici, c’est le personnage de Marguerite qui est mis en évidence. Le livret de Barbier et Carré reprenait lui-même les éléments d’une parodie du grand Faust. Gounod s’enthousiasme donc pour le personnage de Marguerite et écrit un drame qui, tout en s’écartant de la pensée philosophique de Goethe, propose une trajectoire remarquable faite d’un remarquable équilibre entre la prosodie, l’harmonie et l’orchestre. Cette modernité vaudra à l’auteur toute l’admiration de Fauré,  de Debussy et  de Ravel.

Créé au Théâtre-Lyrique en 1859, Faust ne triomphe pas d’emblée. Ce qu’admireront les modernes se présente d’abord comme un handicap. Le chant ne fait pas appel au belcanto et le lyrisme mélodique modifie la traditionnelle virtuosité vocale. Pour son entrée à l’Opéra dix ans plus tard, Gounod est obligé composer un ballet, travail qu’il désire confier à Camille Saint-Saëns qui parvient à se désister. Car le temps aidant, Faust a fini par s’imposer. Mieux, on le considère désormais comme l’incarnation du renouveau de l’opéra français et ajoute à son auteur une gloire universelle. L’œuvre est jouée partout dans le monde avec un succès qui ne se dément plus.

41. W. Bouguereau, Marguerite et les bijoux

W. Bouguereau, Marguerite et les bijoux.

En 1862, Gounod écrit La reine de Saba, d’après l’épisode biblique. L’œuvre n’a pas le souffle de Faust et, dans le sillage des polémiques que Tannhäuser vient de créer à Paris, la presse accuse le compositeur de wagnérisme. Pour se remettre de ce cuisant échec qui n’entame pourtant pas sa popularité, il retrouve l’Italie où triomphe Faust. De retour en France, il compose, pour le Directeur Carvalho, un drame teinté de folklore provençal, Mireille. Ce sera un nouvel insuccès.

47. Gounod à l'orgue dans sa maison

Gounod à l’orgue dans sa maison.

Il rejoint le sud de la France en 1865 et là, sous le soleil du midi, il s’attaque à un nouveau livret de Barbier et Carré forgé à partir du Roméo et Juliette de Shakespeare. L’œuvre est composée en un mois. Orchestrée l’année suivante, elle est mise en répétition assez rapidement et la première à lieu en avril 1867. C’est un grand succès, sans doute le plus important après Faust. Le sujet, éternel s’il en est, avait été mis en scène par Bellini (1830) et par Berlioz (1839) avec beaucoup de succès. Gounod renouvelle le miracle. L’équilibre entre la prosodie, la virtuosité et l’expression orchestrale y est à son sommet.

Mais pour le compositeur, les temps sont difficiles. S’il est à l’abri du besoin grâce à ses énormes succès, sa santé mentale est très fragile. Il est de nouveau atteint par une crise mystique lors de son nouveau séjour à Rome en 1868. Il projette plusieurs nouvelles œuvres sacrées dont l’oratorio Rédemption, seulement terminé en 1882 et un drame chrétien inspiré du Polyeucte de Corneille. Mais l’inspiration semble lui manquer. Son âme fissurée par tant de souffrances s’assèche. Il avoue en 1870 : «  Je me débats contre le vide, je crois faire quelque chose de passable, et quand je relis je trouve cela détestable : ma tête se perd et se désole, je ne sais où j’en suis […] Vingt fois la tristesse me prend, je pleure, je me désespère et j’ai envie de m’en aller. J’ouvre et ferme et ouvre à nouveau mon cahier. Rien ! La tête vide ! Oh ! Mon Dieu, que faire de mieux que d’accepter cette désolation du néant… »

75. Buste de Charles Gounod, par Jean-Baptiste Carpeaux en 1873

Buste de Charles Gounod, par Jean-Baptiste Carpeaux en 1873.

La guerre éclate en juillet 1870 et surprend le compositeur qui se repose au bord de la mer. La fameuse bataille de Sedan où Napoléon III est encerclé et vaincu par les troupes prussiennes et celles des États allemands coalisées, provoque la fin du Second Empire le 4 septembre. Gounod n’ayant pas le « courage de vivre sous le drapeau ennemi », part pour Londres. Accusé par la presse de trahir son pays, il compose pour l’Exposition universelle de Londres la cantate Gallia inspirée par les malheurs de la France. Le séjour britannique est riche en occasions de se produire. Faust est l’opéra favori de la Reine et de toute la société victorienne. L’Empire britannique vit sa pleine apogée. L’amour immodéré des anglais pour les immenses ensembles choraux incitent le compositeur à écrire de vastes pièces dans le style de Mendelssohn, très prisé outre-Manche. Le succès est immense.

Faust, Il était un roi de Thulé (coupé) puis l’air des bijoux à 4’19 » (Victoria de Los Angeles)

Mais Charles Gounod rencontre l’étrange Georgina Weldon, une cantatrice amateur et redoutable femme d’affaires. Celle que le Tout-Paris nomme désormais « l’Ardente Prêtresse » provoque le scandale et la rumeur enfle. On raconte que Gounod, malade et irresponsable, serait à la merci de cette femme qui va jusqu’à faire pression sur la Reine Victoria afin de régulariser la situation du compositeur en Angleterre. Le Docteur Blanche et quelques uns de ses amis prennent peur et entament une opération pour le ramener en France. Ils l’enlèvent littéralement des mains de Madame Weldon qui, pour se venger, garde le manuscrit de Polyeucte. De nombreux et laborieux procès visant à récupérer l’ouvrage sont entamés, ils causeront d’énormes tracasseries à Gounod et à ses proches jusqu’à sa mort. Il est empêché d’assister à la création de son grand oratorio Mors et Vita donné à Birmingham en présence de la Reine en 1885.

63. Gounod et Georgina Weldon

Gounod et Georgina Weldon

Après 1875, profondément meurtri par la vie, il revient vers la musique sacrée et compose pas moins de douze messe jusqu’à sa mort en 1893. Gounod, avec sa belle et grande barbe, s’affiche comme le patriarche de la musique française. Il contribue à la restauration de la musique ancienne en France et à la diffusion du chant grégorien de Solesmes. Il aide la jeune génération en prodiguant largement ses conseils et il dirige souvent les représentations de ses propres œuvres. Il compose encore en 1877 un opéra pour l’Opéra-Comique, Cinq-Mars ou Une conjuration sous Louis XIII, d’après le roman d’Alfred de Vigny, inspiré par le complot que le jeune marquis d’Effiat, un « favori » du roi Louis XIII, tenta pour destituer Richelieu. Puis, en 1881, il entreprend son ultime ouvrage dramatique, le Tribut de Zamora, dont le livret lui fut proposé après le refus de Giuseppe Verdi de le mettre en musique. Le livret, très faible, proposant une succession très artificielle de numéros au moment où le drame wagnérien prenait son envol en France, contribua largement à l’échec de l’œuvre.

79. Monument Gounod au Parc Monceau à Paris, 1900

Monument Gounod au Parc Monceau à Paris, 1900.

Comblé d’honneurs, Gounod apparaît encore quelques fois en public pour diriger quelques unes de ses œuvres dans de prestigieux concerts. Il s’adonne à quelques activités littéraires dont une étude de Don Juan de Mozart où il rend hommage à celui qu’il a toujours admiré et se consacre aux autres avec bonté et sympathie. Il assiste aux concerts de musique sacrée à Saint-Gervais. Bouleversé par la mort de son petit-fils il entame la composition d’un Requiem. Mais il est atteint d’une crise d’apoplexie et meurt le 17 octobre 1893. Ses funérailles sont nationales et, à la Madeleine, on chante, comme il l’avait souhaité, une messe en grégorien.

78. Funérailles de Gounod à la Madelein, 27 octobre 1893 Saint-Saëns à l'orgue

Funérailles de Gounod à la Madeleine, 27 octobre 1893 Saint-Saëns à l’orgue.

Gounod reste à nos yeux le musicien de l’amour. Sa dernière mélodie, composée en 1890 sur les vers de Jean de La Fontaine, « Tout l’univers obéit à l’Amour ; Aimez, aimez, tout le reste n’est rien » est une magnifique synthèse du message qui transite à travers son œuvre. Sacré ou profane, elle déploie, comme un leitmotiv, une formidable leçon de vie qui fait triompher l’amour des affres de l’existence.

77. Gravure d'après G. Dubufe (1906)

Gravure d’après G. Dubufe (1906) représentant Gounod au ciel où il retrouve ses héroïnes.