Un jour… Un chef-d’œuvre (101)

L’art est la faculté de produire le vrai avec réflexion.

Aristote (384-322 ACN), Éthique à Nicomaque, VI,3.

Vincent Van Gogh (1853-1890), La Nuit étoilée, 1889.

Maurice Ravel (1875-1937), Miroirs pour piano, 1. Noctuelles, interprété par Jean-Yves Thibaudet.

Dosso Dossi (1489-1542), Jupiter, Mercure et la Vertu (détail), 1529.

« « De même que certains imitent par les couleurs et le dessin bien des choses dont ils nous tracent l’image, de même que les autres imitent par la voix […] tous réalisent l’imitation par le rythme, le langage, la mélodie combinés ou non. Par exemple, le jeu de la flûte, de la cithare et les autres arts qui ont le même effet, comme le jeu de la syrinx, imitent en recourant seulement à la mélodie et au rythme, et la danse imite à l’aide du rythme sans mélodie; car les danseurs aussi, à l’aide des rythmes que traduisent les danses, imitent des caractères, passions et actions. » (Aristote Poétique)

Qu’est-ce qu’un poète?

La mimèsis est la représentation d’une action vraisemblable, l’artiste construit son imitation/représentation à partir du réel, et en particulier le réel humain: tel est l’objet de celui qu’Aristote appelle le « poète » en son sens le plus large, cet artiste de fables, cet imitateur des mœurs, des crises, des actions et des passions humaines. Le « miméticien » s’inspire du réel et et y mêle l’invention en un savant agencement et une belle structure. Mais d’où vient cet art de l’imitation qui fait le poète?

L’art comme instinct

Comme tous les animaux, l’homme possède in instinct d’imitation, il est même l’animal qui imite le plus et le mieux, d’où l’art, phénomène humain par excellence. Si l’essence de l’art est fondamentalement mimétique, il vise également le plaisir: ce que l’art imite plaît toujours; plus loin, ce qui nous laisse parfaitement indifférent ou nous repousse dans le réel, se trouve rendu plaisant et intéressant par le biais de l’art. […]

Imiter et non pas copier

Si « l’art imite la nature« , ainsi que l’enseigne Aristote dans sa Physique, son œuvre d’imitation n’est pas une simple copie. L’art ne consiste pas à reproduire la nature telle quelle, fidèlement, comme pour concurrencer son modèle. Il n’est pas un effort pour redoubler la réalité. […] 

L’artiste « surpasse » la nature

Il s’agit pour l’artiste de dégager l’essentiel de ce qu’il imite, une forme qui doit apparaître distinctement par-delà la matière à laquelle elle est associée dans la nature. L’art figure ainsi le réel, il fait voir, il ne se contente pas de représenter, il présente et fait connaître. L’art possède ainsi une dimension pédagogique et cognitive. Pour ce faire, l’art isole un morceau de réel, et le propose à son spectateur sous une forme figurée. Il donne ainsi à voir ce que la nature ne met pas immédiatement en avant ou faillit à présenter distinctement. En cela, l’artiste la dépasse, voire la surpasse. L’artiste peut imiter de bien des manières selon Aristote, son champ de représentation est fort vaste: il peut représenter ce que les choses sont réellement ou encore ce qu’elles devraient être. Ainsi peut-il être aussi bien réaliste qu’idéaliste, et dans le dernier cas, son art transfigure le réel qu’il idéalise par le biais de sa perception.

« Peut-être est-ce impossible qu’il y ait des hommes tels que Zeuxis les peignait, mais il les peint en mieux, car il faut que ce qui doit servir d’exemple l’emporte sur ce qui est. » (Aristote, Poétique) » 

Cyril Morana et Éric Oudin, Petite philosophie de l’Art de Platon à Deleuze, Paris, Éditions Eyrolles, 2020, pp. 39-40.

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