Un jour… Un chef-d’oeuvre! (78)

« Nous attendons Monsieur Rossignol,
Qui vit dans un bosquet vert,
Et quand le coucou arrive à sa fin,
Alors il commence à jouer. »

 

78d. Le Coucou et le Rossignol planche du Cassl's Book of Birds 1875.

Illustration ornithologique, le Coucou et le Rossignol

Gustav Mahler (1860-1911), Symphonie n°3, Troisième mouvement, Comodo (scherzando), interprété par le Philharmonia Orchestra dirigé par Esa-Pekka Salonen.

78f. Coucou

 

Gustav Mahler, Des Knaben Wunderhorn : Ablösung im Sommer interprété par Thomas Hampson et Geoffrey Parsons.

78e. La Relève en été (texte)

78b. Frans Snyders, Concert d’oiseau 2, 1630-1640

Frans Snyders, Concert d’oiseau, 1630-1640.

Gustav Mahler, Des Knaben Wunderhorn : Lob des hohen Verstands, interprété par Thomas Hampson et les Wiener Virtuosen.

78c. Wunderhorn Lob des hohen Verstands (Éloge de la haute sagesse)

« Mes amis, je me rappelle une fable, écoutez-la. Elle sera peut-être un peu longue, mais elle ne vous ennuiera pas.

« Un jour, au fond d’une forêt, il s’éleva une contestation sur le chant entre le rossignol et le coucou. Chacun prise son talent. « — Quel oiseau, disait le coucou, a le chant aussi facile, aussi simple, aussi naturel et aussi mesuré que moi ? »

« — Quel oiseau, disait le rossignol, l’a plus doux, plus varié, plus éclatant, plus léger, plus touchant que moi ? »

« Le coucou : « Je dis peu de choses ; mais elles ont du poids, de l’ordre, et on les retient. »

« Le rossignol : « J’aime à parler ; mais je suis toujours nouveau, et je ne fatigue jamais. J’enchante les forêts ; le coucou les attriste. Il est tellement attaché à la leçon de sa mère, qu’il n’oserait hasarder un ton qu’il n’a point pris d’elle. Moi, je ne reconnais point de maître. Je me joue des règles. C’est surtout lorsque je les enfreins qu’on m’admire. Quelle comparaison de sa fastidieuse méthode avec mes heureux écarts ! »

« Le coucou essaya plusieurs fois d’interrompre le rossignol. Mais les rossignols chantent toujours et n’écoutent point ; c’est un peu leur défaut. Le nôtre, entraîné par ses idées, les suivait avec rapidité, sans se soucier des réponses de son rival.

« Cependant, après quelques dits et contredits, ils convinrent de s’en rapporter au jugement d’un tiers animal.

« Mais où trouver ce tiers également instruit et impartial qui les jugera ? Ce n’est pas sans peine qu’on trouve un bon juge. Ils vont en cherchant un partout.

« Ils traversaient une prairie, lorsqu’ils y aperçurent un âne des plus graves et des plus solennels. Depuis la création de l’espèce, aucun n’avait porté d’aussi longues oreilles. « Ah ! dit le coucou en les voyant, nous sommes trop heureux ; notre querelle est une affaire d’oreilles ; voilà notre juge ; Dieu le fit pour nous tout exprès. »

« L’âne broutait. Il n’imaginait guère qu’un jour il jugerait de musique. Mais la Providence s’amuse à beaucoup d’autres choses. Nos deux oiseaux s’abattent devant lui, le complimentent sur sa gravité et sur son jugement, lui exposent le sujet de leur dispute, et le supplient très-humblement de les entendre et de décider.

« Mais l’âne, détournant à peine sa lourde tête et n’en perdant pas un coup de dent, leur fait signe de ses oreilles qu’il a faim, et qu’il ne tient pas aujourd’hui son lit de justice. Les oiseaux insistent ; l’âne continue à brouter. En broutant son appétit s’apaise. Il y avait quelques arbres plantés sur la lisière du pré. « Eh bien ! leur dit-il, allez là : je m’y rendrai ; vous chanterez, je digérerai, je vous écouterai, et puis je vous en dirai mon avis. »

« Les oiseaux vont à tire-d’aile et se perchent ; l’âne les suit de l’air et du pas d’un président à mortier qui traverse les salles du palais : il arrive, il s’étend à terre et dit : « Commencez, la cour vous écoute. » C’est lui qui était toute la cour.

« Le coucou dit : « Monseigneur, il n’y a pas un mot à perdre de mes raisons ; saisissez bien le caractère de mon chant, et surtout daignez en observer l’artifice et la méthode. » Puis, se rengorgeant et battant à chaque fois des ailes, il chanta : coucou, coucou, coucoucou, coucoucou, coucou, coucoucou. » Et après avoir combiné cela de toutes les manières possibles, il se tut.

« Le rossignol, sans préambule, déploie sa voix, s’élance dans les modulations les plus hardies, suit les chants les plus neufs et les plus recherchés ; ce sont des cadences ou des tenues à perte d’haleine ; tantôt on entendait les sons descendre et murmurer au fond de sa gorge comme l’onde du ruisseau qui se perd sourdement entre des cailloux, tantôt on les entendait s’élever, se renfler peu à peu, remplir l’étendue des airs et y demeurer comme suspendus. Il était successivement doux, léger, brillant, pathétique, et quelque caractère qu’il prît, il peignait ; mais son chant n’était pas fait pour tout le monde.

« Emporté par son enthousiasme, il chanterait encore ; mais l’âne, qui avait déjà bâillé plusieurs fois, l’arrêta et lui dit : « Je me doute que tout ce que vous avez chanté là est fort beau, mais je n’y entends rien ; cela me paraît bizarre, brouillé, décousu. Vous êtes peut-être plus savant que votre rival, mais il est plus méthodique que vous, et je suis, moi, pour la méthode. »

Et l’abbé, s’adressant à M. Le Roy, et montrant Grimm du doigt : « Voilà, dit-il, le rossignol, et vous êtes le coucou, et moi je suis l’âne qui vous donne gain de cause. Bonsoir. »

Denis Diderot, Lettres à Sophie Volland (1759-1774), Texte établi par J. Assézat et M. Tourneux, Garnier, XVIII (p. 506-521).

Georg Friedrich Haendel (1685-1750), Concerto pour orgue et orchestre n°13 en fa majeur interprété par Simon Preston et The English Concert dirigé par Trevor Pinnock.