Rossignolet du bois…

En attendant le début des festivités et les 11 concerts de l’U3A programmés dès mercredi 27 juin à 17H, que diriez-vous d’une petite digression musicale chez nos amis les oiseaux qui ravissent nos oreilles et qui sont de plus en plus victimes des comportements irresponsables des hommes vis à vis de la nature.

Et pourtant, pour reprendre les mots de Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE, que serions-nous sans les oiseaux, sans leurs chants, leurs vols, leurs présences, ces présences qui font continûment l’aller-retour terre/ciel et animent nos paysages de leur grâce ailée ? Parmi ceux-ci, le rossignol occupe une place primordiale. Les poètes, les peintres et le musiciens l’ont imité, encensé et mis en vers.

Le rossignol est un oiseau timide et discret, qui se camoufle dans l’épaisseur des fourrés ou des arbres. On l’entend plus souvent qu’on ne le voit. Il chante du haut d’un perchoir situé à la cime d’un buisson ou sur une branche basse d’arbre, mais contrairement à une opinion répandue, le rossignol ne chante pas uniquement la nuit. Son chant est plus moins étouffé par celui des autres passereaux dans la journée. Il peut chanter presque toute la nuit avec seulement quelques interruptions.

Il enchante au printemps de jour comme de nuit nos bois et campagnes. Les artistes l’ont comté dans les fables, les poèmes et dans la littérature comme un enchanteur et un virtuose. Il réapparaît début avril après un long hivernage en Afrique et aussitôt arrivé chante pour séduire et conquérir la belle. Dès la mi-juin déjà sa voix s’éteint dans le paysage, c’en est fini pour l’année.

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J. Miró, Le chant du rossignol à minuit et la pluie matinale, 1940

« Chaque année, le rossignol revêt des plumes neuves, mais il garde sa chanson. »
Frédéric Mistral

 

« Quoi de plus apprécié par les poètes que le joli chant, si charmant, du rossignol dans un bosquet solitaire, durant un calme soir d’été, sous la douce lumière de la lune? Pourtant, on connaît des exemples où comme on ne pouvait trouver un tel chanteur, quelque hôte jovial est parvenu à tromper , à leur trés grande satisfaction, ses invités venus chez lui jouir de l’air de la campagne, en dissimulant dans un buisson un jeune garçon malicieux sachant imiter (avec à la bouche un roseau ou un jonc) ce chant de manière parfaitement conforme à la nature. Mais, dès que l’on prend conscience qu’il s’agit d’une tromperie, personne ne supporte longtemps d’entendre ce chant tenu auparavant pour si attrayant; et il en va de même pour tout autre oiseau chanteur. Il faut que la nature ou ce que nous tenons pour elle, soit en cause, pour que nous puissions prendre au beau comme tel un intérêt immédiat. »

Emmanuel Kant, Critique du jugement, Livre 2, Paragraphe 42, 1790

« L’âme du poète est comme le rossignol : plus on plonge sa cage dans l’obscurité, plus son chant est beau… » Joseph von Eichendorff

Rossignol

Rossignol

Comme un vol criard d’oiseaux en émoi,
Tous mes souvenirs s’abattent sur moi,
S’abattent parmi le feuillage jaune
De mon cœur mirant son tronc plié d’aune
Au tain violet de l’eau des Regrets,
Qui mélancoliquement coule auprès,
S’abattent, et puis la rumeur mauvaise
Qu’une brise moite en montant apaise,
S’éteint par degrés dans l’arbre, si bien
Qu’au bout d’un instant on n’entend plus rien,
Plus rien que la voix célébrant l’Absente,
Plus rien que la voix -ô si languissante!-
De l’oiseau qui fut mon Premier Amour,
Et qui chante encor comme au premier jour;
Et, dans la splendeur triste d’une lune
Se levant blafarde et solennelle, une
Nuit mélancolique et lourde d’été,
Pleine de silence et d’obscurité,
Berce sur l’azur qu’un vent doux effleure
L’arbre qui frissonne et l’oiseau qui pleure.

                                               Paul Verlaine, Poèmes saturniens 

« Depuis l’antiquité grecque, le rossignol symbolise le chant amoureux, à la fois parfait et précaire. Placé à la fin de la section des Poèmes saturniens intitulée Paysages tristes, Le Rossignol de Verlaine reprend cette tradition, « saturnienne » en ce qu’elle évoque un amour voué à disparaître à cause d’un destin mauvais. Dans cet étrange poème en décasyllabes, composé d’une seule phrase, le souvenir et le paysage jouent un rôle important dans l’expression de la souffrance amoureuse. » 

« … Chanter à en mourir, tel le rossignol… » Robert Schumann 

L’œuvre fut créée le 26 mai 1914, en français, à l’Opéra de Paris, sous la direction de Pierre Monteux, avec des décors et des costumes d’Alexandre Benois. À l’initiative de Diaghilev, les chanteurs étaient dans la fosse et étaient joués par des danseurs sur la scène.

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Alexandre Benois, Décors pour Le Rossignol d’Igor Stravinsky en 1914

« Dans un monde sans mélancolie, les rossignols se mettraient à roter. » Michel Cioran

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Max Ernst, Deux Enfants sont menacés par un Rossignol , 1924, huile sur bois et construction en bois, 46×33cm, œuvre exposée au MOMA de New York.

«On dit que le rossignol se perce la poitrine avec une épine quand il chante son chant d’Amour. Il en est ainsi de nous. Comment chanterions-nous autrement? »
Le sable et l’écume (1926)
Khalil Gibran 

Luciano Berio, Folksongs, Rossignolet du Bois

rossignolet du bois
rossignolet sauvage
apprends-moi ton langage
apprends-moi-z à parler
apprends-moi la manière
comment il faut aimer.

comment il faut aimer
je m’en vais vous le dire
faut chanter des aubades
deux heures après minuit
faut lui chanter : la belle
c’est pour vous réjouir.

on m’avait dit la belle
que vous avez des pommes
des pommes de reinette
qui sont dans vot’ jardin
permettez-moi la belle
que j’y mette la main.

non je ne permettrai pas
que vous touchiez mes pommes
prenez d’abord la lune
et le soleil en main
puis vous aurez les pommes
qui sont dans mon jardin.

Chant ancien de la tradition populaire d’après Joseph Canteloube – Anthologie des Chants Populaires Français, t. 3 page 284.