Dans l’effervescence culturelle « fin de siècle », Vienne se distingue par le caractère crépusculaire qu’elle donne à la production artistique. Avant la déflagration qu’illustre la guerre de 1914, c’est toute une société qui, le sachant, le prévoyant, voulant l’ignorer, court à sa perte. On a parlé d’une joyeuse apocalypse. Une lucidité désespérée, source d’une formidable inspiration qui gagne aussi bien la création musicale, littéraire, qu’artistique.
Dans cette Vienne crépusculaire, la musique est révolutionnée par Gustav Mahler, Alexander von Zemilnsky, Arnold Schoenberg et Alban Berg, la littérature par Stefan Zweig, Arthur Schnitzler, Hugo von Hofmannsthal, Rainer Maria Rilke, et Georg Trakl ; la peinture enfin par le trio magistral Klimt-Schiele-Kokoschka qui prend en charge un tout nouveau regard sur le monde et le corps, le chargeant de toute l’angoisse qui étreint la conscience collective. C’est un regard global sur l’avancée vers le gouffre social de la Première Guerre mondiale.
Chacun prenant le relais de son prédécesseur, amorçant une avancée toujours plus hardie vers la modernité. Partie de la tradition avec Klimt, la peinture s’engage résolument dans l’aventure de la modernité avec Kokoschka, ce contemporain magnifique de Picasso, Matisse, Derain, Vlaminck, tous peintres avec lesquels il peut rivaliser. En ligne constante, enfin, de cet art qui fait le lien entre un siècle finissant et une aube ensanglantée s’inscrit l’influence persistante de Sigmund Freud. A partir de la découverte de la psychanalyse, on ne regarde plus la peinture comme avant.
Gustave Klimt est le second d’une famille de sept enfants, dont le père travaille comme orfèvre ciseleur et la mère est chanteuse lyrique. Dès 1876 à l’École des Arts Décoratifs de Vienne, où il suit des cours de peinture, il annonce son goût pour l’art et la décoration. En 1880, il créé un atelier de décoration avec son frère Ernest et un ami Frantz Matsch qui obtient rapidement succès et réputation. Une notoriété qui lui permet de décorer la salle de réunion du Palais Sturany à Vienne, puis une salle du Château Royal de Palesch en Roumanie, ainsi que la Villa Hermès de Lainz ou encore les escaliers du Burgtheatrer de Vienne. Amoureux des femmes, Klimt tente tout au long de sa carrière de traduire la sensualité féminine au travers des œuvres mêlant l’or, l’argent et couleurs chaudes.
Gustav Klimt est le premier président de la sécession viennoise, qu’il fonde avec quarante autres artistes, tels Hoffmann, Kokoschka, Schiele, Carl Moll, Glrich, en avril 1897. L’architecte Otto Wagner et le musicien A.Schoenberg rejoindront ce courant de l’Art Nouveau. Ce mouvement tire son inspiration du mouvement symboliste, de l’art de l’estampe japonaise, de l’art décoratif moderne, du mouvement anglais Arts and Crafts ainsi que des motifs décoratifs gothiques.
Les œuvres du mouvement de la sécession viennoise sont caractérisées notamment par les formes organiques, les compositions florales stylisées, l’abondance des courbes, l’absence de perspective et de temps, et la relation texte image.
En fondant ce courant de l’Art Nouveau, Klimt veut s’écarter des règles esthétiques et techniques de l’académisme. Pour ce faire, il recherche de nouvelles formes d’expressivité. Klimt sera pour sa part, fortement influencé par le symbolisme, l’estampe japonaise et par les mosaïques de Ravenne qu’il vit en Italie. Plastiquement, l’oeuvre de Klimt est marquée par l’accumulation de petits motifs décoratifs stylisés et par la présence récurrente de thèmes d’inspiration érotique. Dans ce tableau, la tradition du sacré iconographique religieux, et l’influence de l’art byzantin évoqué dans la magnificence de l’objet par l’utilisation des feuilles d’or sont particulièrement présents.
Le Baiser est considéré comme le sommet de la période dorée de Gustave Klimt.
Le peintre offre un équilibre et une harmonie remarquable à cette œuvre par une représentation des personnages pleine de force et de sensualité. En effet, la position agenouillée du couple enlacé, étayée par l’étreinte puissante de l’homme et par le visage extasié de la femme donnent aux deux personnages une présence extraordinaire. Cette toile a une dimension presque sacrée donnée par les feuilles d’or et par l’évocation, d’un monde d’harmonie où le couple isolé par sublimation du sentiment amoureux ignore le monde réel et évolue dans un monde irréel et idéalisé.
Voici une superbe analyse interactive récupérée sur le site Peinture&nd
ash;analyse.com http://www.peintre-analyse.com/baiser.htm qui vous permettra de mieux connaître l’énigmatique peinture de Klimt et ses structures fascinantes.
http://www.peintre-analyse.com/baiser.swf
…Et pour faire le lien avec l’esprit de Mahler, cette animation reprenant les plus grandes réalisations de Klimt sur fond musical constitué par le célèbre Adagietto de la cinquième symphonie. Amusez-vous bien… !
A suivre…