Semaine Mahler (7)

Et pour terminer en beauté cette période privilégiée des vacances scolaires et cette trop courte semaine consacrée à Gustav Mahler, voici, non pas une citation de Mahler, mais le texte et la musique du fameux « Adieu » du Chant de la Terre, une des plus belles musiques de notre histoire. Teintée de tristesse et d’espoir, il est particulièrement représentatif de l’esprit de Gustav Mahler.


Gustav Mahler
 


 

Mahler a eu connaissance de cette poésie chinoise par l’intermédiaire d’une traduction allemande de Hans Bethge dans un recueil nommé « La Flûte chinoise ». Les auteurs se nomment Mong Kao Jen et Wang Wei, mais de nombreux ajouts et modifications sont de la main du compositeur lui-même. Les derniers vers, inoubliables et profondément émouvants, sont de Mahler et témoignent de son état d’esprit face au monde, à la vie et à la mort. 

L’œuvre est trop complexe pour être commentée aujourd’hui. Nul doute que j’y reviendrai un jour lors d’un cours ou d’une conférence…et, peut-être à cette occasion, sur ce Blog. Car on a jamais fini d’écouter et de redécouvrir ces compositeurs universels qui remuent les entrailles les plus profondes des hommes. 

Le soleil disparaît derrière les montagnes.

Die Sonne scheidet hinter dem Gebirge.

Sur toutes les vallées tombe le soir,

In alle Täler steigt der Abend nieder

Avec ses ombres pleines de fraîcheur.

Mit seinen Schatten, die voll Kühlung sind.

O vois! Comme une barque d’argent flotte

O sieh! Wie eine Silberbarke schwebt

La lune sur la mer bleue du ciel.

Der Mond am blauen Himmelssee herauf.

Je sens une tendre brise souffler

Ich spüre eines feinen Windes Wehn

Derrière les pins sombres!

Hinter den dunklen Fichten!

Le ruisseau chante à voix plus haute dans l’ombre,

Der Bach singt voller Wohllaut durch das Dunkel.

Les fleurs pâlissent dans la lueur du crépuscule.

Die Blumen blassen im Dämmerschein.

La terre respire pleinement de repos et de sommeil.

Die Erde atmet voll von Ruh’ und Schlaf.

Tous les désirs vont maintenant rêver,

Alle Sehnsucht will nun träumen,

Les gens fatigués rentrent chez eux,

Die müden Menschen gehn heimwärts,

Pour apprendre dans le sommeil un bonheur oublié

Um im Schlaf vergessnes Glück

Et la jeunesse, à nouveau!

Und Jugend neu zu lernen!

Les oiseaux sont blottis, silencieux, sur leurs branches.

Die Vögel hocken still in ihren Zweigen.

Le monde s’endort…

Die Welt schläft ein…

Il souffle une brise fraîche à l’ombre de mes pins.

Es wehet kühl im Schatten meiner Fichten.

Je suis là et j’attends un ami;

Ich stehe hier und harre eines Freundes;

Je l’attends pour un dernier adieu.

Ich harre sein zum letzten Lebewohl.

J’ai tant envie, ami, à tes côtés

Ich sehne mich, o Freund, an deiner Seite

De jouir de la beauté de ce soir.

Die Schönheit dieses Abends zu genießen.

Où es-tu? Tu m’as laissé seul si longtemps!

Wo bleibst du? Du läßt mich lang allein!

J’erre ici et là, avec mon luth,

Ich wandle auf und nieder mit meiner Laute

Sur des sentiers riches d’une herbe douce.

Auf Wegen, die von weichem Grase schwellen.

O beauté! O monde à jamais ivre d’amour et de vie!

O Schönheit! O ewigen Liebens, Lebens trunk’ne Welt!

(d’après Wang-Sei)

 

)

Il descendit de cheval et lui tendit le breuvage de l’adieu.

Er stieg vom Pferd und reichte ihm den Trunk des Abschieds dar.

Il lui demanda où il irait

Er fragte ihn, wohin er führe

Et aussi pourquoi cela devait être.

Und auch warum es müßte sein.

Il parla, sa voix était voilée :

Er sprach, seine Stimme war umflort :

Toi, mon ami,

Du, mein Freund,

Sur cette terre, le bonheur ne m’a pas été donné!

Mir war auf dieser Welt das Glück nicht hold!

Où je vais ? Je vais, j’erre dans les montagnes.

Wohin ich geh? Ich geh, ich wandre in die Berge.

Je cherche le repos pour mon cœur solitaire.

Ich suche Ruhe für mein einsam Herz!

Je vais vers mon pays, mon refuge.

Ich wandle nach der Heimat, meiner Stätte.

Jamais je n’errerai plus au loin.

Ich werde niemals in die Ferne schweifen.

Calme est mon cœur et il attend son heure.

Still ist mein Herz und harret seiner Stunde!

Partout, la terre bien-aimée

Die liebe Erde allüberall

Fleurit au printemps et verdit à nouveau!

Blüht auf im Lenz und grünt aufs neu!

Partout et éternellement, les lointains bleuissent de lumière!

Allüberall und ewig blauen licht die Fernen!

Eternellement… éternellement…

Ewig… ewig..

 

Et la dernière partie de cet « Adieu » par Kathleen Ferrier, l’Orchestre Philharmonique de Vienne sous la direction de Bruno Walter…un sommet !