L’autocritique et le paradoxe

 

J’ai toujours été amusé et intrigué par les nombreux paradoxes que nous rencontrons dans notre vie quotidienne. J’ai acquis, il y a bien longtemps déjà, un ouvrage fort instructif dans lequel j’aime me plonger régulièrement pour quelques minutes. Il en recense un bon nombre de paradoxes qui nous accompagnent tout au long de notre vie. Le texte qui suit en est issu : 

 


Tresor des paradoxes

Philippe Boulanger et Alain Cohen, Le trésor des paradoxes, Paris, éd. Belin, 2007, PP. 82-83.

 


« Pour reconnaître son manque d’intelligence, il faut être intelligent, prévient Marivaux : « Il faut avoir bien du jugement pour sentir que nous n’en avons point ». Shakespeare exprime un chassé-croisé entre chiasme et paradoxe : « Le fou se croit sage et reconnaît lui-même n’être qu’un fou ». Dans une reconnaissance du délire (« je suis en train de déraisonner »), cette aporie de l’autocritique équivaut au paradoxe du menteur : on prétend s’arroger le droit de traiter, avec justesse, du caractère fallacieux de ses propos ! Le paradoxe d’Epiménide se trouve dans l’indication « En panne » faite par certaines machines comme des distributeurs automatiques : pour signaler un fonctionnement anormal, encore faut-il que celui-ci soit en partie correct, pour assurer ce affichage de la panne ! 

Un tel clivage paradoxal existe en psychiatrie où l’on sépare les affections mentales en troubles « légers » et « graves ». Dans les troubles « légers » ou « névrose », le sujet reconnaît généralement ses « troubles », considérés précisément comme « moindres » pour cette auto-reconnaissance. Dans les cas « plus graves » ou « psychoses », le sujet méconnaît souvent sa propre pathologie « délire, hallucinations,… ne sont pas reconnus comme tels » et l’ignorance des troubles par l’intéressé constitue pour les autres un critère de gravité.

 

La première étape vers la santé mentale, c’est de s’apercevoir qu’on est malade. Toutefois, reconnaître « je délire » équivaut à « mettez tous mes propos en doute » et amoindrit la portée de cet aveu en le mettant lui-même en doute.»

 

Si vous cherchez bien dans les actes, les paroles et les pensées de votre quotidien, vous trouverez, sans doute, de quoi nourrir votre réflexion. Les paradoxes sont-ils évitables ?