Pour la troisième journée du Festival Voyages d’été 2019, j’avais programmé deux concerts très différents… et pourtant l’un et l’autre pleins de la diversité des émotions musicales.
À 17H, Le jeune clarinettiste, Hervé Closset, se produisait pour la première fois sur notre scène. Il était accompagné d’un grand habitué des Concerts de l’U3A, le formidable pianiste Jean Hu. Au programme, des œuvres pour clarinette et clarinette basse, l’occasion de mesurer la diversité des timbres et des sonorités des deux instruments. Retrouvez le programme complet ICI.
On sait que la clarinette est un instrument avec l’un des plus larges spectres des émotions. L’instrument peut être ironique, voir sarcastique dans l’aigu et d’une douceur inégalée dans ses registres intimistes avec toute la palette des déclinaisons possibles de timbres et de dynamique. Les trois romances de R. Schuman illustrent, sur la clarinette en la, l’essence même du romantisme. L’instrument chante merveilleusement comme une voix humaine qui aurait perdu le mot. Souplesse, virtuosité, contrastes, Hervé offre la large palette de sa sensibilité. Jean Hu, en grand interprète de Schumann, lui donne la réplique parfaite.
Toute en subtilités, c’est une autre clarinette qu’on découvre avec la Première Rhapsodie de Claude Debussy. Place à la couleur, certes au lyrisme aussi, mais la fusion des timbres entre clarinette et piano n’a d’égale que les paysages impressionnistes aux mille nuances.
Place maintenant à l’énigmatique clarinette basse avec un arrangement de la Première Sonate pour violoncelle et piano de Johannes Brahms. L’instrument chausse merveilleusement les souliers du violoncelle et offre, par ses sonorités ténébreuses et profondément lyriques, par ses phrasés où l’on sent, en arrière plan, la conduite d’un archet imaginaire, un moment étonnant (je n’avais jamais écouté cette sonate avec clarinette basse) et assez convainquant. Coup de chapeau à Jean Hu qui, dans une partition de haut vol, parvient à se hisser au-dessus de la technique pour offrir une sublime partie pianistique complice essentiel à la clarinette.
Le superbe concert s’achève déjà par une pièce de haute virtuosité de Jules Semler-Collery, preuve, mais personne dans l’assemblée n’en doutait, que Hervé et Jean forment un duo de premier choix.
Le second concert de la journée n’avait qu’une seule œuvre au programme… mais quelle musique ! J’avais demandé aux deux extraordinaires jeunes pianistes, les sœurs Nora et Zora Novotná de travailler pour l’occasion la Fantaisie en fa mineur D.940 pour piano à quatre mains de Franz Schubert.
Nous avions conçus cette séance comme un concert commenté ou les diverses parties de l’œuvre seraient décortiquées et expliquées. Les dernières œuvres de Schubert sont certes bouleversantes en elles-mêmes, mais gagnent à être replacées dans leur juste contexte et dans la pensée musicale et poétique qui les a vu naître.
La foule était nombreuses et la salle quasi comble pour écouter ces deux pianistes dont la réputation a, depuis longtemps déjà, dépassé les murs du Conservatoire royal de Liège où elles étudient actuellement.
Que dire ? Excellence, finesse, justesse de ton, infinité de nuances, complicité totale sur ce clavier fréquenté par deux musiciennes qui, si elles ne peuvent nier leur lien sororal, sont parfaitement différentes dans leurs attitudes et leurs sensibilités. Durant la longue explication, elles répondent avec un naturel et une complicité formidable. Elles comprennent immédiatement ce que j’attends d’elles et l’assurent avec une efficacité sans faille.
Puis, quand vient le moment de jouer la Fantaisie dans son intégralité, malgré une chaleur accablante et une présence sur scène de près d’une heure quinze, elles offrent tout ce qu’elles ont en elles, elles bouleversent l’auditoire qui les applaudit et ponctue leur salut de bravos enthousiastes. … Au risque de me répéter… quel talent !
Elles gratifient encore l’auditoire d’une célèbre Danse slave de leur compositeur national, Antonín Dvořák, pour le plus grand plaisir de chacun. La soirée s’achève joyeusement avec une boisson bien fraîche sur la terrasse de l’U3A où le soleil ayant décliné, laisse percevoir une douce ambiance vespérale.