Depuis sa création, le Festival Voyages d’été propose une journée à trois concerts le samedi ! Cette année n’a pas fait exception à la règle, malgré une température caniculaire qui rendait les prestations de nos musiciens très difficiles. Tout le monde a assuré son rôle avec un brio et une détermination exemplaire… malgré une assistance moins fournie que les jours précédents… dommage !
Le premier concert faisait la part belle aux compositeurs de la génération 1810. Maud Renier, une de nos plus fidèles pianistes et amies, avait accepté de jouer, une fois de plus, le jeu du concert commenté. Sa souplesse, sa profonde compréhension du langage romantique et sa disponibilité offrent au conférencier que je suis, un véritable confort de travail et une complicité incomparable.
Nous voguions donc entre Félix Mendelssohn, Frédéric Chopin, Robert Schumann, Franz Liszt et Richard Wagner. Au centre du concert, la petite forme, poèmes évocateurs de quelques minutes, expression de la quintessence du romantisme musical.
Du gondolier vénitien à la Mort d’Isolde en passant par l’esprit national polonais, le rêve de retrouver dans l’au-delà l’une enfance révolue et la transcendance d’un rêve d’amour, Maud Renier nous a fait passer par toutes les nuances de l’âme. Son jeu, si fin et délicat peut gronder quand il le faut et faire sonner le tragique Nocturne op.48 n°1 de Chopin comme un orchestre et les morts d’extase wagnériennes comme un souffle de la nature régénérante. Parvenant à atteindre la simplicité fondamentale des Romances sans paroles de Mendelssohn, Maud nous offre une Rêverie schumanienne de toute beauté, hors du temps. L’enfant n’a plus qu’à s’endormir pour laisser parler le poète avec son amoureux grupetto et sa douce prière.
De quoi rêve l’enfant ? S’agit-il vraiment d’un enfant ? Tous les êtres ne sont-ils pas des enfants ? C’est du moins un sublime Rêve d’Amour qui clôt ce merveilleux concert commenté qui nous a tous transportés dans l’essence de la musique et son voyage sublime…à refaire encore et encore !
Dans une salle surchauffée par le concert commenté qui précédait, Leonor Swyngedouw au violoncelle et Ioana Mandrescu au piano prenaient place pour prendre la température de notre salle 11. En l’espace de quelques raccords, le concert débutait, certes avec quelque retard mais avec une fougue et une passion qui caractérisent Leonor. Le ton est donné : Prélude de la Sixième Suite de Bach, enlevé, sonore, riche et profond.
Ioana la rejoint et elles entament ce merveilleux Nacht und Träume de Franz Schubert. Le violoncelle chante. Rostropovitch n’exagérait pas quand il affirmait que le violoncelle exprime toutes les nuances de la voix. Leonor laisse couler son chant intérieur par ses doigts et son archet respire les phrases avec une indicible beauté. Le piano de Ioana soutient, colore à la manière des sfumati de la peinture renaissante. Un moment d’éternité ! Les auditeurs en ont le souffle coupé d’émotion.
Immense cheval de bataille, la gigantesque cinquième sonate de Beethoven est un Himalaya à gravir pour nos deux musiciennes. La partie très dense et virtuose du piano en fait une soliste à part entière et le dialogue serré qui s’établit entre les deux instruments trouve son aboutissement sublime dans la très difficile fugue finale. Belle complicité de nos deux artistes au service du géant de la musique ! Le public s’emballe et les premiers bravos se font entendre.
Prayer d’Ernest Bloch est un sommet d’intensité et de ferveur. Puis, pour terminer le concert, Leonor et Ioana avaient programmé les superbes trois Pièces de Fantaisie op. 73 de Robert Schumann où le lyrisme se déploie avec toute sa force, comme si nos musiciennes confirmaient les propos tenus dans la séance sur la génération 1810. Tonnerre d’applaudissements, bravos de tous les coins de la salle, le public est conquis !
Un bis particulièrement acrobatique de David Popper (1843-1913) achève d’emporter la salle qui admire, outre un immense talent musical, la joie et la passion de faire de la musique. Quel bonheur !
Mais déjà, le concert du soir approchait et nos invités prenaient possession des lieux pendant que le public bavardait encore des deux séances précédentes. L’un des clous du festival, mais chaque concert uen est un, était le récital de la flûtiste Albane Tamagna accompagnée du quatuor à cordes Les Enfants terribles.
Au programme, les superbes concertos et sonates préclassiques de Carl Philipp Emmanuel Bach. Un langage virtuose, certes, mais qui laisse la place à l’émotion spontanée typique des artistes de l’époque galante. Sublimes mélodies, déjà très proches de Mozart, virtuosité berlinoise, proche de celle de Frédéric II de Prusse, excellent flûtiste au service duquel le fils de Bach travaillait, le langage est clair et Albane le maîtrise brillamment, soutenue de belle manière par Les Enfants Terribles.
La grande Fantaisie brillante sur Carmen de Georges Bizet reprend, en les variant et en les exposant de manière particulièrement virtuose la plupart des thèmes du célèbre opéra. À tout moment, on chante les airs et on admire l’aisance avec laquelle notre soliste surpasse toutes les difficultés techniques rassemblées en un pot-pourri de mélodies connues et des sortilèges de la flûte.
Albane Tamagna propose, pour finir la journée, son propre arrangement des Airs bohémiens pour violon de Pablo de Sarasate. Spectaculaire et très musical, son adaptation exploite les techniques les plus modernes de la flûte et soulève la salle d’enthousiasme, montrant à quel point des œuvres initialement composées pour un violon aux influences populaires, peuvent se transposer, plus que se transcrire, dans l’âme d’un autre instrument, ici la flûte, sans pour autant dénaturer la musique.
Dans la chaleur toujours intense du soir, on reparle encore de tout cela, de la musique, de la vie, autour d’un verre frais… bien mérité ! Oui, le samedi à l’U3A, tout est permis !