Un jour… Un chef-d’oeuvre! (10)

En hommage à toutes les victimes passées, présentes et à venir et en guise de mise en garde pour les audacieux… ceux qui stupidement défient la mort…

22c. La mère de Lemminkäinen (1897) de Akseli Gallen-Kallela, 1897.

La mère de Lemminkäinen (1897) de Akseli Gallen-Kallela, 1897.

Jean Sibelius (1865-1957), Le Cygne de Tuonela extrait des Quatre légendes de Lemminkäinen op. 22 (1893) par Esa-Pekka Salonen dirigeant l’Orchestre symphonique de la Radio finlandaise en 1992.

Lors le léger Lemminkäinen
Le superbe Kaukomieli,
Partit à la chasse du cygne,
À la recherche du long cou
Dans le noir fleuve de Tuoni,
Dans le vallon de Manala.

Il s’avança d’un pas d’aigle,
Se dirigea rapidement
Vers le noir fleuve de Tuomi,
Au bord du tourbillon sacré,
Sa forte arbalète à l’épaule,
L’archais de flèches sur le dos.

Chapeau mouillé, le vieux berger,
L’aveugle vieillard de Pohja,
Était auprès du fleuve noir,
Au bord du tourbillon sacré;
Il attendait l’oeil aux aguets
L’approche de Lemminkäinen.

Alors, au bout de plusieurs jours,
Il aperçut Lemminkäinen
Qui s’approchait tranquillement
Vers le noir fleuve de Tuoni,
Près du rapide redoutable,
Au bord du tourbillons sacré.

Il sortit un serpent de l’eau,
Un tuyau bouché du torrent,
En transperça le cœur de l’homme,
L’estomac de Lemminkäinen
Au travers de l’aisselle gauche,
Jusqu’au bout de l’épaule droite.

Lors le léger Lamminkäinen
Se sentit durement atteint,
S’exprima de cette façon:
« J’ai commis une grave faute
En oubliant de demander
À ma mère qui m’a porté
Seulement deux autres paroles
Ou même au plus trois mots disant
Comment il faut se comporter
Dans cette journée de malheur:
J’ignore les mots du serpent,
Les formules contre ses coups.

Bonne mère qui m’a porté,
Toi qui supportas tant de peines,
Si tu savais et connaissais
Où se trouve ton pauvre fils,
Tu te hâterais de venir,
Tu volerais à mon secours,
Pour empêcher que ton enfant
Ne meure de cette manière,
Ne succombe si jeune encore,
Ne disparaisse en pleine force. »

Le Kalevala, Chant XIV (extrait), établissement du texte par Elias Lönnrot, traduction du finnois par Jean-Louis Perret, Paris, Éditions Chapion Classiques, 2009, p. 183-184.