LES ANIMAUX ASTRONOMES
Le chien aboie à la Lune
Le chat miaule à saturne
Les chauves-souris sont Vénus
Le ru coule comme le Mercure
Un homme dans la nuit marche
La chouette chuinte à Jupiter
Le chat-huant hue à Neptune
Le lièvre vagit à Uranus
Le lampyre reflète Pluton
Est-ce-là l’harmonie des sphères
Ou n’est-il bruit que sur la Terre.
Raymond Queneau (1903-1976)
Jan Matejko (1838-1893), l’Astronome Nicolas Copernic (1473–1543) ou Conversation avec Dieu, 1872.
Gustav Holst (1874-1934), Les Planètes (1914-1917), interprété par L’orchestre philharmonique royal de Liverpool, dirigé par Sir Charles Mackerras.
… Une oeuvre un peu plus longue que d’habitude pour le week-end et… un texte un peu plus long que d’habitude pour un vaste propos… je l’avais écrit pour le programme de salle de l’OPRL… il y a déjà bien longtemps! Je vous le redonne à lire pour découvrir un peu mieux ce compositeur, hélas, encore connu pour une seule de ses œuvres « Les Planètes »
Pour ceux qui voudraient choisir leur planète… voici les minutages. Il vous suffira de cliquer sur le minutage pour y accéder directement sur YouTube.
0:00 Mars 7:27 Venus 14:52 Mercury 18:39 Jupiter 26:11 Saturn 35:26 Uranus 41:12 Neptune
« Né à Cheltenham dans une famille de musiciens, il abandonne tôt ses études de piano, suite à des problèmes de santé, pour se consacrer à la composition sous la direction de Charles Villiers Stanford. Tromboniste dans plusieurs orchestres pour arrondir ses fins de mois, il devient rapidement professeur de composition au Royal College of Music. Sa production orchestrale et vocale est abondante. Elle traduit clairement les intérêts folkloriques (A Somerset Rhapsody en 1906), littéraires (Ode to the Death sur un poème de W. Withman en 1919), hindouistes (Hymn of the Rig Veda en 1912) ainsi que mythologiques et astronomiques (The Planets entre 1914 et 1917).
Personnage curieux de tout et particulièrement sensible, il découvre l’Europe, visite Constantinople et Athènes durant la première guerre mondiale et s’émerveille des paysages anglais qu’il rencontre au gré de ses nombreuses randonnées. Alternant succès et déconvenues, G. Holst, dépressif de longue date, partage la fin de sa vie entre une confortable résidence campagnarde et Londres où il s’éteint le 25 mai 1934 quatre mois après Elgar et quelques jours avant Delius.
Au cours des années 1910, Gustav Holst traverse une période de crise musicale et philosophique. En effet, sa première œuvre d’envergure, un opéra nommé Sitra manqua de peu le prix du concours de composition organisé par la maison d’éditions Ricordi. Par contre, d’autres pièces comme The Cloud Messenger et Beni Mora furent créées avec succès.
En mars 1913, il reçût une bourse qui lui permit de voyager en Espagne avec Clifford Bax (le frère du compositeur Arnold Bax), astrologue. Il initia le compositeur aux règles de l’astrologie. Holst possédait le livre du célèbre astrologue anglais Allan Leo « The Art of Synthesis » divisé en sept chapitres, un par planète (Pluton ne sera découverte qu’en 1930). Chaque planète y est présentée en fonction de son rôle astrologique. En fait, Neptune « le mystique » y est présenté sous le même titre que dans la suite des planètes du compositeur. Il est fort probable que Holst ait été introduit auprès de Leo par l’intermédiaire d’un ami commun, G. Mead, spécialiste du sanskrit et membre, comme le musicien, de la Royal Asiatic Society.
D’autres influences plus musicales, sont également à considérer. Pendant la composition des Planètes, Holst assista avec enthousiasme au concert au cours duquel A. Schoenberg dirigea ses Cinq Pièces pour orchestre op. 16. L’anglais fut si impressionné qu’il voulut d’abord nommer son œuvre « Sept pièces pour orchestre ». Ensuite, I. Stravinsky vint diriger les fameux Sacre du Printemps et Holst fut, bien sur, ébloui devant cette manière inédite d’utiliser les sonorités de l’orchestre et la métrique. Mars, la première pièce de sa suite en porte des traces évidentes.
La suite d’orchestre est architecturée en sept parties :
Mars, celui qui apporte la guerre
Venus, celle qui apporte la paix
Mercure, le messager ailé
Jupiter, ce lui qui apporte la gaîté
Saturne, celui qui apporte la vieillesse
Uranus, le magicien
Neptune, le mystique.
Holst ne considérait pas seulement les planètes comme des portraits des dieux de la mythologie antique, mais leur donnait un vrai rôle astrologique en rapport avec la vie de l’être humain. Dans cette optique, Mars, celui qui apporte la guerre est à la fois le dieu romain qui plonge l’homme dans le tragique. Le contexte de la première guerre mondiale n’y est pas étranger. Ouverture massive et profondément tourmentée, cette pièce fut de son temps considérée comme la plus dévastatrice jamais écrite. Dissonances, rythmes asymétriques et orchestration lourde évoquent, avant « Leningrad » de Chostakovitch, une progression insoutenable de l’appareil militaire.
Vénus, celle qui apporte la paix, semble lui répondre dans un climat calme et serein, conduite par un léger balancement et soutenue par une orchestration aux couleurs translucides. Le chant du cor, de la flûte et du premier violon procure à l’auditeur cette paix retrouvée.
Mercure, le messager ailé, est perçu comme la passerelle entre le monde terrestre et les mondes lointains et invisibles. Écrite en forme de scherzo, cette pièce est rythmée, mais reste modérée. Elle nous conduit vers Jupiter qui, muni de son étrange sous titre « celui qui apporte la gaîté » se présente comme le concept de la vie originelle. Sa mélodie centrale, en forme d’hymne, opère sur l’auditeur un effet d’identification réciproque qui n’est pas sans rappeler le fameux Pomp and Circumstance n°1 (1901) d’Edward Elgar. Ce sont les racines profondes communes aux êtres humains qui sont effleurées ici. Ce chant est devenu aujourd’hui un hymne anglais très populaire.
On sait que Saturne était le mouvement préféré de Holst. Celui qui apporte la vieillesse n’est pas toujours paisible et joyeux. Il lutte pour la vie face aux forces surnaturelles. Uranus, le magicien, est représenté en un vif scherzo parfois violent qui trouve son point culminant dans une orchestration robuste. Il déclenche par magie un renversement de situation. Parvenant à une sorte d’extase mystique, Neptune distille et suspend le temps avant que, des profondeurs stellaires, un chœur de femmes dispense une tranquillité absolue et intemporelle…une sorte de nirvana, une rédemption.
Si les influences extérieures sont encore sensibles (Schoenberg, Stravinsky, Debussy, …), l’œuvre est de conception originale dans son architecture s’articulant autour du mouvement central Jupiter, essence de l’Etre ainsi que dans sa forme symétrique.
L’œuvre fut créée en un concert privé en 1918 sous la direction de Sir Adrian Boult tandis que la première exécution publique eut lieu au Queen’s Hall de Londres en 1920 sous la baguette d’A. Coates. Le succès fut immense. Pourtant, Holst n’écrivit plus jamais d’œuvre comme les Planètes. Il détestait sa popularité. Son intérêt pour l’astrologie s’estompa bien que, jusqu’à sa mort, il dressa des horoscopes pour ses amis. Le public fut déçu de ses œuvres suivantes et il se détourna de ses admirateurs. Ironie du sort, l’œuvre qui le rendit célèbre à travers le monde fur celle qui, tout compte fait, lui apporta le moins de joie… »
JMO