Un jour… Un chef-d’œuvre (200)

Je n’aurais jamais imaginé en écrire 200…!

Ce 200ème billet méritait de très grandes œuvres. Liées au temps qui passe, se répète, se varie… ou non, elles illustrent le texte du physicien et philosophe Étienne Klein. Bonne Observation/Écoute/Lecture… et merci pour votre fidélité!

L’horloge astronomique de Prague est une horloge médiévale qui se trouve sur la place de la Vieille-Ville. L’horloge aurait été construite par le maître horloger Hanus le 9 octobre 1410. La légende veut que l’on ait crevé les yeux à l’horloger, pour l’empêcher de reproduire son chef-d’œuvre ailleurs.

Ludwig van Beethoven (1770-1827), Variations sur un thème de Diabelli, interprétées par Grigory Sokolov.

Les 33 Variations sur une valse de Diabelli op. 120 « Variations Diabelli » forment un recueil de variations pour piano écrites entre 1819 et 1823 sur une valse composée par Anton Diabelli. Elles ont donc sensiblement… 200 ans! Le souci de la variation poussée jusqu’à la dissolution du thème est un aspect caractéristique de la pensée musicale de la dernière période de Beethoven : le compositeur préféra d’ailleurs pour son recueil, comme J.S. Bach l’avait fait pour les Variations Goldberg, le titre 33 Veränderungen über einen Walzer von Anton Diabelli (littéralement 33 transformations sur une valse de Diabelli) au terme Variazionen. Elles sont composées en même temps que les deux dernières sonates et seront éditées en 1823..

La fortune philosophique du concept d’éternel retour a quelque chose d’étonnant. En effet, prise rigoureusement, l’idée qu’un même cycle temporal puisse se répéter à l’infini est paradoxale. Admettons (pour voir) qu’une telle chose soit possible. De deux choses l’une: ou bien, lorsqu’on parcourt pour la deuxième fois un cycle donné, on se souvient de ce que fut le premier passage; il ne s’agit alors pas d’une authentique répétition du premier cycle, mais plutôt d’une « reprise » puisqu’on ne découvre plus ce que l’on est en train de revivre; ou bien chaque démarrage d’un nouveau cycle « remet les compteurs à zéro », c’est à dire que chaque cycle est vécu pour lui-même, comme un événement unique et neuf, oublieux de ce qui l’a précédé et inconscient de ce qui lui succédera; dans ce cas, il ne s’agit pas non plus d’un véritable retour, puisque celui qui le vit ignore qu’il ne fait que le revivre. Pour qu’il y ait devenir et non simplement rengaine, il faut que du hasard et de l’imprévisible soient redonnés à chaque fois, de sorte que chaque cycle soit différent du précédent. Autrement dit, il faut injecter de la différence dans la répétition, c’est-à-dire empêcher la… répétition à l’identique.

Ces difficultés qui jaillissent immanquablement, que l’on fasse ou non intervenir la mémoire dans l’affaire, n’ont pas suffi à entame l’aura du mythe de l’éternel retour. Ironiquement, celui-ci s’amuse à « revenir éternellement » dans nos discours nostalgiques. Sans doute espère-t-on grâce à lui retrouver l’origine même des choses par-delà leur dissémination temporelle. Mais ce n’est pas parce que certains phénomènes se répètent que le temps lui-même se répète. Autrement dit, l’existence de cycles dans le temps, comme ceux des saisons, n’impose nullement au temps d’être lui-même cyclique. D’une façon générale, le temps ne possède pas nécessairement les propriétés des phénomènes qu’il contient.

Iconoclastes, les physiciens ont chois d’adopter un temps linéaire plutôt que cyclique en vertu du principe de causalité. Ce principe est une méthode de rangement des événements. Dans sa formulation classique, il stipule que la cause d’un phénomène est nécessairement antérieure au phénomène lui-même. Cet ordre obligatoire et absolu vient immédiatement interdire les voyages dans le temps, car ceux-ci permettraient de retourner dans le passé pour modifier une séquence d’événements ayant déjà eu lieu. […]

Étienne Klein, Le temps existe-t-il? Paris, Éditions Le Pommier, Coll. Les Petites pommes du savoir, 2002, pp.46-19.