Raison versus révélation

 « Un accusé passe aux assises pour meurtre. Les preuves de sa culpabilité s’accumulent, mais il n’y a pas de corps. Dans son ultime exposé, l’avocat de la défense a recours à une ruse. – Mesdames et messieurs du jury, dit-il, j’ai une surprise pour vous. D’ici une minute, la personne présumée morte va entrer dans la salle d’audience. Il regarde vers la porte de la salle. Les jurés stupéfaits, tournent tous leur regard du même côté avec impatience. Une minute passe. Rien ne se produit. Finalement, l’avocat dit : – En réalité, j’ai complètement inventé cette histoire selon laquelle le mort allait entrer dans le tribunal. Mais vous avez tous regardé vers la porte avec appréhension. C’est pourquoi je vous affirme qu’il est raisonnable, dans l’affaire ici jugée, de douter même de ce qu’il y a eu meurtre, et je vous demande instamment de revenir avec un verdict de « non coupable » en faveur de mon client. Les jurés se retirent pour délibérer. Quelques minutes plus tard, ils reviennent et prononcent le verdict de « coupable ». – Mais comment pouvez-vous faire cela ? beugle l’avocat. Vous devez avoir un doute. Je vous ai vu fixer la porte. Le président du jury répond : 

– Oh oui, nous avons regardé, mais pas votre client. »


 Platon et son ornithorynque


 

Réviser les grands principes de la philosophie an se divertissant. Voilà une bonne piste pour nos enseignants…et pour chacun d’entre nous aussi ! La farce que vous venez de lire est extraite d’un formidable petit ouvrage au nom singulier dont voici la référence exacte :

 

Th. Cathcart et D. Klein, Platon et son ornithorynque entrent dans un bar…La philosophie expliquée par les blagues (sans blagues,), traduit de l’anglais par S. Taussig, Paris, Seuil, 2008.

 

L’ornithorynque, est un mammifère étrange qui pond des œufs, qui est muni de crochets venimeux qui possède un bec de canard, des pattes de loutre et une queue de castor (le pauvre) ! Vivant en Australie, l’animal fut découvert par des explorateurs et des naturalistes qui ont cru à une plaisanterie. De façon humoristique, on dit parfois que l’ornithorynque est la preuve de l’humour de Dieu.


 Gould_John_Duckbilled_Platypus_1845-1863


Le livre, dédié à Groucho Marx, se propose d’illustrer les grands chapitres de la philosophie par des blagues adaptées aux raisonnements des grands penseurs de notre histoire. La métaphysique, la logique, l’épistémologie, l’éthique, la philosophie des religions et bien d’autres pans de la pensée sont abordés avec humour. Le résultat me semble concluant dans la mesure où, malgré un aspect assez réducteur, les auteurs parviennent à susciter l’envie d’en savoir plus et de s’informer davantage.

 

Ainsi, le texte ci-dessus sert à illustrer les propos de Descartes. Mettre la raison au dessus de la source divine et de la « révélation » est en effet le résultat du long processus de la pensée du philosophe dont on retient surtout aujourd’hui le célèbre « cogito ergo sum » (je pense donc je suis) sans savoir exactement d’où il provient. La mise en doute des informations, l’esprit critique et le raisonnement devraient en effet être à la base de notre mode de fonctionnement. On peut se demander si le monde fonctionne encore comme cela au regard de l’actualité… !

 

Si on dévore ce livre au sol
eil dans le désoeuvrement d’une journée de congé, ses conséquences à plus long terme consistent en un retour en profondeur aux grandes questions qui  nous habitent. J’aime ce genre d’ouvrages qui sans avoir de prétention outrancière permet une plongée en nous-même de plus grande ampleur que les quelques 250 pages qu’il comporte.