Nous avions la chance de recevoir le Quatuor Lavrenov pour le troisième concert de l’U3A hier soir. Je dis bien la chance extraordinaire d’écouter quatre membres d’une même famille, bien connue à Liège, sur notre modeste scène.
L’affaire n’est pas courante. Imaginez que tous ceux qui se produisaient se nommaient Lavrenov. Le papa, d’abord, Emile, altiste chevronné, membre de l’Orchestre philharmonique de Liège depuis vingt cinq ans. Son épouse et lui-même ont manifestement communiqué le virus de la musique à leurs trois enfants. Il faut dire que Madame Lavrenov est aussi altiste, mais dans l’orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie, elle ! C’était d’ailleurs très émouvant de l’observer, au premier rang, écouter les siens interpréter ce chef d’œuvre immense qu’est le septième quatuor à cordes de Beethoven, j’y reviens…
Elena Lavrenov, la fille aînée, est une violoniste confirmée, virtuose, musicienne à souhait, elle sait, du regard et du geste, mener tout son petit monde à la baguette. Assumant avec force et tempérament son rôle délicat de premier violon du quatuor, elle sait insuffler toute la dynamique et la complicité indispensables à une telle œuvre.
Au violoncelle, Thibaut, un soliste de très haut niveau qui débute d’ailleurs une belle carrière de soliste. Lui aussi est membre depuis peu de l’OPL et développe, en parallèle des palmarès de concours internationaux et des prestations de haut vol en musique de chambre. On a rarement entendu un violoncelle aussi subtil, aussi juste dans son phrasé, dans ses nuances et dans la qualité de son son.
Enfin, Bertrand, le plus jeune, au deuxième violon. Présence, concentration et sensibilité sont ses moindres qualités. Il est lui aussi un vrai chambriste et ses interventions, d’une rare difficulté, montrent tout son potentiel.
Bref, une belle famille qui cultive, au-delà de la pratique professionnelle, un goût marqué pour la pratique à la maison, en famille. Si chacun de ces musiciens fait sa vie, on imagine les réunions familiales et la convivialité musicale qu’elles génèrent. Cela laisse rêveur !
Le public venu nombreux malgré le congé de carnaval ne s’y est pas trompé en leur décernant une véritable ovation pour la prestation et pour la sympathie avec laquelle ils se sont prêtés au jeu des exemples musicaux lors de ma présentation de l’œuvre en début de séance.
Il faut dire que ce quatuor « Razumovski » de Beethoven méritait le commentaire et une analyse sommaire. Premier véritable quatuor romantique, il défie les lois et les canons du genre tant par sa forme élargie que par le traitement des instruments. Le rôle du violoncelle inhabituel mérite d’être souligné dans l’émancipation des instruments du quatuor. Le premier thème de l’œuvre en témoigne à lui seul. Autre caractéristique notoire, le traitement des cordes, dans le deuxième mouvement, à la manière de la percussion. La rythmique de ce scherzo est non seulement très ardue, mais donne à la formation de chambre un aspect symphonique indéniable. Le mouvement lent est sans doute l’un des plus beaux de Beethoven, l’un des ces moments d’introspection, de larmes, de chant de renaissance et de transfiguration parmi les plus émouvants qui soient. Il débouche sur le fameux final avec son thème russe qui, avec une énergie retrouvée, ferme ce monument avec une telle énergie qu’on croit voir le compositeur soulever les montagnes et conquérir un nouveau monde.
Cette analyse, trop sommaire, trouvera bientôt sur ce blog un développement plus étoffé, mais hier soir, la musique et l’émotion était au rendez-vous par le miracle de la famille Lavrenov. Qui sait, on pourrait envisager, pour la saison prochaine, de faire venir aussi la maman, dans le quintette en sol mineur à deux altos de Mozart, par exemple…