Parmi les compositeurs dont on fête cette année l’anniversaire, beaucoup de mélomanes ont oublié un liégeois qui eut pourtant un succès extraordinaire à Paris au XVIIème siècle. Henry Du Mont (1610-1684) semble être l’aîné des compositeurs de l’ancienne Principauté de Liège à propager son art dans la prestigieuse capitale française. Né il y a quatre cent ans, il sera l’objet ce soir d’un concert choral et instrumental dirigé par patrick Wilwerth et son ensemble Praeludium et avec la participation d’Agnès Tamignaux au luth et au théorbe et de Geneviève Chapelier à l’orgue. J’aurai, quant à moi, l’honneur de participer à ce concert en commentant les œuvres de Henry Du Mont et de Pierre Bonhomme (je vous en reparlerai un de ces jours) en les situant dans leur contexte historique et esthétique. Alors, rendez-vous ce soir à 20H en l’église de Villers-l’Évêque (à quelques minutes de Liège).
On a longtemps cru que Henry De Thier était né à Villers-l’Évêque et la tradition continue, pour une bonne part à célébrer le compositeur comme originaire de cette localité. Nuançons. Probablement né à Looz, près de Hasselt dans une famille originaire de Villers-l’Évêque, Henry De Thier reçoit sa formation musicale à la collégiale de Notre-Dame de Maastricht et en devient rapidement l’organiste. Toutes ces villes, Looz et Hasselt aujourd’hui flamandes ainsi que Maastricht, la hollandaise, faisaient partie de la grande Principauté de Liège qui rayonnait bien au-delà des délimitations actuelles. Ces cités avaient d’ailleurs acquis le statut de Bonnes villes, comme 23 autres, entre les XIVème et le XVIIIème siècle, situées pour l’essentiel dans le Limbourg actuel (mais pas seulement), et bénéficiaient ainsi de nombreux privilèges dont, entre autres, le droit d’être représentées à Liège et celui de s’entourer de murailles.
Il fut peut-être l’élève de Léonard de Hodemont à la Cathédrale Saint-Lambert de Liège et il semble avoir été très tôt initié aux nouveaux courants italianisants qui s’étaient rapidement répandus jusque dans la cité liégeoise. En 1638, il profite d’un congé pour prendre le chemin de Paris. C’est probablement à cette occasion qu’il traduit son nom – thiers signifie colline en wallon liégeois – en Du Mont.
En 1640, Henry Du Mont est organiste à l’église Saint-Paul à Paris. En 1652, il entre au service de Duc d’Anjou en tant que claveciniste, puis, à partir de 1660, il entre au service de la Reine. Il atteint alors une certaine notoriété, et publie son premier recueil de motets. Dès lors, sa carrière est marquée par le succès.
En 1663, il est l’un des maîtres de chapelle de la Chapelle Royale. En 1672, on le nomme compositeur de la Chapelle du roi et en 1673, Maître de Musique de la reine. Ses œuvres religieuses, nourries de l’influence italienne, rénovent le genre en y apportant un style harmonique nouveau et en adaptant la musique aux paroles. Il est l’un des premiers compositeurs à utiliser le procédé baroque de la basse continue au sein de la musique religieuse française.
Son œuvre est d’ailleurs essentiellement religieuse. Il faut noter les fameux Cantica sacra de 1652, des airs à quatre parties avec basse continue sur des paraphrases des psaumes (1663), les Motets à deux voix avec la basse continue (1668), cinq messes en plain-chant (1660), messes dites royales (qui, du reste, ne firent jamais partie du répertoire de la Chapelle du roi), lesquelles adoptent un » pseudo plain-chant » que l’on confondit souvent avec le chant grégorien et chantées jusqu’au milieu du XXème siècle. Leur pratique disparut avec les réformes du concile de Vatican II. L’œuvre de Dumont comporte aussi près de cent petits motets à deux et quatre parties distribuées en cinq recueils qui sont devenus l’archétype du motet français et dont l’illustre continuateur sera François Couperin (1668-1733). Déjà bien en place à Paris à l’arrivée du despotique Jean-Baptiste Lully (1633-1687), les deux hommes ne seront pas considérés comme des rivaux. Louis XIV appréciait beaucoup sa musique et il inspira beaucoup de procédés stylistiques à Lully.
La grande nouveauté est moins l’usage de la basse continue, déjà expérimentée en France avant Du Mont, mais l’utilisation des voix solistes avec des instruments concertants dans la musique religieuse. De nombreux effets italiens sont également présents dans sa musique. On y trouve en effet des vocalises virtuoses (issues entre autres, du bel canto d’opéra), des formules en écho et, d’une manière générale, une rhétorique expressive inhabituelle jusqu’alors. Une musique à redécouvrir absolument…