Saskia

La renommée de Rembrandt (1606-1669) en Hollande atteint celle de Rubens dans les Flandres dès 1634. La famille riche et respectée de son épouse, Saskia van Uylenburgh, qui avait au début froncé les sourcils devant ce mariage avec le fils d’un meunier, s’activait pour lui amener des commandes enrichissantes. Les élèves se pressaient dans son atelier et les eaux-fortes qui en sortaient en une suite continue se vendaient fort bien sur les marchés. Elles n’avaient en effet rien à envier à celles de ses illustres prédécesseurs, comme Dürer, que Rembrandt avait étudié avec passion. Il croyait que le bonheur était là et pour longtemps. Il n’hésita donc pas à s’endetter pour acquérir un grand hôtel de maître à Amsterdam en 1639. Le remboursement de l’énorme somme de 13 000 florins allait bientôt lui poser d’énormes problèmes financiers.

Les toiles de Rembrandt montrent alors certaines caractéristiques baroques, notamment dans leurs compositions historiques et religieuses : les couleurs sont éclatantes et les scènes dépeignent l’instant dramatique de l’action. Fortement influencé par Rubens, il s’en démarque toutefois par l’utilisation d’un clair-obscur qui accentue les expressions et les sentiments des personnages.

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Autoportrait avec Saskia (1636)

Alors que sa vie d’artiste est en pleine effervescence, Rembrandt est confronté à plusieurs pertes tragiques. La disparition, hélas fréquente à l’époque, de deux enfants emportés par la mort à seulement quelques mois vient troubler l’harmonie de l’existence. Rembrandt voit ensuite naître un troisième enfant, qui ne survit guère plus longtemps. Le quatrième, Titus, demeure en bonne santé. Rembrandt et Saskia retrouvent le sourire. Il peint pour la dernière fois cette épouse qu’il adore par-dessus tout. De nombreux portraits de Saskia ont été réalisés avec tendresse et amour, mais à présent, elle est gravement malade. « Saskia à l’œillet rouge » (1641) reste l’œuvre la plus bouleversante de sa première période créatrice. Ce portrait est donc la clé de voute du passage du peintre vers sa seconde manière. Quant au petit Titus, il doit grandir sans sa mère, Saskia, qui meurt à son tour en 1642.

Les huit années de mariage avec Saskia, s’étaient déroulées dans le plus parfait bonheur, dans un climat de consécration sociale… mais aussi dans l’acceptation de peines amères. La maladie marquait de plus en plus impitoyablement la jeune femme et l’on sait aujourd’hui avec une quasi certitude qu’elle souffrait de la tuberculose ; les taches rouges peintes sur ses joues dénoncent la maladie dans son stade final. L’œillet, symbole de l’amour et de la fidélité, que Saskia tend vers son mari le peintre, reste un testament symbolisant leur amour bien au-delà de la mort.

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Saskia à l’oeillet rouge (1641)


Durant cette triste période, la carrière du peintre ne faiblit pas même si l’homme est sérieusement accablé. L’année de la mort de sa femme, Rembrandt réalise l’une des principales toiles de son œuvre: la Compagnie du capitaine Frans Banning Cocq, plus communément appelée la Ronde de nuit. Chargé de réaliser un portrait de groupe représentant la garde municipale, il parvient, par la composition et l’utilisation des ombres et des lumières, à donner un effet de mouvement et d’expression digne de l’art baroque.

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La Ronde de nuit (1642)

C’est de la vision de cette toile exposée à Amsterdam que Gustav Mahler, aux dires de quelques proches comme W. Mengelberg et O. Klemperer, que serait née l’ambiance de la première Nachtmusik (musique de nuit) de la Septième symphonie au programme très bientôt à Liège.