Quand je me sens mourir du poids de ma pensée,
Quand sur moi tout mon sort assemble sa rigueur,
D’un courage inutile affranchie et lassée,
Je me sauve avec toi dans le fond de mon cœur !
Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859), L’absence, Mélanges (1830).
Vilhelm Hammershoi (1864-1916), Hvile dit aussi Repos, 1905.
Arvo Pärt(1935), Spiegel im Spiegel (Miroir dans le Miroir), 1978, version pour violoncelle et piano interprétée par Sebastian Klinger cello et Jürgen Kruse piano.
Pensée perdue
Elle est si douce, la pensée,
Qu’il faut, pour en sentir l’attrait,
D’une vision commencée
S’éveiller tout à coup distrait.
Le cœur dépouillé la réclame ;
Il ne la fait point revenir,
Et cependant elle est dans l’âme,
Et l’on mourrait pour la finir.
À quoi pensais-je tout à l’heure ?
À quel beau songe évanoui
Dois-je les larmes que je pleure ?
Il m’a laissé tout ébloui.
Et ce bonheur d’une seconde,
Nul effort ne me l’a rendu ;
Je n’ai goûté de joie au monde
Qu’en rêve, et mon rêve est perdu.
René-François Suly Prudhomme (1839-1907), Pensée perdue, extrait de Stances et poèmes (1865).
« Qu’est-ce en effet que le temps? Qui serait capable de l’exprimer facilement et brièvement? Qui peut le concevoir, même en pensée, assez nettement pour exprimer par des mots l’idée qu’il s’en fait? Est-il cependant notion plus familière et plus connue dont nous usions en parlant? […]
Qu’est-ce donc que le temps? Si personne ne me le demande, je le sais; mais si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus. Pourtant, je le déclare hardiment, je sais que si rien ne passait, il n’y aurait pas de temps passé; que si rien n’arrivait, il n’y aurait pas de temps à venir; que si rien n’était, il n’y aurait pas de temps présent.
Comment donc, ces deux temps, le passé et l’avenir, sont-ils, puisque le passé n’est plus et que l’avenir n’est pas encore? Quant au présent, s’il était toujours présent, s’il n’allait pas rejoindre le passé, il ne serait pas du temps, il serait l’éternité. Donc, si le présent, pour être du temps, doit rejoindre le passé, comment pouvons-nous déclarer qu’il est aussi lui qui ne peut être qu’en cessant d’être?
Si bien que ce qui nous autorise à affirmer que le temps est, c’est qu’il tend à n’être plus.»
Saint Augustin (354-430), Les Confessions, Livre XI, Chapitre XIV, Paris, Flammarion, 1974, p.263.
Vilhelm Hammershoi, Portrait d’Ida, 1898.
«Le temps est un miroir où n’habitent que nos pensées et nos rêves…» Anonyme.