Un jour… Un chef-d’oeuvre! (34)

« Chaque jour, j’attends que le même jour passe et se termine. » C’est la première phrase du journal que j’ai écrit durant mon séjour à la villa Médicis…  Rodolphe Marconi (2010).

34. École française 19ème S. Vue de la Fontaine de la Villa Medicis

École française 19ème siècle, Vue de la Fontaine de la Villa Medicis.

Ottorino Respighi (1879-1936), Fontane di Roma, IV. La fontana di Villa Medici al tramonto (La Fontaine de la Villa Médicis au crépuscule · Orchestra dell’ Accademia Nazionale di Santa Cecilia de Rome, dirigé par Antonio Pappano.

« L’arrivée à la villa Médicis est pour le Prix de Rome une émotion qui reste inoubliable. On ne peut croire tout à fait à la réalité de cette vie qui s’offre à nous pour trois années. Trois belles années à passer dans un cadre enchanteur qui est aussi l’un des plus beaux sites de Rome.

Le palais, qui s’élève sur la colline du Pincio, sévère et séduisant à la fois, avec ses jardins qu’abritent les lauriers et les pins-parasols, permet de contempler la ville entière, lumineuse et baignée d’or, ses maisons ocres et fauves. ses terrasses, ses coupoles et ses montagnes environnantes qu’un léger voile bleu semble recouvrir. Au milieu de l’harmonie des cloches qui flotte dans l’air et monte vers le ciel, on se croirait transporté dans un monde irréel.

Les premières semaines, je dirais même les premiers mois, sont consacrés à la découverte de Rome, – et pourtant au dernier jour encore, on la découvre. Il faut d’abord s’imprégner de l’ »air » de Rome, de l’ambiance de la ville, de la vie romaine, du charme de la rue. Il faut respirer, écouter, savoir regarder. C’est alors qu’on prend contact avec le passé et que l’on évoque les Vestales dans leur jardin du Forum, ou la foule acclamant les vainqueurs au Circus Maximus, qu’on apprécie la grandeur de Michel Ange et du Bernin. Ce sont les fontaines capricieuses et reposantes, leurs monstres familiers, les Thermes de Caracalla, Saint-Paul-hors-les-Murs, les endroits secrets qui composent la Rome de chacun, et les paysages classiques, Piazza di Spagna, Voie Appienne, qui sont la Rome de tous.

On s’émerveille de pouvoir faire vivre tout ce qui jusque là n’était qu’imaginé et de revenir à loisir aux lieux aimés. Quel enchantement que de se promener en flânant dans les rues de Rome, au bord du Tibre, en plein Transtévère ou sur les hauteurs du Janicule. Il y a constamment des effets de surprise, des coups de théâtre qui font surgir, au sortir d’une petite rue, la piazza avec sa fontaine, son église et son palais, ou un splendide jardin derrière une façade sévère, images romaines.

Tout en faisant ses « Promenades dans Rome« , le pensionnaire s’installe, aménage son studio à sa guise et découvre les petits objets dont le souvenir demeurera toujours. Il faut avouer que le déracinement vous livre au « dolce farniente » qui insensiblement vous envahit dans cette vie douce et facile, et l’on doit vite se ressaisir, car on arrive à Rome avec de grands projets; il faut essayer de les accomplir.

L’arrivée des nouveaux coïncide avec la grande période de travail des anciens : on achève les envois, et peu de temps après, les œuvres des pensionnaires paraissent au concert ou à l’exposition. La villa est alors en pleine effervescence : des ateliers sortent les grands châssis des architectes, les bas-reliefs des sculpteurs, les paysages des peintres; les drapeaux, français et italien, flottent sous « la loggia« , les « carabinieri » montent la garde et la cérémonie officielle se déroule solennellement.

Après ce grand événement, la villa se dépeuple peu à peu : nous sommes au mois de mai, ce sont les départs pour toute l’Italie. […] Partout on s’émerveille devant tant de beautés, de grandeur, de diversité, chantées par les plus grands poètes du monde. On évoque l’ombre du Tasse, l’Arioste, Dante… Et l’on voudrait ne rien oublier, tout étreindre, tout voir : c’est un tel enrichissement de l’esprit qui vient s’ajouter au plaisir des voyages. […]

Ces trois années sont une étape unique et se placent en marge de la vie normale. C’est une période riche de sensations artistiques. En toute tranquillité d’esprit, on peut se donner à ses travaux, approfondir, recommencer autant de fois qu’il est nécessaire l’œuvre entreprise. On a le temps de penser, de réfléchir : c’est une paix qu’il est rare de trouver. Du haut de la Tour qui m’abritait pendant ce merveilleux séjour où, de l’aube au coucher du soleil, je pouvais admirer le magnifique panorama qui s’étendait devant moi, avec l’harmonieuse succession de ses couleurs veloutées, je croyais vivre un peu dans une atmosphère de paradis.»

Odette Gartenlaub (1922-2014),compositrice française, Grand Prix de Rome 1948. (texte intégral)

Odette Gartenlaub, Concerto pour piano et orchestre, 2. Andante (1958).

34. Léon Cogniet, La Vasque de la Villa Médicis à Rome, 1820.

Léon Cogniet (1794-1880), La Vasque de la Villa Médicis à Rome, effet de nuit, vers 1820.

34. Fontaine de l'Académie de France à Rome, Jean-Baptiste Camille Corot (1826-1828)

Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875), Fontaine de l’Académie de France à Rome, (1826-1828).

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