Un jour… Un chef-d’oeuvre! (44)

Elle est bien plus subtile qu’on ne le croit, la leçon que nous offrent Goethe, Dukas et Walt Disney… à méditer en ce premier jour de « déconfinement »!

44a. Carl Spitzweg, L'Alchimiste a,

Carl Spitzweg (1808 – 1885), L’Alchimiste, 1850.

Et un petit clin d’œil et un soutien chaleureux à tous les musiciens de l’Orchestre philharmonique royal de Liège et à leur chef, Gergely Madaras dont la baguette n’a rien à envier aux plus grands magiciens et sorciers…!

Paul DUKAS, L’apprenti sorcier (transcription pour orchestre en quarantaine de Gwenaël Mario Grisi) interprété en confinement par l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège dirigé par Gergely Madaras, direction. Une réalisation Oxymore Productions

Paul DUKAS (1865-1935), L’Apprenti Sorcier (original), poème symphonique interprété par l’Orchestre de Radio France, dirigé par Mikko Franck, 2018.

L’APPRENTI SORCIER.

Enfin, il s’est donc absenté, le vieux maître sorcier ! Et maintenant c’est à moi aussi de commander à ses Esprits ; j’ai observé ses paroles et ses œuvres, j’ai retenu sa formule, et, avec de la force d’esprit, moi aussi je ferai des miracles.

Que pour l’œuvre l’eau bouillonne et ruisselle, et s’épanche en bain à large seau !

Et maintenant, approche, viens » viens, balai ! prends-moi ces mauvaises guenilles ; tu as été domestique assez longtemps ; aujourd’hui songe à remplir ma volonté ! Debout sur deux jambes, une tête en haut, cours vite, et te dépêche de m’aller puiser de l’eau !

Que pour l’œuvre l’eau bouillonne et ruisselle, et s’épanche en bain a large seau !

Bravo ! il descend au rivage ; en vérité, il est déjà au fleuve ! et, plus prompt que l’éclair, le voilà ici de retour avec un flot rapide. Déjà, une seconde fois ! comme chaque cuve s’enfle ! comme chaque vase s’emplit jusqu’au bord ! Arrête, arrête ! car nous avons assez de tes services.

— Ah ! je m’en aperçois ! — Malheur ! malheur ! j’ai oublié le mot !

Ah ! la parole qui le rendra enfin ce qu’il était tout a l’heure ? Il court et se démène ! Fusses-tu donc le vieux balai ! Toujours de nouveaux seaux qu’il apporte ! Ah ! et cent fleuves se précipitent sur moi.

Non ! je ne puis le souffrir plus longtemps ; il faut que je l’empoigne ! C’est trop de malice ! Ah ! mon angoisse augmente ! Quelle mine ! quel regard !

Engeance de l’enfer ! faut-il que la maison entière soit engloutie ? Je vois sur chaque seuil courir déjà des torrents d’eau. Un damné balai qui ne veut rien entendre ! Bûche que tu étais, tiens-toi donc tranquille ! Si tu n’en finis pas, prends garde que je ne t’empoigne, et ne fende ton vieux bois au tranchant de la hache !

44a. Ferdinand Barth (1842–1892), Der Zauberlehrling, illustration 1882.

Ferdinand Barth (1842–1892), Der Zauberlehrling, illustration du texte de Goethe, 1882.

Oui-dà ! le voilà qui se traîne encore par ici ! Attends, que je t’attrape ! Un moment, Kobold, et tu seras par terre. Le tranchant poli de la hache l’atteint. Il craque ! bravo, vraiment fort bien touché ! Voyez, il est en deux ! et maintenant j’espère et je respire !

Malheur ! malheur ! deux morceaux s’agitent maintenant, et s’empressent comme des valets debout pour le service ! à mon aide, puissances supérieures !

Comme ils courent ! De plus en plus l’eau gagne la salle et les degrés ; quelle effroyable inondation ! Seigneur et maître ! entends ma voix ! — Ah ! voici venir le maître ! Maître, le péril est grand ; les Esprits que j’ai évoqués, je ne peux plus m’en débarrasser.

« Dans le coin, balai ! balai ! que cela finisse, car le vieux maître ne vous anime que pour vous faire servir a ses desseins. »

Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832), Poésies, l’Apprenti sorcier (1797), traduction par Henri Blaze, 1843,p. 73-74, Wikisource.

 

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