Un petit guide du déconfinement selon… Erik Satie! … Avec toute la dérision nécessaire!
CHAPITRE 1: LE RETOUR DE L’ÉDUCATION ET DE L’INSTRUCTION DES JEUNES
… Où les atomes d’ambre au feu se miroitant
Mêlaient leur sarabande à la gymnopédie.
Patrice Contamine de Latour (1867-1926), Antiques.
Plaque Campana (27 av J.-C.-68 ap J.-C), du nom du grand collectionneur italien du XIXe siècle qui s’intéressa le premier à ces monuments (Terre cuite).
Le relief ci-dessus figure un cortège de jeunes bacchants et bacchantes célébrant le dieu Dionysos par des danses qu’ils exécutent dans l’ivresse du vin dont ils célèbrent la fête. Le style est celui des créations dites néo-attiques, œuvres d’artistes grecs travaillant en Italie à la fin de la République et au début de l’Empire.
La Pyrrhique (Grèce), danse avec boucliers. Bas-relief du Vatican.
La Pyrrhique fut notamment pratiquée par les Corybantes phrygiens, mais aussi par les Athéniens lors des Panathénées depuis le VIe siècle av. J.-C. et par les Spartiates lors des Dioscures et des Gymnopédies depuis le VIIe siècle av. J.-C. Ces derniers y étaient d’ailleurs très attachés, puisqu’ils l’apprenaient tous dès l’âge de cinq ans, comme une obligation imposée par leur éducation, l’agôgè.
Erik Satie (1866-1925), Gymnopédie n°1 (1888), interprétée par Pascal Rogé.
«Peu d’auditeurs des Gymnopédies (1888) d’Erik Satie connaissent l’origine de ce mot grec. À Sparte, lors du passage de l’enfance à l’adolescence, les rites d’initiation du futur citoyen se terminaient par les gymnopédies. Les garçons subissaient une longue station debout, exposés nus en plein soleil, parmi les chœurs de danse. Ces fêtes célébrées en l’honneur d’Apollon auraient été organisées pour la première fois par Thalétas de Crète (~ VIIe s.). Les athlètes des jeux (lancement du javelot, du disque, etc.) rythmaient leurs évolutions au son de la flûte ; des scènes de chasse et autres sports étaient mimées par de jeunes Lacédémoniennes nues, dont les Athéniens se moquèrent en les traitant de phénomérides (« montreuses de cuisses »).»
Pierre-Paul LACAS, « GYMNOPÉDIE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 13 mai 2020. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/gymnopedie/
CHAPITRE 2: RETOUR DE LA ROMANCE ET DE LA VIE SOCIALE
Santiago Rusiñol (1861-1931), Una Romanza, 1894.
C’est pendant son séjour à Montmartre qu’Erik Satie a connu sa seule aventure sentimentale, sa liaison passionnelle avec la peintre Suzanne Valadon (1865-1938). Ils se sont rencontrés au cabaret « le Chat Noir » et ont été amants pendant 6 mois.
«Une jeune femme vêtue d’une robe de soie rouge joue au piano, tandis que Satie débout accoudé au piano l’écoute, comme absorbé par son interprétation. Le modèle est Stéfanie Nantas, qui apparaît dans de nombreux tableaux de l’artiste à cette époque : Profil de femme (1894, Barcelone, Museu Nacional d’Art de Catalunya), Melancolía (Collection privée, 1893-1894), Portrait de Stéfanie Nantas (1894, Museu del Cau Ferrat – Museus de Stiges), La Novela romanica (1894). Il ne s’agit pas de Suzanne Valadon, comme cela a parfois été écrit.» Les Petits Maîtres.
Erik Satie, Je te veux, valse lente pour piano (existe une version chantée), interprété par Klara Kormendi.
J’ai compris ta détresse
Cher amoureux
Et je cède à tes vœux
Fais de moi ta maîtresse
Loin de nous la sagesse
Plus de tristesse
J’aspire à l’instant précieux
Où nous serons heureux
Je te veux
CHAPITRE 3: RETOUR DES SPORTS ET DES ACTIVITÉS DE PLEIN AIR
Charles Martin (1884 – 1934), Illustrations pour l’album Sports et Divertissements d’Erik Satie, n° La Pêche.
Sports et Divertissements est un cycle de vingt et une pièces brèves pour piano d’Erik Satie. Composé entre mars et mai 1914, l’ouvrage associe musique et dessins de Charles Martin selon les mots de l’auteur: « cette publication est constituée de deux éléments artistiques : dessin et musique. La partie dessin est figurée par des traits, des traits d’esprit, la partie musique par des points, des points noirs ». Quelques commentaires poétiques ou ironiques du compositeur complètent l’ensemble. (Wikipédia)
Erik Satie (1866-1925), Sports et Divertissements (1914), n°7 La pêche, interprété par Pascal Rogé.
CHAPITRE 4: LE RETOUR AU BUREAU…!
Avec le déconfinement, le naturel peut parfois revenir au galop… 😉
Erik Satie (1866-1925), Sonatine bureaucratique (1917), interprétée par Jean-Yves Thibaudet.
« […] Entre-temps, Satie a écrit une nouvelle oeuvre pour piano: la Sonatine bureaucratique. Le titre provient peut-être de ses nombreux démêlés judiciaires et administratifs du moment. Il s’agit d’une sorte de pastiche de la Sonatine opus 36 n°1 de Muzio Clementi. Dans un style purement néo-classique, Satie renoue provisoirement avec l’utilisation des barres de mesures et une forme traditionnelle vif-lent-vif. La Sonatine n’est pas dénuée d’humour et on peut en suivre le programme à la lettre, grâce aux petites phrases qui parsèment l’oeuvre de bout en bout. C’est une véritable petite saynète théâtrale qui met en notes, grâce à divers procédés de figuralisme et de courts leitmotiv, la journée d’un petit fonctionnaire de l’administration…
Allegro:
Le voilà parti.
Il va gaiement à son bureau en se « gavillant »
Content, il hoche la tête
Il aime une jolie dame très élégante
Il aime aussi son porte-plume, ses manches en lustrine
verte et sa calotte chinoise.
Il fait de grandes enjambées
Se précipite dans l’escalier qu’il monte sur son dos
Quel coup de vent!
Assis dans son fauteuil il est heureux, et le fait voir.
Andante:
Il réfléchit à son avancement
Peut-être aura-t-il de l’augmentation sans avoir besoin
d’avancer.
Il compte déménager au prochain terme.
Il a un appartement en vue.
Pourvu qu’il avance ou augmente!
Nouveau songe sur l’avancement.
Vivache:
Il chantonne un vieil air péruvien qu’il a recueilli en
Basse-Bretagne chez un sourd-muet.
Un piano voisin joue du Clementi
Combien cela est triste.
Il ose valser! (lui, pas le piano)
Tout cela est bien triste. Le piano reprend son travail.
Notre ami s’interroge avec bienveillance.
L’air froid péruvien lui remonte à la tête.
Le piano continue.
Hélas! Il faut quitter le bureau, son bon bureau.
Du courage: partons dit-il. »
Bruno Giner, Erik Satie, Paris, Bleu nuit éditeur, collection Horizons, 2016, pp. 125-126.
Muzio Clementi (1752-1832), Sonatine en Ut majeur op.36 n°1 interprétée par Yuja Wang enfant. 😉
Pablo Picasso (1881-1973), Portrait d’Erik Satie, 1920.
