Hommage

 

Vous le savez, je l’ai signalé quelques fois, je ne suis pas croyant. Plus exactement, je suis agnostique, mais la spiritualité sous toutes ses formes m’a toujours attiré. Je tente ainsi, comme beaucoup d’êtres humains de me faire ma propre idée du monde en réfléchissant sur les causes de notre présence ici bas et sur toutes les concepts qui y sont liés. Mais ce n’est pas de moi que je veux vous parler aujourd’hui car on se sent bien petit face à des personnages comme Sœur Emmanuelle, disparue lundi en ayant bouclé un siècle d’existence sur notre basse terre.


 

Soeur Emmanuelle 2


 

Il y a des personnages qui me touchent profondément dans leur démarche humaine et la Sœur en est une et non des moindres. Toute sa vie, elle l’a consacrée aux plus faibles de nos semblables. Les plus démunis ont pu trouver chez elle non seulement une oreille pour les écouter dans leur détresse, mais aussi un bras pour tenter de les secourir. Oh c’est vrai, elle le disait elle-même en toute modestie, elle n’a pas changé la face du monde. La pauvreté n’a jamais été aussi flagrante qu’aujourd’hui. Elle défendait le principe que l’énorme fossé qui sépare les riches des pauvres est l’une des causes les plus essentielles du mal être de nos sociétés. Et qui, parmi les hommes actuels, est capable de penser sans broncher aux enfants qui meurent par centaines tous les jours dans les pays sous développés ? Qui peut encore aujourd’hui ne pas être ému par la misère de certains qui n’ont rien ou qui ont tout perdu dans nos sociétés soi-disant civilisées ?


 

Soeur Emmanuelle 1


 

Par son action quotidienne et son vœu de pauvreté, elle a partagé le sort de tous ces êtres à l’étranger, en France et dans de nombreux pays dont la Belgique. Elle a vécu d’une vraie gentillesse, plus que cela, d’une bonté suprême. Sans faire de manière, elle s’adressait à tous de manière égale. Elle tutoyait aussi bien les grands de ce monde que les plus petits. Son langage était toujours le même. Inlassablement, elle luttait pour le bien des hommes. Quelle constance chez cette petite femme au physique anodin. Il se cachait derrière ses lunettes et son habit de religieuse un esprit universel que l’expérience de la vie avait forgé. Devant l’horreur des situations, elle avoue avoir perdu la Foi à plusieurs reprises, mais à chaque fois, son cœur la ramenait à son Dieu. Elle le servait en toute humilité bien qu’elle ait été probablement consciente de sa valeur. Elle utilisait cette influence et le respect que ses actes inspiraient pour convaincre et faire prendre conscience, jamais pour convertir.

 

Elle a pris de nombreux risques face aux autorités ecclésiastiques aveugles pour défendre le droit à l’avortement et le respect des droits de l’homme. Très cultivée, elle s’était fait une vision du monde et de sa mission tout aussi proches de la philosophie que de la religion. Elle était sans doute parvenue à cette compassion (le mot est souvent galvaudé), cet amour universel du monde qu’elle englobait d’un seul coup. Il ne lui restait plus, pour achever son œuvre qu’à sortir du temps. Son décès en fut l’aboutissement et l’entrée dans l’éternité.

 

Elle savait pertinemment que sa mission n’était, selon sa propre expression, qu’une goutte d’eau dans l’océan de la misère humaine, mais elle savait rassembler. Elle pensait que si tout le monde dispensait une seule goutte d’eau, la pauvreté reculerait sans doute et la démarche humaine et humanitaire serait alors en de bonnes mains. Elle s’en est allé comme elle était venue, dans la discrétion. Son message reste entier et encore plus d’actualité aujourd’hui. Tant qu’il y aura des « Sœurs Emmanuelle », l’être humain aura encore sa raison d’être. Je tenais à lui tirer mon chapeau et à lui souhaiter, selon les mots de l’abbé Pierre au moment de quitter ce monde, de bonnes vacances…auprès de son Dieu.