Le violon

« Qui penserait que pour construire un violon, il faut d’abord tracer deux pentagones dans un cercle? Mais les lois de l’harmonie découvertes par Platon président aussi bien à la construction des figures géométriques qu’à la conception musicale, à cette conception abstraite de la musique-pensée ainsi qu’à l’établissement des proportions des instruments conçus pour la jouer« . Antonio Stradivarius

Vous l’aurez déjà compris, nous parlerons un peu du violon aujourd’hui. On pourrait lui attribuer le surnom de « Roi de l’orchestre » tant il est à la base des formations symphoniques et que son répertoire tant en soliste qu’en musique de chambre ou à l’orchestre est immense. Pendant bien longtemps, il a été le seul à formuler les mélodies (thèmes) des symphonies et il est devenu le promoteur du nouveau style concertant à l’époque baroque en se distanciant progressivement du « gros de l’orchestre » pour devenir un soliste. Sa virtuosité ne cesse de d’épater les mélomanes et la diversité des inflexions sonores qu’il imprime à sa musique en font la source des émotions musicales les plus diverses.


Violon éclaté

 


 

Le violon est donc un instrument de musique à cordes frottées par un archet. Constitué de 71 éléments en bois (épicéa, érable, buis, ébène, …) collés ou assemblés les uns aux autres, il possède quatre cordes accordées à la quinte que l’on peut frotter avec un archet ou pincer avec l’index (pizzicato). Il est l’instrument le plus petit de la famille des cordes et donc le plus aigu. Les luthiers, par leurs incessantes recherches pour donner à l’instrument un volume sonore et une qualité de timbre toujours meilleure, ont hissé leur travail au rang d’art majeur. C’est entre leurs mains que les plus grands solistes confient leur précieux instrument, comme ils confieraient au médecin leur propre corps.

Les grands noms comme Stradivarius, Amati ou Guarnerius sont devenus aussi célèbres que les grands compositeurs de l’histoire. Mais écoutons un luthier bruxellois nous parler de son métier. Quelques images valent parfois mieux qu’un long discours.

 

Maison de lutherie Bernard à Bruxelles


 le jeu du violon se concentre donc entre l’archet qui produit le son par frottement et les doigts qui raccourcissent la longueur vibrante de la corde en s’appuyant sur le manche et permettent de moduler les différentes notes. En observant de près un violoniste, on se rend vite compte de la variété des positions et des moyens mis en oeuvre pour créer des sons aux timbres variés. Quelques mots courants du vocabilaire des violonistes: le jeu legato (lié, plusieurs notes sont jouées sur un même coup d’archet), le jeu staccato ( détaché, en alternant le tiré et poussé de l’archet sur chaque note, mais il existe diverses techniques pour le jeu détaché), les sauts comme le ricochet, par exemple  (lorsque l’archet rebondit sur la corde), les doubles cordes (jouer sur deux cordes en même temps, ce qui permet l’accesion de l’instrument à la polyphonie), le pizzicato (pincement des cordes avec l’index), la place de l’archet près du chevalet (sul ponticello) créant une sonorité forte et plus métallique ou près de la touche (sul tasto) rendant la sonorité plus douce, plus lointaine. On peut aussi frotter les cordes avec plus ou moins de crin et modifier ainsi le timbre instrumentale. La technique qui consiste à frapper les cordes avec le bois de l’archet se nomme col legno. On peut encore parler du tremolo qui consiste à répéter les mêmes notes très rapidement ou du bariolage qui désigne le fait de passer très rapidement d’une corde à l’autre (comme dans le cas d’arpèges rapides).

Violon, vue du chevalet

 

« Bien qu’il existe une représentation d’un violon (forme en huit, volute, ouïe en forme de C) sur une statue d’un temple en nde datée du XIIème siècle, on estime habituellement que le violon naît dans les années 1520 dans un rayon de 80 km autour de Milan en Italie. Il y a indétermination entre les villes de Brescia et de Crémone. Il semble que le violon ait emprunté des caractéristiques à trois instruments existants: le rebec, en usage depuis le XIVème siècle (lui-même dérivé du rebab de la musique arabe), la vièle et la lira da braccio (lyre qu’on tenait aux bras).

La première mention de violon dont on ait trace est une note de 1523, dans un registre de la Trésorerie générale de Savoie, pour le paiement des prestations de violonistes. Une des premières descriptions de l’instrument et de son accord en quinte figure dans l’Epitome musical des tons, sons et accords de Philibert Jambe de Fer, publié à Lyon en 1556: Le violon est fort contraire à la viole…nous appelons violes celles desquelles les gentils hommes, marchands et autres gens de vertu passent leur temps…l’autre s’appelle violon et c’est celui duquel on use en danceries ».


Lira da braccio


 

 

C’est donc en Italie que le violon connait son essor le plus rapide et le plus spectaculaire. La virtuosité des musiciens est exploitée dès le début de la période baroque par Claudio Monteverdi qui en utilise les ressources dans son Orfeo en 1607. Mais la maîtrise totale de l’instrument et le développement extraordinaire de sa technique aboutit au fameux Stylus fantasticus illustré magistralement par Heinrich von Biber (1644-1704). Tout cela annonce les chefs d’oeuvres de Jean-Sébastien Bach avec ses sonates et partitas pour le violon solo (BWV 1001 à 1006) qui font culminer l’art du violon à un niveau musical encore jamais atteint. Mais l’école de Bologne finira de donner toutes ses lettres de noblesse à l’instrument avec Arcangelo Corelli, son élève Geminiani en inventant le concerto grosso et la sonate.

C’est justement à Crémone que la lutherie mènera l’instrument à sa forme définitive actuelle (voir luthiers cités plus haut). Au XVIIIème siècle, Venise (avec Vivaldi), Rome (avec Locatelli) et Padoue (avec Tartini) deviennent les lieux essentiels du développement des virtuoses.

Mais le violon ne reste pas longtemps exclusivement italien puisque dès les années 1600, les français en font un usage abondant pour les musiques de danseries. Et sous l’influence des premiers virtuoses, le succès est tel qu’il supplante la viole. La création en France en 1626 des Vingt-quatre Violons du Roy sous l’impulsion de Jean-Baptiste Lully et puis de La Petite Bande en 1653 montre le prestige désormais très grand du violon au sein des musiques de cour.

La suite, on la connait. Le violon devient non seulement l’un des instruments les plus prestigieux avec le piano et son répertoire s’étoffe de sonates et de concertos durant toute l’époque classique et romantique. Son rôle au sein de l’orchestre ne cesse de se développer, il est la base même de l’orchestre. Les grands virtuoses comme Paganini et de Bériot repoussent bien loin les limites techniques de l’instrument en lui conférant parfois un rôle quasi diabolique.

On ne peut pas passer sous silence l’école belge de violon qui rayonne encore sur l’art de l’instrument. Le début du XIXème siècle avait vu l’émergence en France d’une génération de violonistes brillants largement influencés par Viotti. Parmi ses élèves et disciples, Pierre Rode, Rodolphe Kreutzer et Charles-Auguste de Bériot connaissent une gloire internationale. Parmi les élèves du belge de Bériot (qui avait épousé la célèbre cantatrice Maria Malibran), Henri Vieuxtemps écrit une vaste littérature violonistique. Lui-même fut alors le professeur d’Eugène Ysaye. Tous ces virtuoses compositeurs font significativement évoluer la technique du violon et l’interprétation du répertoire. Renommée dans le monde entier, l’école belge de violon est synonyme de sonorité chade, technique parfaite et musicalité à toute épreuve.

 

 

Christian Ferras joue le premier mouvement du concerto de Sibelius

Même si les technologies modernes se sont penchées sur l’adaptation du violon aux critères du XXème siècle (violons électriques, instruments en carbone, formes diverses désign et futuristes), aucun modèle ne remplace l’instrument désormais traditionnel qui reste le « must » des musiciens. Ainsi solistes et musiciens d’orchestre baignent nos oreilles des sonorités les plus pures et les plus sophistiquées. Et même si certains courants de la musique contemporaine ont voulu se passer des instruments du passé, rien n’a réussi à détrôner ce roi des instruments.

Violon tessiture et accord

Divisés généralement en premiers et seconds violons, les musiciens de l’orchestre gardent un rôle exceptionnel dans la musique symphonique. Si le passé nous a appris qu’ils étaient le vecteur idéal de l’énoncé des mélodies, cette suprématie sera mise en danger par l’essor progressif des vents. Mais alors, il se pliera aux volontés des compositeurs en créant des ambiances très subtiles, des accompagnements raffinés, bref, il restera incontournable et, tôt ou tard dans l’oeuvre, il reviendra nous enchanter de ses sonorités. Il n’est pas prêt de predre ce rôle essentiel au sein de la musique.