Guitare mexicaine

 

Guitariste, j’ai toujours eu un faible pour un compositeur mexicain peu connu du grand public, mais dont la musique n’a rien à envier aux plus grands maîtres du début du XXème siècle. 

Manuel Maria Ponce (1882-1948), douzième enfant de la famille est né dans le petit village de Zancatecas au Mexique en 1882. Montrant des aptitudes musicales exceptionnelles, il commença ses études à Mexico avant de partir pour l’Europe en 1902. Il revint ensuite enseigner à Mexico et à la Havane. Bien plus tard, âgé de quarante ans, il entreprit un nouveau voyage sur le vieux continent pour étudier la composition avec Paul Dukas à Paris. Ponce était également chef d’orchestre et spécialiste du folklore mexicain.


 

Ponce, Manuel Maria

Manuel Maria Ponce


Son style musical, fortement influencé par la musique européenne utilise cependant un matériau, des rythmes et des mélodies directement issus du folklore mexicain. Pourtant le traitement qu’il applique à ses compositions témoigne immanquablement du goût du compositeur pour les subtilités harmoniques de l’école française et en particulier de son maître. 

Ponce a écrit de nombreuses pièces pour piano et mélodies, mais peu d’œuvres orchestrales, les plus connues étant un superbe concerto pour violon et un tout aussi beau concerto pour guitare –le Concierto del Sur– composé pour son ami intime et virtuose de la guitare A. Segovia. 

La musique pour guitare de Ponce comprend une série de préludes et plusieurs sonates, dont l’une dans le style du guitariste et compositeur Fernando Sor (Sonata classica) et une en hommage à Franz Schubert (Sonata romantica). Les Variations sur les Folies d’Espagne peuvent également être considérées comme un hommage en particulier à l’inspiration de Segovia à qui l’œuvre est dédié,et, plus généralement, à la guitare elle-même qui est capable de fournir au compositeur la variété d’atmosphères et de couleur pour construire vingt variation et une fugue sur cette ancienne mélodie toute de simplicité et de souplesse.


 

La Folia, Thème
 Thème de La Folia


La Folia, comme on la nomme souvent, est originaire d’Espagne, et, comme la sarabande, elle était sans doute assez animée dans ses premières manifestations de danse. En tant que sujet d’œuvres instrumentales de plus en plus variées, elle adopta tous les styles de l’ornementation et une allure plus lente, voir solennelle. Son caractère rythmique et ses périodes mélodiques simples de séquences de huit mesures la prédestinaient à devenir le thème de variations et il n’est guère surprenant que, comme la chaconne, originaire elle aussi de la péninsule ibérique, les compositeurs baroques l’utilisèrent comme un vrai étalon de la forme à variations. Parmi les compositeurs qui développèrent la Folia, on trouve Gaspar Sanz, Arcangelo Corelli, Antonio Vivaldi, C.P.E. Bach, Domenico Scarlatti, Franz Liszt et, plus récemment, Serge Rachmaninov et bien d’autres encore. 

La Folia de Ponce est très riche. Chaque variation possède son caractère propre et annonce par de subtiles prémonitions la variation suivante. Progressivement, le rapport avec le thème original est dissimulé. L’analyse montre que, comme dans les grands cycles de variations de l’histoire de la musique, ce démantèlement progressif du thème ressemble à un parcours initiatique qui aboutit à la fugue qui couronne le voyage à travers les expressions les plus variées de la guitare. Cette dernière trouve ici toutes les forces des grands instruments solistes. Nul doute que si son répertoire comprenait beaucoup d’œuvres telles que celles de Ponce elle serait bien plus présente sur les scènes de concert à travers le monde.


 

Ponce, Thème Folia a

 Thème de La Folia par M.M. Ponce


 

L’as de l’interprétation des variations de Ponce fut, comme souvent, le guitariste australien John Williams (à
ne pas confondre avec le compositeur de musiques de films). D’une technique exceptionnelle, il parvient à faire oublier les difficultés techniques que trop de guitaristes ne dominent pas. Il atteint ainsi au rang le plus élevé de l’instrument (écoutez, par ailleurs, ses interprétations de la fameuse chaconne de Bach et des caprices de Paganini). Un cd qui, malheureusement n’est plus disponible depuis bien longtemps dans le commerce, mais que vous pourrez probablement trouver sur le net ou dans une médiathèque. S’il ne fallait qu’un disque de guitare, c’est celui que je vous recommanderais. Le programme est complété par des œuvres très virtuoses et agréable du compositeur Paraguayen Augustin Barrios Mangoré (1885- 1944), un autre très grand nom de l’œuvre guitaristique (son œuvre la plus célèbre, La Catedral, est un des morceaux les plus célèbres (et les plus redoutables !) du répertoire des guitaristes. A découvrir.


 

 

Ponce par J Williams