L’heure des hommages a sonné à Liège hier soir à la Cathédrale Saint Paul, en plein centre ville. La cérémonie sobre et émouvante a permis non pas de faire son deuil des victimes de la catastrophe, mais de montrer toute la tristesse des liégeois (et des autres) face au malheur, à la souffrance et à la disparition de tous ces innocents. La Belgique entière était là, simplement pour rappeler, dans une cérémonie où toutes les convictions étaient unies l’injustice du destin, du fatum comme le nomment certains. Cela m’amène à réfléchir un instant sur ceux qui n’étaient pas là, ceux dont on ne sait rien, les disparus.
J’ai toujours été intrigué par l’idée macabre de savoir ce qu’étaient devenues les personnes disparues lors des catastrophes naturelles ou non. Et c’est vrai que le triste décompte des victimes se complète bien souvent par un nombre de personnes disparues sans laisser de trace…ou dont les traces sont effacées, cachées, dissimulée à la vue des enquêteurs. C’est un peu comme si ces êtres s’étaient volatilisés.
S’il est effectivement bien difficile, pour les familles, de faire le deuil de ses proches retrouvés dans les décombres des immeubles effondrés (quel sentiment d’injustice, de fatalisme, de révolte et de profonde tristesse !), il est impossible, il me semble, de le faire des hommes et des femmes disparus sans laisser de trace. C’est un fait bien établi, mises à part des cérémonies d’hommage, la disparition crée un sentiment d’abstrait psychologique que l’absence de corps génère. Alors, on peut se demander si la personne est vraiment décédée, si elle n’a pas pu s’enfuir au dernier moment, si elle n’est pas quelque part en désarroi, anéantie psychologiquement, dans l’anonymat des villes. Dans ces cas là, l’imagination doit travailler beaucoup et toutes les éventualités, surtout les pires, doivent envahis l’esprit au point de rendre intenable cette situation. Le deuil m’apparaît difficile.
Et pourtant, ils sont très nombreux, tous ces gens comme vous et moi dont on a perdu la trace. On suppose bien qu’ils sont morts mais nous n’en avons aucune preuve. L’être humain a pourtant bien besoin d’un corps ou d’une dépouille pour mettre un nom et une image sur le proche perdu et faire son deuil, c’est tout simplement humain. A l’heure des bilans, la catastrophe de Liège aura fait treize morts et un nombre indéterminé de disparus. Dans une tragédie comme celle du tremblement de terre d’Haïti, on estime que les personnes disparues se chiffrent en centaines de millier… Impossible de savoir en l’absence des registres de la population (s’ils existent)…que des conjonctures hasardeuses et incertaines !
Parfois, on ne sait même pas qui sont les disparus. Personne ne réclame la disparition d’un proche… des gens solitaires dans la vie et dans la mort ! Des êtres humains dont l’existence ou la disparition ne touche personne ! C’est là sans doute le point ultime de la solitude. Cela me touche énormément et j’aimerais que chacun d’entre nous y pense un peu de temps en temps, qu’on accorde une pensée à tous ces anonymes, seuls au monde, disparus sans laisser de trace. Où qu’ils soient, qu’ils reposent en paix !