La Vague

 

 

On a coutume de critiquer l’école, la manière dont les enseignants donnent leur cours en ignorant les rapports que leur matière peut entretenir avec la vie réelle. On a parfois l’impression que les enfants et les adolescents sont isolés du monde dans plusieurs tours d’ivoire qui leur rendent inaccessible la vie de tous les jours, ses joies, mais aussi ses dangers.

 

Et bien il est temps de bousculer un peu tout cela ! Je constate avec bonheur que l’école, du moins celle qui accueille ma fille, propose, à travers certains professeurs, de larges ponts permettant des discussions sur les sujets qui fascinent ou menacent la jeunesse. Grâce à ces professeurs, de nombreux débats ont sur des sujets importants ont pu prendre naissance dans nos conversations familiales. L’une des plus intéressante provient de la lecture scolaire, dans le cadre du cours de français, d’un petit ouvrage de Todd Strasser intitulé La Vague (Pocket Jeunes Adultes, 2009). Cet ouvrage, publié en anglais en 1981 a remporté un succès considérable à travers le monde. Une adaptation de son histoire a même fait l’objet d’un film que je n’ai pas vu, mais qui, selon la critique (mais c’est la critique !), est bien plus fade que le livre.


 

Strasser Todd, La Vague


 

Ben Ross est professeur d’histoire dans le paisible lycée de Gordon, aux Etats-Unis. Alors qu’il explique à ses élèves l’histoire et le fonctionnement du régime nazi, il est surpris de ne pouvoir répondre clairement à la question « Comment ont-ils pu faire cela ? ». Ne trouvant pas de réponse claire,  il expérimente une sorte de micro régime autoritaire dans sa classe, avec l’espoir que les élèves finissent par trouver eux-mêmes la réponse à cette question…

 

Dans ce roman, Todd Strasser aborde de façon simplifiée la mise en place de mécanismes liberticides, en essayant de mettre en évidence les effets néfastes d’un groupe d’individus lorsque sa cohésion est fondée sur des principes purement autoritaires. En second plan, il montre l’évolution de l’attitude de l’enseignant, qui se laisse griser par le pouvoir.


 

Strasser, Vague, film
 Image tirée du film


 

Comme ce sujet nous intéressait particulièrement, nous l’avons lu tous les trois pour en discuter en connaissance de cause. Ma première réaction, en suivant les étapes de l’embrigadement des collégiens du lycée de Gordon, a été de me dire que tout cela était un peu facile. J’ai d’abord trouvé que les collégiens acceptaient bien facilement cette soudaine autorité et qu’ils se laissaient embrigader un peu vite. Et pourtant, ce roman est en partie basé sur des faits réels survenus dans un lycée de Californie en 1967 (le mouvement avait alors pris le nom de « Troisième vague« ). Alors certes, la frontière entre la fiction et la réalité est difficile à cerner, d’autant plus qu’il semble exister peu de sources précises sur ce qui s’est réellement passé en Californie en 1967, mais l’on ne peut s’empêcher de frémir à l’idée qu’une petite partie seulement de ce récit puisse s’être déroulée.


 

Strasser Todd, La Vague 4ème couv


 

Les discussions familiales ont surtout été de bien faire comprendre à notre fille, qui n’a pas encore suffisamment d’expérience de la vie pour prendre toute la mesure des implications qu’engendrent les dictatures, du danger des manipulations verbales et idéologiques. Car aujourd’hui, il faut bien l’avouer, dans notre environnement paisible, nous avons un peu de mal à comprendre comment de telles choses peuvent se produire dans la réalité. Le livre est donc bien actuel en décrivant cette expérience singulière. Nous le savons, les témoins directs de la dictature hitlérienne sont de moins en moins nombreux et, dans la vie des jeunes, il ne se présente pas toujours cette occasion rêvée de faire prendre conscience de l’horreur des tels lavages de cerveau. Alors, c’est l’occasion d’extrapoler et de ne pas cibler que le Troisième Reich. C’est le moment de montrer au grand jour les dictatures qui, de par le monde, continuent leur œuvre d’intoléran
ce, de mépris, de racisme et d’extermination.

 

Une chose est sûre, ce roman aura fait de l’effet sur ma fille qui soudain, semble prendre conscience des dangers qui guettent les êtres humains, du prix incomparable de la liberté de pensée et du respect d’autrui dans sa différence et sa ressemblance avec nous-mêmes.

 

Ce roman n’est pas un chef-d’oeuvre. L’écriture est très simple et le sujet, fascinant, aurait certainement mérité un roman plus fouillé, mais cet aspect très simple le rend accessible au plus grand nombre, ce qui, vu le sujet, est plutôt positif. Mais il n’est pas question de littérature ici. L’intérêt de ce livre est de nous faire prendre conscience que « la bête immonde » sommeille peut-être là, en chacun de nous. Ce n’est pas très réjouissant, et l’on ne se sent d’ailleurs pas très à l’aise en refermant le livre, mais qui sait si cette seule prise de conscience ne suffira pas à garder la bête ensommeillée pour longtemps encore ?

 

Alors bravo à cette enseignante qui parvient, dans le cadre de son programme de français, à sensibiliser et à construire, en classe, un dialogue que j’espère salvateur pour une jeunesse parfois en mal de repères et donc très vulnérable. Bravo pour l’initiative interdisciplinaire qui allie les parallèles historiques, moraux et littéraires. C’est bien ainsi que l’enseignement doit être conçu, comme un tout qui allie la connaissance au profond ressenti des passions humaines.

Un avis sur “La Vague

  1. LA LECTURE DE VOTRE ARTICLE ME FAIT INMANQUABLEMENT PENSER AU DERNIER FILM DE HANEKE
    « LE RUBAN BLANC « PALME D OR A CANNES ..
    VIOLENCES..GENESE DU TOTALITARISME HITLERIEN..
    TRES DUR..MAIS SUPERBE.A VOIR ABSOLUMENT..
    BIEN A VOUS..

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