Otello

Milieu de semaine Verdien… En prélude aux prochaines représentations d’Otello à l’Opéra royal de Wallonie interprétées par Fabio Armiliato, Daniela Dessi et Giovanni Meoni sous la direction musicale de Paolo Arrivabenni et dans la mise en scène de Stefano Mazzonis, les Amis de l’ORW organisent un concert commenté au Petit Théâtre, mercredi à 20H (entrée gratuite!) au cours duquel j’aurai la chance de commenter l’oeuvre ainsi que quelques extraits inteprétés par Alain Gabriel (Otello), Margareth Sitniak (Desdémone), Papuna Tchuradze (Iago) et Mana Yuasa (piano).


 

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On sait que Guiseppe Verdi, de passage à Paris, avait assisté à la première représentation de l’opéra de Rossini en compagnie de son librettiste, Arrigo Boito. Et le 5 février 1887, le compositeur présente sa version d’Otello (auquel il enlève le « h » au passage…) à la Scala de Milan! C’est un triomphe. L’opéra dramatique en 4 actes (et sans prélude, ce qui est suffisamment rare en opéra pour le noter!) est l’œuvre d’un compositeur mûr qui fait fusionner à merveille l’orchestre et les voix, intègre le drame à la musique, donnant une force incomparable à l’ouvrage. Ce n’est pas la première fois que Verdi reprend Shakespeare, il l’avait déjà fait pour Macbeth et le fera magnifiquement pour Falstaff, son dernier opéra. Alors, comme introduction et sans dévoiler le propos de la séance de mercredi, voici un très beau texte de Jean-Michel Brèque qui vous mettra, j’en suis sûr, l’eau à la bouche…

« Rares sont les chefs-d’œuvre qui ont su, comme l’Otello de Verdi, rallier les suffrages de tous, spécialistes, amateurs éclairés, et au-delà le grand public des mélomanes. Cet opéra bénéficie d’abord de l’aura qui entoure l’Othello de Shakespeare et la dimension mythique de ses deux héros, aux amours aussi brèves et aussi tragiques que celles de Roméo et Juliette.

L’Otello verdien n’existerait pas, n’aurait pu être sans ce premier Othello, et pourtant ses beautés propres, musicales mais aussi bien dramatiques, sont telles que beaucoup n’hésitent pas à le placer au-dessus de son modèle littéraire.

Écrit dans les dernières années de la vie du compositeur, il couronne une œuvre dont La Traviata, Don Carlo ou Aïda entre autres opéras avaient été de prestigieux jalons, tout en les dépassant dans un accomplissement suprême.

Il réalise encore ce paradoxe d’être un opéra très célèbre et très couru sans pour autant être réellement populaire, populaire du moins comme peuvent l’être Rigoletto, Faus ou La Bohème : en raison du style d’écriture musicale adopté par Verdi dans Otello, il n’y a plus ici de ces airs à carrure simple et mémorisable susceptibles d’être fredonnés à l’occasion – à part, et encore est-ce douteux, la chanson du Saule. Mais ceci ne fait qu’ajouter à son prestige : Verdi s’étant refusé à toute espèce de concession ou de facilité, l’écoute d’Otello demande une qualité particulière d’attention et comme un effort de participation, effort auquel le spectateur consent volontiers et dont il est payé par le plaisir qu’il reçoit en retour. Falstaff réclamera de lui une collaboration plus active encore sans pour autant qu’on puisse dire de ce dernier chef-d’œuvre ou d’Otello que ce sont des œuvres pour happy few*, leur séduction s’exerçant à plusieurs niveaux et leur assurant de ce fait une très vaste audience ». Jean-Michel Brèque, Quand le drame shakespearien s’accomplit en chef-d’œuvre lyrique, dans Otello de Verdi, Avant-Scène Opéra, Premières Loges, Paris, 1990.

 

* Terme anglais signifiant « quelques privilégiés ».