Avant de mettre le blog en pause jusqu’à la semaine prochaine, voici quelques suggestions d’écoute parmi les nouvelles parutions discographiques.
Et d’abord, honneur aux anniversaires de l’année 2011 avec deux cd’s Liszt tout à fait exceptionnels. Nelson Frere, qu’on ne présente plus sort chez DECCA un superbe récital intitulé Harmonies du soir d’après la pièce homonyme onzième pièce des Douze études d’exécution transcendante qui termine l’album. Le programme se veut éclectique et articulé autour de la deuxième Ballade en si mineur et des six Consolations. Des extraits des Années de Pélerinage dont le magnifique Sonnet 104 de Pétrarque, une Rhapsodie hongroise, une étude de concert, une valse oubliée… Rien d’autre à dire tant le jeu est superbe, nuancé, maîtrisé. Un vrai bonheur qui confirme la grande forme de Nelson Frere après son superbe enregistrement des Nocturnes de Chopin.
Certaines mauvaises langues ont trop vite catalogué Claire-Marie Le Guay parmi les pianistes de seconde zone. Immense erreur que le nouvel album, consacré également à Liszt, vient contredire. Après une lecture de Dante, Sonate en si mineur, à nouveau la deuxième Ballade, un programme très dangereux quand on connait la difficulté terrible de ces pièces. Non seulement la pianiste française domine toutes ces pièces d’un bout à l’autre, mais elle en donna également des interprétations très senties, mûries et parfaitement assumées. Sa Sonate, qu’elle vient de donner en concert à Liège le week-end dernier est structurée comme la Symphonie Faust, avec ses trois personnages, le savant Faust, sa moitié sombre, Méphisto et son besoin d’amour qui incarne l’Eternel fémini Lisztien, Gretchen. Chaque moment est alors une vaste réflexion sur l’existence et le message de Liszt se répand avec une force irrésistible.
Autre anniversaire, autre propos. Le Chant de la terre de Gustav Mahler comporte une discographie énorme. Mais nulle part, vous ne trouverez cet étrange assemblage d’un ténor exceptionnel, Fritz Wunderlich, d’un baryton tout aussi unique, Dietrich Fischer-Dieskau, de l’Orchestre symphonique de Vienne (attention, pas le Philharmonique!) et du chef qu’on attend rarement dans Mahler Joseph Krips. Et bien il existe un enregistrement de la Radio autrichienne d’un concert qui eut lieu au Musikverein de Vienne en juin 1964 qui regroupe cette distribution unique. DGG publie cette année, et pour la première fois l’enregistrement de cette mémorable soirée. Les chanteurs sont exceptionnels. Wunderlich est l’un des seuls ténors à ne pas hurler dans le premier mouvement (Das Trinklied von Jammer der Erde) et Fischer-Dieskau est l’un des chanteurs a posséder une telle diction des textes et une telle expression dans leur mise en musique. Sur ce point, c’est superbe et cela vaut bien une version de plus. Hélas, l’Orchestre symphonique de Vienne n’est pas au mieux de sa forme. Krips ne le transcende pas. Assez plat, très approximatif dans la justesse, la restauration des bandes n’a rien arrangé. La sonorité globale en souffre et empêche ce qui aura sans doute été un concert exceptionnel de devenir un enregistrement légendaire.
Et puisque nous arrivons à Pâques, pourquoi ne pas écouter la Passion selon Saint Jean que le Ricercar Consort, dirigé par Philippe Pierlot (encore des liégeois) sortent chez MIRARE. La Passion de jean est la plus nerveuse, la plus dramatique et la plus violente des deux qui nous sont parvenues. Bach, plus jeune que dans Saint Matthieu, est aussi plus passionné. les scènes s’y déroulent dans une organisation qui, malgré le style de l’oratorio faisant appel à l’Évangéliste pour tout le récit, se rapproche d’un sublime opéra sacré. Cette tension est entretenue par l’ensemble réduit de l’orchestre et des choeurs qui permettent cette souplesse et cette dynamique propre à Jean. Superbe!
Les jeunes violonistes de talent sont nombreuses ces derniers temps. Et si les pochettes de disques sont de plus en plus glamour, Julia Fischer a su garder une sobriété qui n’a d’égal que son magnifique jeu violonistique. Après Bach, Schubert, Mozart, Paganini (les Caprices ont reçu une nomination aux très fermés Grammy Awards) et quelques grands concertos russes, la musicienne allemande sort un cd surprenant, composé de pièces, certes célèbres, pour violon et orchestre mais rarement associées. Composé de quatre pièces importantes, le programme propose la virtuose Fantasie de Joseph Suk, un mini-concerto qui pourrait mieux trouver sa place dans le répertoire de concert. Elle est accompagnée de deux poèmes symphoniques avec violon bien connus, le Poème de Chausson et élégante pastorale anglaise The Lark Ascending (l’Envol de l’alouetteà de Vaughan Williams. L’album est complété par le rare poème automnal de Ottorino Respighi, pas vraiment de saison, mais qui vaut le détour. Pour cet enregistrement, Julia Fischer est accompagnée par son complice de toujours Yakov Kreizberg, qui dirige son propre orchestre, l’Orchestre de Monte-Carlo. Un cd à écouter dans un bon moment de détente.
Et pour terminer, je tiens à vous conseiller encore une fois l’album César Franck que l’Orchestre philharmonique de Liège sous la direction de François-Xavier Roth et Cédric Tiberghien nous propose chez Cyprès. Au programme, le Chasseur maudit, les Djinns, les Éolides et les Variations symphoniques… Que du bonheur!
Quant à moi, bercé par ces quelques nouveautés, de bonnes lectures etdu bon temps à passer en famille, je vous retrouve la semaine prochaine pour de nouvelles aventures…bloggantes!
Question de moisson, ma dernière récolte (sous les conseils avisés de ce blog) me satisfait pleinement n’ayant pu choisir entre le Liszt de CM Le Guay et celui de N. Freire. Avec en commun aux 2 CD la 2e ballade. Chez Claire-Marie, tout est extrêmement audible sans la moindre froideur; c’est extrêmement clair et la prise de son est magnifique. Chez Nelson, c’est coloré, brillant, vif argent, avec une imagination sans faille. Que choisir? Bah les deux!
J’ai eu la chance d’assister à la Saint Jean à Herve mardi 19. Une organisation catastrophique mais un concert magnifique : un grand orchestre baroque et des solistes de tout premier plan qui ont assuré au mieux une tâche difficile puisqu’ils sont aussi les seuls choristes. Cette passion vue par Pierlot et ses troupes est donc une merveille car le disque lui aussi vaut le détour, je suis en ce moment même en train de l’écouter. Que du bonheur.
Un petit bémol cependant pendant la pause, l’église étant bourrée à craquer personne n’a pu sortir, les organisateurs nous ont imposé l’homélie du curé. Est-ce bien honnête ?