Je participais, mercredi soir, à une séance d’écoute comparée à l’aveugle organisée par l’OPL dans le cadre de sa série « Ecouter la musique » et consacrée à la Symphonie n°4 « Italienne » de Félix Mendelssohn. L’exercice est toujours délicat puisqu’on se trouve dans un environnement différent de notre cadre d’écoute habituel et qu’il nous faut commenter les brefs extraits musicaux en direct et en public. J’étais accompagné du compositeur belge Benoît Mernier et de Stéphane Dado qui animait la conversation de manière très documentée et efficace.
S’il est évident qu’une telle séance ne prétend pas déterminer la version de référence d’une œuvre tant de fois enregistrée par tous les grands chefs et les orchestres les plus prestigieux, elle a le mérite de confronter des optiques d’interprétation sensiblement différentes et de nous laisser l’envie de pousser un peu plus loin les idées des différents musiciens. Elle est aussi l’occasion de proposer au public des pistes qui permettent une écoute plus attentive en replaçant l’œuvre dans son contexte historique et esthétique et en ébauchant l’amorce d’une image sonore intérieure personnelle qui permet à chacun d’investiguer la discographie à la recherche de la version le plus proche de sa sensibilité.
Benoît et moi-même n’avons pas rencontré de fortes divergences de vues face à une œuvre qui, finalement, peut se lire de nombreuses manières. Même si cela est très subjectif, et qu’aucune des versions présentées n’était mauvaise, des critères, d’abord objectifs (mise en place, justesse, équilibre), plus personnels ensuite (en fonction de la perception que nous avons de l’œuvre dans ce qu’elle dégage), nous amènent à préférer certaines versions et à en éliminer d’autres.
La symphonie Italienne est une œuvre qui résulte des impressions que le compositeur avait perçues lors de son voyage dans la péninsule dans les années 1830. Comme il le dit lui-même, l’œuvre n’est pas le résultat de l’observation des œuvres d’art dont regorge le pays, mais plutôt de sa nature (et de son climat), de ses ruines et de ses gens. Si l’œuvre est italienne par l’influence du chant « bel canto » du troisième mouvement et surtout du « Saltarello » presque frénétique qui constitue le final, elle est aussi typiquement allemande par sa facture et absolument mendelssohnienne dans l’esprit. Schumann trouvera d’ailleurs que l’ « Ecossaise » comporte plus de thèmes italiens que l’ « Italienne » !
L’orchestre est assez léger dans sa configuration et les quatre mouvements veulent opter pour une dynamique de tempo plutôt rapide. A l’exception de l’Andante con moto qui constitue le deuxième mouvement, on sent tour à tour la joie, la spiritualité, le chant de la « Romance sans paroles » et la danse se succéder dans une fête sonore particulière. Mais l’œuvre comporte beaucoup de pièges instrumentaux, comme ces notes répétées et détachées si fréquentes dans les mouvements extrêmes si difficiles à maîtriser.
La problématique du sublime deuxième mouvement provient du mélange des cultures et des époques. Mendelssohn, qui avait redécouvert la musique de Bach et Haendel, mais aussi la neuvième symphonie de Schubert, allie un vrai sens de la basse continue dans les pizzicati des basses et un savant contrepoint des vents et des altos dans une superbe mélodie dont l’origine est encore bien discutée aujourd’hui. Mélodie originale, puisée ailleurs ou chant populaire de Bohême, elle dégage un sentiment de spiritualité très fort, presque funèbre dans ses accents. Comme le signalait avec beaucoup de pertinence Benoît Mernier, deux mondes sont en superposition. Celui de la basse qui se déroule immuablement et que j’aime associer au pas du promeneur (procession ou marche méditative) ou au temps qui fuit inévitablement, est terrestre et bien ancré pas son procédé continu dans notre monde. L’autre partie, qui comporte la mélodie est déjà ailleurs, comme un choral aux bois et à l’alto. Toute la magie du mouvement provient de la manière dont l’un et l’autre peuvent communiquer. Le vide qui sépare la terre du ciel doit se remplir d’une substance invisible (inaudible) qui rend évident la communication des êtres avec le spirituel. Certaines versions étaient étrangères à ce phénomène à cause du déséquilibre des parties orchestrales (vents trop forts, basse inexistante, tempo trop rapide ou trop lent). Mais lorsque cet alliage se produit miraculeusement (pas seulement, le chef et les musiciens y sont pour beaucoup), on ressent toute la profondeur de la mélancolie romantique et de l’aspiration du compositeur à des valeurs qui dépassent l’entendement de l’homme ordinaire.
On pourrait parler longtemps de cette symphonie et nous n’en sommes pas privés dans cette succession d’auditions qui ont mis, dès le
début, deux interprétations à l’avant plan. D’abord la version toute romantique (dans le bon sens du terme !) de Claudio Abbado avec le London Symphony Orchestra (DGG) qui mérite une écoute encore plus en profondeur et qui, à première vue semble plus intéressante dans les deux premiers mouvements que les deux derniers. Mais cette impression est à confirmer par une écoute intégrale qui peut changer la perception de la structure globale de l’œuvre. Mais la version de Nikolaus Harnoncourt avec l’Orchestre de Chambre d’Europe (TELDEC) que je ne connaissais pas nous a semblé encore plus équilibrée. Irréprochable orchestralement, Harnoncourt conduit sa formation exactement là où il le désire avec un sens formidable de l’équilibre, de la diction et de la prosodie. Son approche, plus classique, plus mozartienne et surtout schubertienne de l’œuvre permet à l’auditeur de s’abandonner au plaisir et à l’émotion du son. Ni tragique ni désinvolte, le chef autrichien arrive même à donner au scherzo (troisième mouvement) un petit côté viennois qu’il est le seul à réussir. Je vais m’empresser d’acquérir ce joyau en espérant que cette merveille se confirme sur la durée de l’œuvre. Je vous en reparlerai peut-être un de ces jours…qui sait ?
Très beau concert, en effet, hier soir à l’OPL. Dmitri Jurowski, déjà entendu à l’ORW dirigeait l’orchestre pour la première fois. Programme à la fois classique et original. La Stèle de Marsick, fort wagnérienne était une découverte pour moi. Je ne dis pas que l’oeuvre est impérissable, mais on y trouve beaucoup d’idées qui, à défaut d’être originales, sont séduisantes (fréquence de l’accord de tristan), mais l’orchestration est parfois défectueuse avec de grands trous de sonorité dans les registres mediums.
Ehnes est un musicien d’une grande subtilité et d’une rare finesse. J’ai beaucoup aimé son concerto de Dvorak tout en regrettant parfois un manque de substance dans les passages brahmsiens. Superbe bis plein de vie et de justesse.
L’Italienne était aussi bien conduite avec une direction bien claire et des tempi justes. Je suis d’accord avec Christian pour le côté un peu étiré du troisième mouvement.
Mais la saison n’est pas encore finie même si les concerts en abonnement s’est achevée hier. Il reste un récital d’orgue de Daniel Roth (à ne pas confondre avec notre nouveau chef françois-Xavier), le concert des lauréats et le concert gratuit de la fête de la musique le 24 juin.
Elle avait une cetaine allure voir une réelle randeur l’Italienne d’hier dirigée par Dimitri Jurowski. Avec parfois des phrasés fort appuyés (est-ce bien nécessaire) et un 3e mouvement qui m’a paru très étiré. Belle soirée finale d’une saison déjà teminée. Cela a semblé bien court -)