Cellissimo !

 

Le violoncelle n’apparaît que peu d’années après le violon, à la fin du XVIème siècle. Son ancêtre était un instrument plat à trois cordes, le rebec (comme le violon, d’ailleurs). Dès 1530, l’instrument est présenté comme la basse de violon. Il était plus petit que l’instrument actuel et possédait trois cordes accordées une quinte en dessous du violon (comme l’alto). On lui ajouta une quatrième corde grave en 1550 et son accord se transforme vers les basses. Il devient plus grand (80 cm sans le manche), tellement grand qu’il faudra revoir sa taille plus tard (aujourd’hui, les violoncelles mesurent plus ou moins 76 cm sans le manche).


 

violoncelle


Il semblerait que ce soit le grand luthier de Crémone, Andrea Amati (1535-1612) qui lui offre sa forme actuelle, mais tous les grands luthiers de la prestigieuse ville s’emploieront à construire des violoncelles qui seront diffusés dans l’Europe entière ou construits selon les principes italiens (Jakob Stainer en Allemagne et François Médard, élève de Stradivarius, à Mirecourt en France). 

Pourtant, ce prestige initial n’assure pas immédiatement la réputation de l’instrument car la concurrence qui l’oppose à la basse de viole est rude. Cette époque, jusqu’au XVIIIème siècle, est l’âge d’or de la musique de viole, soit en solo (Marin Marais ou Sainte Colombe par exemple), soit en musique de chambre (basse continue) soit encore en orchestre (Consorts of Viols, ensembles de violes, et Broken Consort, violes associées à d’autres instruments, en Angleterre). Fort discret au XVIIème siècle, le violoncelle coexiste avec la viole au XVIIIème siècle. Ce n’est qu’à la fin du Siècle des Lumières que le violoncelle triomphe grâce à de formidables virtuoses qui parviennent à mettre en évidence les qualités uniques de timbre et la sonorité plus puissante, plus adaptée aux nouvelles salles de concerts. Des œuvres majeurs, comme les six suites de Bach illustrent bien l’exploitation des ressources de l’instrument et suggèrent même un jeu polyphonique rare. Il n’empêche que longtemps, la viole de gambe fut considérée comme un instrument plus noble que le violoncelle.


 

Viole de Gambe

Viole de gambe 


 

Dans la musique d’ensemble, il se substitue donc progressivement à la viole et est d’abord confiné aux rôles d’accompagnement. Il double souvent la main gauche du clavecin et complète ainsi la basse continue. Pourtant, des compositeurs se mettent à écrire des concertos et des sonates (Vivaldi, Boccherini) et permettent le développement de sa technique. L’époque classique développera encore cette émancipation. Un bel exemple se trouve dans les deux concertos de Haydn. Il s’impose également dans la plupart des formations de chambre à partir du trio (à cordes : violon, alto et à clavier : violoncelle ou violon, violoncelle et piano).


Janos Starker joue Bach


 

Mais c’est la période romantique qui sera la plus propice à son développement. Sa tessiture grave, son medium chaud et son aigu chantant le rapprochent de la voix humaine. Il peut donc exprimer toutes les inflexions de l’âme. Ainsi Beethoven, Mendelssohn, Schumann, Brahms, Dvorak, Lalo, Offenbach (violoncelliste lui-même) et beaucoup d’autres écrivent des pièces pour le violoncelle ou des concertos de très haut vol tant musicalement que techniquement. Les luthiers développent encore ses possibilités sonores pour répondre aux grandes salles. Il devient, après le violon et le piano, l’instrument le plus utilisé en solo. 

La période romantique est également un passage important dans la technique du violoncelle. De nombreux compositeurs-virtuoses écrivent des traités et des méthodes pour leurs élèves. Parmi eux, des artistes comme David Popper, Friedrich Dotzauer, Jean-Louis Duport et Bernhard Romberg écrivent des études qui sont encore largement utilisées aujourd’hui par les professeurs du monde entier.


Mstislav Rostropovitch joue Haydn


Le XXème siècle continue de mettre à l’honneur le violoncelle. Les compositeurs écrivent presque autant pour lui que pour le violon. Impossible de les citer tous, mais retenons que sous l’impulsion de l’immense Mstislav Rostropovitch, le répertoire s’enrichit d’œuvres essentielles (Prokofiev, Chostakovitch, Britten, Dutilleux, Ligeti, Penderecki). La musique contemporaine a exploré de nouveaux modes de jeu en travaillant sur la sonorité de l’instrument et en incluant les rapports avec l’électronique. 

L’instrument possède donc quatre cordes qui sont accordées en quinte. La musique du violoncelle s’écrit en clé de fa, en clé d’ut quatrième ligne dans le medium haut et en clé de sol pour l’aigu.


 

Violoncelle accord


A l’époque baroque, on tenait le violoncelle entre les jambes en le serrant. Le XIXème siècle ajoute la pique, cette pièce de métal télescopique, qui supporte l’instrument déposé sur le sol et ainsi permet plus de décontraction du corps du musicien. La pointe métallique qui la termine est plantée dans une planche munie d’encoches pour assurer la stabilité de l’instrument au sol. Mais comme rien n’est dû au hasard, l’apparition de la pique est le résultat d’un besoin technique. Quand la technique de la main gauche s’est développée, les mouvements continus de changements de position (démanchés) nécessitaient un instrument bien stable que les jambes de l’interprète ne pouvaient assurer complètement. La pique est donc le résultat de cette recherche de stabilité. 

Concernant le jeu, le violoncelle utilise tous les procédés énoncés avec le violon et l’alto. Cependant, de considérables différences de techniques sont le résultat d’une autre tenue de l’instrument et de la grandeur du violoncelle. Qui dit grand dit manche long. Et qui dit long manche, suppose des positions. Le violoncelle compte donc six positions en fonction de la hauteur de la main gauche sur le manche. Lorsque le musicien change de position, on dit qu’il opère un démanché. Dans le suraigu, le pouce (c’est là l’une des particularités les plus importantes du violoncelle), qui ne peut plus se tenir derrière le manche, vient servir de guide aux autres doigts en se déposant sur les cordes. Pour éviter les démanchés constants, le violoncelliste pratique souvent des extensions de plusieurs doigts qui atteignent alors sans démancher les notes plus aigues. 

Plusieurs variantes de l’instrument ont existé de manière éphémère. Parmi celles-ci, le violoncelle piccolo à cinq cordes, dont la chanterelle (la plus aigue) augmente la tessiture vers l’aigu. Bach le recommandait pour certaines cantates. La viola pomposa, entre le violoncelle et l’alto, que Bach a également utilisée et l’arpeggione à six cordes, accordé comme la guitare en quartes et tierce (on le nommait aussi guitare-violoncelle), dont on connaît la superbe sonate de Schubert.


 

Violoncelle piccolo à cinq cordes

Violoncelle piccolo à 5 cordes


Le violoncelle possède une séduction incontestable et les compositeurs en ont fait l’une des parties les plus essentielles de leur écriture orchestrale. On ne compte pas, dans le répertoire symphonique, le nombre de thèmes énoncés par le violoncelle qui n’est pas seulement, comme on le croit parfois, un accompagnateur des violons, mais une voix de l’émotion à part entière.