Week-end bien chargé et agrémenté d’un rhum ma foi bien tenace. Mais cela ne m’a pas empêché de profiter pleinement des concerts du Festival « Visa pour l’Europe » de l’OPL.
Je vous disais la semaine dernière que les concerts de samedi et dimanche seraient les grands moments de la semaine et, sans dévaloriser le moins du monde les œuvres jouées durant toute la semaine, il faut bien avouer que le point culminant de l’émotion s’est avéré être les deux concerts du fameux Chœur d’hommes de l’Université d’Helsinki. Une prestation « A capella », d’abord nous a valu l’une des plus grandes émotions de la saison. Dans un programme très varié allant de Sibelius à Rossini, en passant par Rautavaara, Schubert ou Saint-Saëns et sans oublier quelques compositeurs contemporains de Finlande, du Japon et d’Estonie, cet ensemble exceptionnel a fait vibrer la salle dans sa totalité. Tout le monde était unanime, on venait de vivre un moment rare.
Il faut dire que le chœur possède une technique à toute épreuve, une justesse à faire pâlir tous les musiciens et une homogénéité qui me fait penser aux chœurs russes, avec ses basses profondes et ses ténors qui, en voix de tête, parviennent à planer dans le registre aigu avec une aisance déconcertante. Mais la technique et la mise en place ne sont que quelques aspects de leur talent. Ce qui impressionne plus encore, c’est une musicalité et un sens de l’expression inouïs. Même dans des œuvres moins évidentes, je veux dire plus inhabituelles, et je pense à l’extraordinaire pièce de Perttu Haapanen, Talescapes, basé sur le célèbre Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, ils parviennent à nous faire rêver dans une musique remplie d’effets, de sifflements, d’imitation des sons de la nature. On s’y croirait ! Formidable ! (je me suis d’ailleurs empressé d’acheter deux de leurs cd’s introuvables en Belgique). Mais l’émotion fut à son comble lorsqu’ils ont, en guise de « bis », entamé une sérénade traditionnelle finlandaise et le célèbre Finlandia (qui fait office d’hymne national) en descendant de la scène et en entourant le parterre de la salle, laissant leurs voix englober tout l’espace sonore et descendre au plus profond de notre cœur. Beau à pleurer au sens propre !
Le Stand Fnac au Foyer Eugène Ysaye
Le concert du soir était consacré à Kullervo de Sibelius dont je vous ai déjà parlé abondamment. L’Orchestre Philharmonique de Liège, sous la direction de son chef, François-Xavier Roth, ainsi que le même chœur et deux solistes remarquables ont donné toute la mesure de cette œuvre « hors norme » comme le disait hier Christian Bossuroy dans un commentaire de mon article. C’est bien le mot. Maîtrise du matériau musical complexe, juste expression des textes, bref, un grand moment également. L’émotion a été à son comble lorsque F-X Roth a demandé au chef de chœur, à l’issue du concert, de reprendre, en hommage aux victimes de la catastrophe de Liège, le fameux Finlandia, dans un silence tout recueilli.
Apéritif Fnac, l’occasion d’encore partager ces instants d’émotions
Mais la soirée s’est encore un peu prolongée dans le Foyer Eugène Ysaye où le Chœur est venu rejoindre le public pour un verre amical. Ils nous ont encore montré, avec générosité, tous leurs talents en improvisant un mini récital de chœurs très brefs et festifs. J’ai eu la chance de côtoyer quelques instants le chef du chœur, Matti Hyökki, venu dédicacer ses disques au stand de la Fnac tout en dégustant av
ec un plaisir non dissimulé l’une ou l’autre de nos bières belges. Le personnage est surprenant. Sous un aspect « pince sans rire » et un peu british, dissimulé derrière d’étranges lunettes, il m’a fait part de toute sa passion pour la musique et de son amour immodéré pour le chant choral. Il considère que la perfection technique passe d’abord par la rigueur et la discipline, par une parfaite connaissance des textes musicaux (les choristes chantent presque tout leur répertoire sans partition, de mémoire !) et un travail spécifique de la voix qui, tout en restant individuelle, doit s’intégrer dans une couleur globale, la seule garante du véhicule de l’émotion. Mission accomplie !
La journée de dimanche nous réservait encore de grandes surprises. C’est d’ailleurs ainsi qu’était laconiquement annoncé le concert gratuit de l’après-midi. L’OPL avait invité des orchestres d’harmonie de nos régions. Il faut dire que ces musiciens amateurs, dont de nombreux jeunes, sont pris en charge avec un sérieux exemplaire par des passionnés qui ne sont autres que des solistes trompettistes et tromboniste de l’orchestre. La qualité de leur musique est remarquable et mérite la large diffusion que Jean-Pierre Rousseau leur a accordée en présentant de manière décontractée la séance qui sera d’ailleurs diffusée en Radio et en Télévision ces prochains jours. La salle était quasi comble, peuplée des habitués, certes, mais surtout de potentiels nouveaux mélomanes qui découvraient avec enthousiasme que la musique classique n’est non seulement pas toujours sérieuses, loin de là, mais qu’elle est aussi celle des jeunes (ce qui ne veut pas dire que les jeunes ne sont pas sérieux, bien sûr !).
La Salle Philharmonique parée des drapeaux des pays évoqués et l’Orchestre se préparant à interpréter Kullervo de Sibelius
Après la remise d’un chèque de 5000 euros, somme récoltée à l’initiative des musiciens et de la direction de l’OPL parmi le public durant toute la semaine (les liégeois ont le cœur sur la main, c’est bien connu !) au profit des victimes de la catastrophe de Haïti, le festival s’est alors clôturé par le vaste poème symphonique de Bedrich Smetana, Ma Vlast (Ma Patrie), celui qui contient la très célèbre Moldau, mais dont les autres pièces sont nettement moins connues. C’est donc en Europe centrale que notre voyage s’est arrêté avec, il faut bien le dire tout le brio (malgré les quelques longueurs de l’œuvre) de l’OPL qui, une fois de plus, maîtrisait sa matière. Alors, bilan d’une semaine de concerts particulièrement positif ! De grandes musiques, un voyage à travers l’Europe, des ensembles de haut vol, un accueil toujours à la hauteur par les organisateurs. Promesses tenues ! Seule légère ombre au tableau, une fréquentation moindre qu’attendue, mais ne dit-on pas que les absents ont toujours tort ?