Le merle noir

 

La fin du mois de mars, quelques rayons de soleil, une température plus clémente, et soudain, le printemps est là, la nature semble se remettre du rude hiver, les hommes  se remplissent de cette lumière rédemptrice. Mais un signe ne trompe pas. Le retour des oiseaux et de leurs chants matinaux et vespéraux. Quel plaisir, par une météo clémente, de s’asseoir le soir dans le jardin et d’écouter les oiseaux chanter, s’endormir et laisser place, progressivement, au silence de la nuit. C’est la vie de la nature que nous percevons dans toute sa grandeur, dans sa simplicité tout autant que dans sa variété. Mais cela, c’est pour les prochains mois.


 

Nature 


Je ne suis pas ornithologue pour un sou. Mon écoute des oiseaux est purement instinctive et, en tant que musicien et musicologue, mon esprit s’amuse à chercher et à associer les hauteurs de sons, les rythmes et les sonorités qui composent les différents chants de ces volatiles musiciens. Ce qui me frappe avant tout, c’est cette polyphonie aléatoire entre les différentes espèces d’une part et les dialogues entre membres d’une même famille. On y distingue de véritables conversations, des parades amoureuses et des cris de défense

Ainsi, depuis de nombreuses années, dans le bois qui jouxte notre jardin, quelques merles noirs nous honorent de leur présence. Le merle (Trudus merula) est une espèce de passereau qui niche en Europe, en Asie et en Afrique du nord. Il semble comporter de nombreuses variantes et, selon la latitude où il se trouve, peut être migrateur ou non. Même si les couples de merles restent dans la même région si le climat est tempéré, on ne l’entend pas vraiment durant les mois d’hiver.



 

Les nombreuses références littéraires et culturelles à cette espèce commune font grand cas de son chant mélodieux. On dit que le merle siffle, flûte, appelle ou babille. Les plus jeunes peuvent commencer à chanter, par beau temps, dès le mois de janvier (ce qui n’a pas été le cas cette année). Ils établissent ainsi leur territoire. Ce n’est que vers la fin du mois de mars que l’adulte se lance dans son chant mélodieux, flûté et assez grave. On ressent l’impression de véritables strophes plus ou moins longues dont la conclusion se teinte de sons plus grinçants. « Il chante de mars à juin, parfois début juillet. Une étude semble montrer que le chant dure plus longtemps lorsque le mâle est en meilleure santé, et lorsque sa femelle est dans une période de fertilité maximale. Le mâle peut chanter à tout moment de la journée, mais le lever et le coucher du soleil sont les moments où les chants sont plus intenses. Le chant du merle noir est considéré comme l’un des plus beaux chants d’oiseaux d’Europe. Sa richesse de répertoire, ses variations mélodiques et ses capacités d’improvisation distinguent le merle noir européen de la plupart des autres oiseaux » (Wikipédia). 

Outre son chant varié, il possède de nombreux appels et signaux d’alarme désignant la présence d’un prédateur terrestre, un chat par exemple, mais il déploie également ces cris pour tenter, le soir, de décourager les autres oiseaux de venir dormir sur son territoire. Il semble que cette défense soit vaine ! Cet animal possède aussi un génie mimétique puisqu’il est capable d’imiter d’autres espèces d’oiseaux, des chats, des humains ou des alarmes de maisons ou de voitures ! 

Voilà donc un oiseau bien intéressant dont il vous faut découvrir le chant. Olivier Messiaen, qui était, lui, un ornithologue de première classe, a beaucoup utilisé les chants d’oiseaux dans ses œuvres. Tant à l’orchestre qu’au piano ou aux divers instruments, la variété des chants lui a permis une véritable théorie nouvelle de la musique et de son langage. Ainsi, lorsqu’il débuta à vraiment placer les oiseaux au centre de ses préoccupations musicales, il écrivit cette pièce pour flûte et piano intitulée Le Merle noir (1952).



Messiaen merle 2


 

Elle est certes la plus courte des œuvres du
compositeur, mais sa durée d’un peu plus de cinq minutes est entièrement fondée sur la stylisation des chants et vocalisations du merle. Cette pièce fait partie du répertoire de chambre de tous les flûtistes et elle préfigure ainsi de nombreuses autres œuvres comme le Catalogue d’oiseaux (1958) où, parmi treize espèces, Messiaen revient au merle, mais le merle bleu, cette fois.
 

Alors, par une belle journée, prenez le temps de vous arrêter un peu pour écouter le merveilleux monde sonore de la nature. L’expérience en vaut la chandelle, la vie est là, tout près de nous et, dans notre agitation quotidienne, on oublie trop souvent de savourer cette simplicité élémentaire qui pourtant nous nourrit de son essence.

 

 

Un avis sur “Le merle noir

  1. J’adore votre écoute dans le jardin.
    Oui la nature nourricière apaise… Mais bon! le Web offre aussi des rencontres et croisements inattendus comme je viens de le voir, cette fois c’est de Messiaen à Debussy via Paul Valéry et un poète vivant.
    Messiaen a écrit le Merle noir et aussi le Merle bleu, et le Merle de roche, et aussi le Merle du Japon!
    Les trois oiseaux solistes de la Yamanaka-cadenza (3ème pièce des Sept Haïkaï) Hôaka, Kibitaki, Kuro-tsugumi, viennent d’apparaître sur le Net joués (en close up sur clavier numérique !):
    – Hôaka (Bruant à tête grise)

    – Kibitaki (Gobe-mouche Narcisse),

    – Kuro-tsugumi (Merle japonais)

    Première curiosité amusante je découvre que l’interprète du “gobe-mouche Narcisse” de Messiaen s’appelle Louis Latourre et qu’il est aussi l’interprète du “Narcisse” de Paul Valéry, comme acteur de théâtre cette fois.
    Poète, metteur en scène, il semble avoir connu personnellement Olivier Messiaen et son épouse Yvonne Loriod.
    Mais surtout concernant Valéry, anecdotes piquantes: il est certain que le poète a connu les premières grandes oeuvres de Messiaen, notamment les “Visions de l’Amen” en 1943 lors d’un Concert de la Pléiade. Messiaen jouait lui-même son oeuvre, accompagné au second piano par Yvonne Loriod (alors sa jeune élève).
    La suite inattendue encore: En 1948, Messiaen confiait la publication de ses “Cinq Rechants” aux éditeurs Rouart-Lerolle. Ce Lerolle (Henry) peintre, musicien, mécène… il est certain que sa fille Yvonne, figure d’une féminité et d’une jeunesse idéalisée, n’a pas été sans marquer l’imagination de Debussy, familier de la maison paternelle durant toutes les années de la compostition de son “Pelléas et Mélisande”. Quand on sait l’influence de l’opéra sur Olivier Messiaen… Quant à son collaborateur éditeur Rouart (Paul), il n’était autre que l’époux d’Agathe… Valéry, fille du poète.
    Jérôme
    (NB. Yvonne Lerolle et sa soeur Christine sont les deux fameuses “Jeunes filles au piano” peintes par Renoir.)
    Rencontres, croisements… comme ces “miroirs d’oiseaux familiers” écrits par Messiaen dans son poème chanté “Harawi” !

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