J’ai beaucoup aimé le petit billet de Jean-Pierre Rousseau consacré aux élections qui se dérouleront demain en Belgique (http://rousseaumusique.blog.com/2010/06/08/voter-2/ ).
Elections anticipées, encore un dimanche matin de perdu, de qui se moque-t-on, ou, comme je l’entendais hier dans un micro trottoir du JT de la RTBF : « Cela ne sert à rien ! Ils font tout de même ce qui leur plaît ! ». Il faut dire qu’en Belgique, quand arrive le Concours musical Reine Elisabeth, que le tournoi de Roland-Garros est terminé et que les étudiants entrent en examen, … on va voter ! C’est curieux comme, même en cas d’élections anticipées, c’est en juin qu’on vote. Je me souviens de la première fois où j’ai été convoqué aux urnes à 18 ans. J’étais en période d’examens et, ma foi, la promenade à pied pour me rendre au bureau avait été une pause bienvenue dans cette période d’intense labeur. Car, voyez-vous, depuis la première fois, je n’ai jamais raté un rendez-vous électoral. Non pas que je sois porté sur la politique, loin de là … à moins que le mot politique ne signifie pas exactement ce pour quoi on l’emploie tous les jours …
Retour sur un terme dont la polysémie pourrait nous être cachée par une utilisation unique et réductrice : « Le mot politique vient du grec Politikè (« science des affaires de la Cité »). Etymologiquement, la politique est donc synonyme d’organisation de la Cité. La Cité visée par le mot est celle de la Grèce antique aujourd’hui appelée Cité-Etat du fait de la similitude de son organisation avec celle de nos états modernes (pouvoir centralisé, institutions, diplomatie). Mais la politique recouvre au moins trois sens :
La politique, dans son sens le plus large, celui de la civilité Politikos indique le cadre général d’une société organisée et développée.
Plus précisément, la politique, au sens de Politeïa, renvoie à la constitution et concerne donc la structure et le fonctionnement (méthodique, théorique et pratique) d’une communauté, d’une société, d’un groupe social. La politique porte sur les actions, l’équilibre, le développement interne et externe de cette société, ses rapports internes et ses rapports à d’autres ensembles. La politique est donc principalement ce qui a trait au collectif, à une somme d’individualités et/ou de multiplicités. C’est dans cette optique que les études politiques ou les sciences politiques s’élargissent à tous les domaines d’une société (économie, droit, sociologie … ici je me permets d’ajouter, ce que ce texte ne fait pas, la culture, la pensée, les spiritualités, etc. qui, au sens large peuvent composer la sociologie).
Enfin, dans une acceptation beaucoup plus restreinte, la politique au sens de Politikè ou d’art politique se réfère à la pratique du pouvoir, soit donc aux luttes de pouvoir et de représentativité entre des hommes et des femmes de pouvoir et aux différents partis politiques auxquels ils peuvent appartenir tout comme à la gestion de ce même pouvoir ». Wikipédia
Vue sous cet angle, il faudrait être profondément insensible à l’homme, à sa culture et à son fonctionnement pour ne pas s’intéresser à la politique. Et dans cette optique, cela m’interpelle quotidiennement. Mais, malheureusement, les citoyens ont souvent oublié ces premiers sens du mot et on a de plus en plus de peine à trouver que la politique fonctionne pour le bien de tous. A qui la faute ? Les coupables les plus faciles à désigner sont les hommes politiques eux-mêmes qui paraissent bien souvent se préoccuper plus de leurs affaires personnelles et leur soif de pouvoir que du bien de la collectivité. Tous les scandales révélés au fil des ans impliquent bien souvent des hommes et femmes politiques qui perdent la notion service à la collectivité dès que le pouvoir, même minime, leur arrive entre les mains. « Votez pour moi » qu’ils disaient !
Mais ce serait bien trop facile de ne désigner que ces cas-là, exposés par leur fonction au regard de la presse (qui n’attend d’ailleurs que cela pour en faire des gros titres) et de l’opinion pour décider de ne pas se rendre aux urnes sous les prétextes énoncés ci-dessus.
Car la liberté dont nous jouissons dans nos sociétés modernes n’est possible que dans le cadre d’une démocratie. Or, comme son nom l’indique, la démocratie désigne le pouvoir du peuple. Vous me direz que vous n’avez aucun pouvoir individuel. Pourtant vous êtes libres (pas tout à fait ! Vous êtes obligés d’aller voter !!!! Ce qui n’est pas le cas en France, par exemple où on parie toujours sur le taux d’abstention). Mais revenons à nos moutons. Notre pouvoir individuel est donc de placer au pouvoir quelqu’un de notre choix. Quel luxe extraordinaire nous avons là ! Combien d’hommes et de femmes ont du souffrir, se sacrifier, renoncer à leur individualité la plus intime pour que nous, aujourd’hui, puissions voter … et être libres. Combien de peuples, écrasés par des dictatures qui se présentent comme des démocraties fantômes, rêvent de vraies élections, justes et révélatrices d’un vrai besoin ? Combien de révoltes au nom de la démocratie, combien de massacres à celui de la dictature ? Et nous, en capricieux européens gâtés, nous faisons la fine bouche quand il faut consacrer une heure un dimanche matin de temps en temps. C’est bien cette tendance à un individualisme égoïste que Jean-Pierre Rousseau montre du doigt. Si vous ne voulez plus voter, instaurons une dictature et nous verrons, alors si vous ne regrettez pas la vieille démocratie.
Je crois que dans notre égoïsme, nous n’avons plus une vue globale sur la société et ses besoins. En témoigne les querelles infinies sur les circonscriptions, sur l’élargissement ou non de Bruxelles, sur les frontières linguistiques, bref, sur tout ce qui plombe l’ambiance de la Belgique et qui l’empêche de fonctionner correctement, dans le vrai sens du mot politique. C’est que nos hommes politiques, qui n’usent de la politique que dans sa troisième et restreinte définition ont perdu le sens du collectif, bien qu’ils s’en défendent, et que les électeurs, dans leur individualisme forcené, ne font guère mieux. Observez la mesquinerie de tant d’hommes et femmes. Ils passent à côté de l’essentiel de l’existence en se concentrant, comme ceux qu’ils ont élu, sur des sujets objectivement secondaires espérant gagner un peu plus d’argent, de gloriole et de pouvoir sur le voisin.
Voilà, le mot est lancé. Objectivité ! Mais qui peut encore la revendiquer, cette objectivité ? Alors méfiez-vous également de ceux qui semblent en dehors de la mêlée et qui vous promettent de faire mieux que les autres. Il pourrait être tentant de leur faire confiance, de leur laisser une chance de le prouver. Mais la démocratie peut-elle se permettre de se détruire elle-même. Certes, elle en a le pouvoir. Vous pouvez voter pour des partis qui prônent des formes de dictatures, ces extrémistes qui prétendent solutionner tout … par la force. C’est le paradoxe de la démocratie. Elle peut générer son inverse. C’est le comble de la liberté, voter pour qu’on nous l’ôte !
Diable, tout cela est insoluble ! Oui, il faut bien admettre que l’homme est un animal bien curieux. Mais passé ce constat, la prise de conscience doit venir d’un cheminement intérieur, d’un retour aux valeurs d’équilibre entre ce qui est individuel et collectif. Je crois que désormais, certaines mentalités changent, j’espère que les propos de certains, plein de bonnes intentions (mais attention à ne pas tomber dans l’angélisme et la naïveté !), sont enfin le signe d’un vrai changement. En Belgique, particulièrement, la situation actuelle n’est plus tenable et il faut des solutions politiques, dans le vrai sens du mot, cette fois ! S’abstenir de voter, c’est se priver et se condamner soi-même, au mieux à un immobilisme stérile, au pire à l’apparition de l’anarchie qu’attendent certains. Cette dernière ne peut aboutir qu’à un chaos que seule une dictature peut redresser … au prix de notre liberté. A vous de juger… notre avenir vaut bien une heure de notre dimanche non ?