Vuvuzela

 

« Nous autres, civilisations savons maintenant que nous sommes mortelles » Paul Valery (1871-1945) 

Jusqu’il y a quelques jours, je n’avais jamais entendu parler de cet étrange instrument de musique qui, aujourd’hui pourtant, défraie la chronique. N’étant pas un vrai amateur de football, je n’ai suivi que de loin les événements de la Coupe du monde qui se déroule actuellement en Afrique du Sud.


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Mais il y a pourtant trois aspects de cette manifestation qui n’échappent à personne. Le premier fait est que depuis quelques jours, les deux chaines télévisées de la RTBF diffusent du foot après-midi et soir ce qui empêche tout autre programme ! « Du pain et des jeux » ! Certes l’antique adage se vérifie tout au long de l’année, et je n’ai rien contre ! Mais là, la cote d’alerte est atteinte et provoque une saturation, un trop plein inadmissible. Après tout, tout le monde n’est pas obligé d’aimer le foot ! Et il n’est pas facile de compter sur les autres chaines belges pour relever le niveau … dommage !


FIFA - Coupe du Monde


 

Le deuxième aspect inévitable ces derniers jours, c’est la vuvuzela, cette trombe qui, une fois qu’elle est jouée par un stade entier, fait plus de bruit qu’un avion au décollage (dixit … un journaliste!). Toujours est-il que l’instrument, une corne d’un mètre de longueur a acquis une telle réputation que le monde entier vogue sur la vague de la vuvuzela. J’ai même croisé des supporters à Liège qui l’utilisaient bruyamment. Mais que dire du bruit généré par des dizaines de milliers de spectateur au sein même du stade. Imaginez-vous que les télévisions ont du rivaliser d’astuces pour faire baisser le signal de la fréquence utilisée par le funeste instrument.



 

 

Encore un peu et il abimait les oreilles des pauvres téléspectateurs occidentaux ! Ah la société de consommation … comme on nous dorlote pour nous procurer le plus grand confort … et surtout ne pas perdre de l’audience. Des sommes énormes sont en jeu ! La technologie est au service de ces enjeux financiers. Alors, croyez-vous toujours que vous vivez la Coupe de Monde comme si vous y étiez ? Et pourtant, la vuvuzela peut être moins agressive et plus musicale lorsqu’elle est jouée par des musiciens traditionnels. Rien à voir ou à entendre avec les rudes vociférations des supporters !



 

 

Et puisqu’on parle d’argent, il faut bien constater que les équipes les mieux payées ou les plus chères, c’est comme vous voulez, ne sont guère les plus performantes ! Les grandes nations européennes du foot sont en train de prendre une de ces gamelles (comme on dit !)… Mais là encore, il y a un sommet à la honte ! Les français pleurent aujourd’hui un rêve perdu, ce qu’ils estiment être une humiliation. Je les comprends. Je ne suis pas de ceux qui se réjouissent du « malheur » des autres. Je n’émettrai aucun jugement ni aucun avis sur les responsabilités de telles déconvenues, j’en suis incapable … et puis les belges n’ont aucune leçon à donner en la matière, nous, on n’y est même pas ! Mais ce qui choque, c’est la manière, la grossièret&
eacute;, la vulgarité et l’exemple déplorable que ces stars du ballon rond donnent à une jeunesse avide de repères.



 

 

C’est sans doute l’une des raisons qui ont fait de l’histoire des « Bleus » une affaire nationale récupérée par la politique. L’équipe nationale, c’est la carte de visite d’un pays et il est justifié que les autorités réagissent au plus haut niveau. Mais dans quelle mesure, dans quelle ampleur réagir. En annulant une réunion importante sur la faim dans le monde pour recevoir la vedette Thierry Henry? Nicolas Sarkozy lui a sans doute redit sa profonde déception et honte d’avoir au sein de l’équipe de France un personnage capable d’insulter son entraîneur (aussi controversé soit-il) avec des formules humiliantes. 

Un cadre doit marcher ou crever … mais ne certainement pas insulter. Et que dire du fameux « traître » à la patrie qui a permis aux journalistes, toujours avides de scoops, de colporter l’affaire … information gratuite ? Et si le Président de la République a pu faire le gros doigt, il n’est peut-être pas, lui-même, le mieux placé pour jouer la morale et la politesse. Souvenons-nous d’un égarement verbal tout aussi lamentable de sa part !


 

Mais la question la plus fondamentale n’est pas là. Quand tout va bien, les écarts de langages, de mœurs et autres scandales font rire. Aujourd’hui, ils font pleurer. Nos sociétés ne sont-elles pas les victimes d’une grave crise identitaire ? Lorsque l’homme perd son identité propre et sa culture, il ne peut que prendre les modèles qu’on lui impose. Il en est ainsi de bon nombre de stars qui sont propulsées très (trop) jeunes dans des fonctions qui les dépassent. Comprenez-moi bien, ce que je veux dire, c’est que beaucoup de ces héros n’ont pas la stature des vrais héros, ceux qui sont prêts à l’abnégation pour défendre un idéal commun. Question de fric, question de culture, d’instruction et d’éducation ! Quel beau modèle pour nos sociétés modernes… Et on s’étonne que certains parlent du déclin de l’Occident… !  

Ce n’est pas tant les joueurs qu’il faut blâmer. Ils s’inscrivent dans un système qu’on a inventé à leur place pour faire d’eux des héros du cirque, des gladiateurs des temps modernes. Mais ils n’ont pas de maturité, pas d’esprit d’équipe, pas de sens des responsabilités. On récolte ce qu’on a semé. L’occident footballistique est en dégénérescence à l’image de l’Europe et de ses crises à répétitions. Seuls les nations traditionnellement disciplinées survivent encore Les Pays-Bas et l’Allemagne en seraient bien les rescapés. Pour combien de temps encore ? Tant qu’ils garderont suffisamment de conscience identitaire, ils pourront rivaliser avec ces nations d’Amérique du Sud, d’Asie et même d’une Afrique qui cherche, par là, à retrouver son identité par un statut international (comme le Cameroun, par exemple !).  

Vous voyez, le foot peut nous rapprocher des grandes questions existentielles de nos sociétés et se présenter, qu’on le veuille ou non, comme le miroir du monde. C’est comme si la vuvuzela, en nous tombant sur la tête, sonnait la prise de conscience de la fin d’une époque, celle de la suprématie de l’Occident. Et cette insupportable sonorité là, les médias se sentent obligés de nous la dissimuler pour ne pas nous effrayer. … Monde de dupes?