On peut dire que la saison commence en force. Jordi Savall, avec ses fameuses formations, Hespèrion XXI et La Capella Reial de Catalunya, était à la Salle Philarmonique de Liège mardi soir. Il ne manquait que son épouse, Montserrat Figueras, annoncée, qui, souffrante, avait cédé sa place à Adriana Fernandez.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la vedette de la musique ancienne depuis plusieurs décennies, est bien à la hauteur de sa réputation. Non seulement, l’homme sait s’entourer de musiciens exceptionnels qui, de toute évidence, partagent la même vision de la musique que lui, mais sa générosité fait de ses prestations une soirée plus « initiatique » que le déroulement d’un simple concert.
Jordi Savall avait accepté l’invitation du Festival des Nuits de septembre et de l’Orchestre philharmonique de liège à venir rencontrer le public une heure avant le concert. Là, c’est sa démarche fondamentale qu’il explique avec la plus grande sincérité. Et même si on imagine qu’il tient ces propos très régulièrement devant des publics très variés, on comprend, en l’écoutant, qu’il parle vrai. Car, malgré une réussite commerciale indéniable, un marketing parmi les plus efficaces du monde de la musique classique et une célébrité qui serait sans doute monté à la tête de beaucoup d’autres personnes, il a gardé la passion de la jeunesse et acquis la sagesse de l’âge mûr. Il ne fait aucun doute que l’honnêteté de sa démarche et la fréquentation de la diversité culturelle du monde en soient certaines des causes. Qu’on veuille bien jeter un regard sur le très beau site de la famille Savall, Alia Vox: http://www.alia-vox.com/
Sa démarche d’abord. C’est celle de la simplicité, de l’humilité et de l’émotion. Chaque oeuvre abordée est le résultat d’un long travail de recherches, tant au niveau des sources musicales, des manuscrits ou de l’organologie (étude des instruments de musique) que de l’histoire pure ou de l’étude, presque anthropologique des rapports entre les hommes d’horizons différents. Et Jordi Savall n’est certes pas de ces musicologues qui pensent avoir atteint à l’authenticité. Pour lui, et je partage également cet avis, il n’y a pas d’authenticité historique. On ne remonte pas le temps et, quoi qu’on fasse, il est impossible de faire abstraction des siècles qui nous séparent d’une oeuvre et des acquis de ceux-ci. Jouer la musique de bach avec authenticité n’aurait de raison d’être qu’à la condition de ne rien connaitre de la suite de l’histoire. C’est impossible, ne fût-ce que par notre mode de vie, notre pensée et nos acquis technologiques au cours des siècles.
Pour lui, l’authenticité, elle n’est pas dans l’intellect, même si ce dernier est un outil dont on ne peut se passer dans le travail. Elle est dans l’émotion. Et elle, elle est le présent du concert ou de l’écoute d’un disque, éphémère mais tellement marquante. Jordi Savall explique que lorsque vous êtes émus par une musique, cette émotion est stockée en nous comme une expérience existentielle qui, avec le temps, devient un souvenir. Réactiver ce souvenir ou en créer d’autres, c’est là que se trouve le propos du musicien, son authenticité. C’est donc plus une attitude authentique dans le présent qu’une authenticité illusoire du passé. C’est la toute la force du musicien qu’est Savall.
La musique n’est pas une activité, elle est un choix de vie, un mode de vie, un parcours profondément humain. Les années nous ont montré que la famille Savall (Jordi, Montserrat, Arianne et Ferran ainsi que tous leurs complices) que cette vision de la vie conduisait à une ouverture d’esprit et une tolérance exceptionnelles. Car l’homme qui, dans sa démarche de vie, cherche cette authenticité du présent, tire non seulement les leçons du passé, mais est amené à écouter, découvrir, respecter et assimiler les autres cultures. De là cette idée de mettre en perspective, lors des concerts ou des enregistrements, les traditions occidentales et orientales. La nationalité espagnole du musicien et le patrimoine multi-culturel de ce pays ne sont sans doute pas pour rien dans cette curiosité. Toujours est-il que cette large vision fait de l’homme un citoyen du monde. Le constat est là. L’Homme, quelles que soient sa nature et sa culture, aspire aux mêmes valeurs, celle de l’amour y figurent en bonne place. Non pas un amour banal, mais un amour profond, intense, qui se rapproche plus d’une empathie universelle. C’est cela qu’on décèle dans sa pratique de la musique, c’est là que se trouve son authentique générosité.
Et la conséquence est simple, l’émotion est tout naturellement au rendez-vous. Le public ne s’y trompe pas, pas plus que les musiciens, pas plus que Jordi Savall lui-même qui, avec la même générosité, accepte encore une longue séance de dédicaces. Avec une patience inouïe, il accorde à chacun tantôt un sourire, tantôt une pose pour la photo souvenir, à tous, un moment d’attention. Pas seulement un grand artiste, un grand homme! Et la journée n’est pas finie encore… réception avec les autorités locales… demain est un autre jour, l’avion, le voyage, l’hôtel, la répétition, le concert, la rencontre avec le public, les dédicaces… bref, le même genre de jour… il a rendez-vous avec l’émotion il ne le ratera pas. Serait-ce le secret de ce jeune homme né en 1941?
Lors de la séance de dédicace ce mardi soir à l’OPL
Pout tout cela, je vous tire mon chapeau, Monsieur Savall, l’exemple que vous nous montrez devrait être suivi par tous les hommes, cela les rendrait meilleurs, bien meilleurs et le monde s’en porterait beaucoup mieux.
Je n’y connais pas grand chose en musique ancienne mais je trouve remarquable les « ponts » et liens que Jordi Savall nous fait entendre entre cette musique ancienne et ce que l’on entendra chez Bach ou Monteverdi.
J’aime bien aussi les « ponts » qu’il nous a montrés entre les cultures: musique d’Inde et d’Europe. Une démarche politique et militante qui devrait nous conduire vers les autres peuples …et les autres musiques.