Ayant un peu de temps avant de reprendre le train vers Paris puis vers Liège après une conférence sur Chopin à Évry Jeudi dernier, je me suis fait un plaisir d’aller visiter la seule cathédrale française construite au XXème siècle et le centre de cette ville nouvelle, située à une trentaine de kilomètres de Paris, qui compte un peu plus de 50 000 habitants.
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Un des batiments de l’université
En Belgique, on connaît mal le principe des villes nouvelles françaises. Le seul vrai cas que l’on pourrait évoquer est celui de Louvain-la-Neuve qui pourtant ne répond pas aux critères français pour l’appellation de ville nouvelle. Elle résulte de la célèbre querelle linguistique qui, entre 1967 et 1968, a secoué la Belgique et au cours de laquelle, une extension de la partie francophone de l’Université de Louvain a créé au sein des étudiants et de la population un conflit tel que la scission des deux branches néerlandophone et francophone est devenue inévitable. Ainsi Louvain-la-Neuve, dans le Brabant wallon, est une ville nouvelle construite autour de l’Université.
Évry ne répond pas à ces critères. Et même si elle comporte également une université, sa naissance est liée à un plan d’urbanisme pensé par les autorités françaises dans les années 1960 pour trouver une solution au surpeuplement de Paris. Les villes nouvelles allaient devenir à la fois des centres très modernes, futuristes parfois, mais aussi des cités-dortoirs ou des cités, tout simplement, où se cachent bien souvent la pauvreté et la misère. Ainsi, neuf nouvelles villes seront construites en France. S’il en existe cinq autour de Paris, de grandes villes comme Lille, Lyon, Marseille et Rouen auront également leur extension en périphérie.
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L’école de musique et de danse
Concept discutable certes, mais témoignage de la volonté de trouver une solution aux grands enjeux de la surpopulation, les villes nouvelles sont munies de tous les attributs des grandes villes. Évry était, jusque dans les années cinquante, un petit village agricole en bord de Seine parsemé de châteaux. En trente ans, la ville est sortie de terre, est devenue une préfecture, un évêché, s’est munie d’un pôle économique important comportant plus de deux mille entreprises, s’est munie d’outils éducatifs de haut niveau … que le beau côté des choses… ! Mais comme toutes ces villes qui ont grandi trop vite, elle est restée une banlieue ou l’insécurité est quotidienne. Je vous avoue que cette insécurité, je ne l’ai pas rencontrée. Par contre, ce qui est immédiatement perceptible en bavardant un peu avec les habitants, c’est la diversité culturelle, le mélange des niveaux sociaux et cultuels. L’histoire de la Cathédrale est significative de ce dernier point.
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La cathédrale
Monseigneur Herbulot, évêque d’Évry entre 1978 et 2000, décida et fit toutes les démarches de sa construction. Créant ainsi de nombreuses polémiques sur l’utilité de construire une immense cathédrale en plein centre-ville (les cathédrales sont toujours au centre de la ville) à une époque de déchristianisation et de pénurie de prêtres, le projet fut accordé à l’architecte suisse Mario Botta connu à travers le monde pour ses architectures en briques rouges et ses formes cylindriques. La construction a débuté en 1992 et n’a duré que trois ans. Quand on se souvient des travaux étalés sur plusieurs décennies pour les cathédrales historiques… cela nous laisse rêveur.
Financée par les pouvoirs publics, par l’Église et par une immense campagne de collecte publique où chacun pouvait contribuer sa cathédrale, elle fut inaugurée pour les fêtes de Pâques en 1995. Aujourd’hui, la Cathédrale d’Évry est totalement payée. Et l’ouvrage vaut le déplacement. Elle ne ressemble en effet à aucune autre. Le traditionnel plan en croix a été abandonné au profit d’un cercle symbole du rassemblement, de l’égalité et de l’unité. Son nom, « Cathédrale de la Résurrection, Saint Corbinien », évoque la fête de Pâques et, le nom du saint qui le premier est parti apporté le message évangélique en Bavière. Corbinien était originaire de la région d’Évry.
Elle ressemble à un gros tuyau tronqué fait de plus de 800 000 briques placées sur une structure de béton. Sur le toit oblique vingt-quatre tilleuls sont plantés dans d’immenses bacs munis d’arrosage automatique. Vingt-quatre arbres pour les vingt-quatre heures du jour, mais aussi en évocation des douze apôtres et des douze tribus d’Israël. Ces arbres sont le symbole de la vie, mais aussi de la résurrection puisque, chaque printemps, ils reviennent à la vie. Le toit, en forme de pyramide inversée symbolise, lui, la trinité. De nombreuses fenêtres sont percées dans les murs de l’édifice pour éclairer l’intérieur de manière différente à chaque position du soleil. Les cinq cloches sont extérieures et suspendues sur la façade la plus visible du cylindre. Elles sont donc visibles et sont surmontées de la croix, le symbole premier de la foi.
Trois entrées permettent de se rendre à trois niveaux de l’édifice. La principale nous conduit au niveau de la tribune et de l’orgue (lui aussi très moderne)où la vue sur le parterre en contrebas est exceptionnelle. On a l’impression de se trouver au niveau des loges d’une salle de concerts ultramoderne. La contenance d’un millier de places ne donne jamais l’impression de surcharge. Tout, au contraire semble aéré.Les deux autres entrées se font latéralement au niveau du rez de chaussée.
« L’accès au choeur, large de quinze mètres et derrière lequel se trouve un vitrail symbolisant un arbre, se fait par un déambulatoire avec des marches « au pas de l’âne », larges et peu élevées, éclairé par douze vitraux, œuvres de Kim En Joong, de douze couleurs, du gris au blanc, symbolisant les douze apôtres et la progression des ténèbres vers la lumière , mais pour l’artiste « une couleur ne correspond pas à un apôtre en particulier. On ne peut pas mettre un nom sur chaque vitrail » . Au-dessus de ce chœur, une volute accueille le musée Paul Delouvrier et le Centre d’art sacré. Au centre du chœur, l’autel est en marbre blanc de Carrare, son pied descend jusqu’au centre de la crypte où sont disposées vingt-quatre tombeaux pour les évêques du diocèse. À gauche du chœur le baptistère cylindrique, lui aussi en marbre blanc, permettant les baptêmes par immersion, pèse neuf tonnes.
Au fond de la nef, sous l’entrée principale au sud-est se trouve la chapelle de Jour, aussi appelée chapelle du Saint-Sacrement, de forme octogonale, symbolisant les sept jours de la semaine plus celui de la Résurrection. Elle est éclairée par un puits de lumière au levant derrière l’autel, le sol est couvert de dalles de granit noir polies et brutes dessinant un labyrinthe rappelant celui de la cathédrale de Chartres. La chapelle est meublée d’un autel et de sièges en chêne, elle est décorée par trois sculptures de Gérard Garouste, une Vierge à l’Enfant en fer forgé , un tabernacle et un Christ sur une croix figurée par un cep de vignes avec l’inscription gravée «Je suis l’alpha et l’omega» (Je suis le commencement et la fin).
Le mobilier de la cathédrale a lui aussi été conçu par l’architecte Mario Botta et réalisé en chêne de Bourgogne. La nef est décorée de diverses œuvres, au centre, dominant l’autel, une croix en tau d’acier noirci reçoit un Christ d’un mètre soixante-dix en bois sculpté au début du XXème siècle en Tanzanie et ramené par un missionnaire , à gauche, une Vierge marie du XVIème siècle d’un mètre vingt provenant de Chaource domine le baptistère, à droite, la statue de Saint-Corbinien en bronze , œuvre de France et Hugues Siptrott. Elle est complétée par sept tapisseries racontant sa vie. » (Wikipedia)
Statue de Saint-Corbinien
Le sentiment est dû à l’ampleur du volume. On pourrait croire qu’on se trouve dans une salle de spectacle si le choeur n’était pas muni d’un autel et dominé par l’immense Christ en Croix. Tel une gigantesque scène, le choeur permet tous les dispositifs et autorise tant les cérémonies cultuelles que les spectacles musicaux. Car cette surface est assez large pour conteir la totalité d’un orchestre symphonique et je me suis laissé dire que les autorités religieuses de la ville ne rechignaient pas à organiser concerts et manifestations culturelles au sein de la cathédrale.
Quelques années avant le démarrage de la construction de la cathédrale, en 1984, on commença à ériger une grande mosquée. Il faut dire que la population musulmane d’Évry est importante et qu’un lieu de culte moderne devenait indispensable. Pourtant la polémique éclata. On affirma que les deux grandes confessions rivalisaient de moyens et jouaient la surenchère. Il faut dire que la Mosquée D’Évry-Courcouronnes est non seulement la plus grande de France mais la troisième après celle de Rome et celle de Londres. Inaugurée quelques mois avant la cathédrale, elle fut financée par une collecte publique et par un riche cheikh saoudien. L’intérieur fut, quant à lui, financé par la Fondation Hassan II.
La mosquée d’Évry-Courcouronnes
Le bouddhisme n’est pas en reste à Évry puisque dans les mêmes périodes, on édifia aussi un temple vietnamien. La Pagode Khanh-Anh est aujourd’hui célèbre. Les premières études de saconstruction furent lancées en 1992. En 1995, le Grand Vénérable visita le terrain d’Évry qui recevrait la future grande pagode. En juin de la même année intervint la pose de la première pierre de l’édifice. Le 20 octobre 2002 on y installa la statue du Boudha dans la posture de la méditation. La première cérémonie eut lieu en 2004 et elle reçut la visite du Dalaï-Lama. Elle est à ce jour la plus grande pagode d’Europe.
La Pagode Khanh-Anh
… Une ville nouvelle, une ville moderne qui pourtant semble posséder une âme, un e âme qui veut affirmer son ouverture d’esprit et sa tolérance. Une ville ou certes tout n’est pas parfait, mais l’est-ce quelquepart? De toutes les manières, une ville décidément bien surprenante…!