Beau ou laid?

Je suis en train de lire le bel ouvrage consacré à l’histoire de la laideur sous la direction de célèbre Umberto Eco paru chez Flammarion en cette fin d’année 2007. Faisant suite à l’Histoire de la beauté poublié par les mêmes en fin 2004, les deux livres adoptent la même démarche: situer les critères du beau et du laid dans l’histoire de l’art des civilisations historiques et géographiques. Le sujet est trop vaste pour être traité de manière exhaustive, mais l’idée de lier les illustrations à des extraits de textes d’époque et de lieu est assez éclairante.

Ce sont d’ailleurs les deux grandes qualités de ces ouvrages car le commentaire écrit est parfois fade et réducteur (encore une fois, le sujet est vaste…!).

Les mêmes réflexions me viennent à propos des deux volumes. Que sont le beau et le laid? Quelle différence y a-t-il entre ces deux concepts tellement relatifs? Qu’est-ce que l’art? Si ces questions semblent récurrentes dans notre bas monde, sont-elles pourtant fondées? Ne faudrait-il pas plutôt se demander pourquoi une oeuvre nous émeut. On se rendrait alors compte que nous sommes profondément touchés par ce qui obéit aussi bien à la beauté qu’à la laideur.

En partant du principe que l’artiste est un homme qui exprime l’essence de son être, sa vision du monde, le reflet de son époque ou encore sa propre pensée spirituelle et philosophique, on arrive vite à ressentir que l’art est le reflet de l’humanité. L’humanité est-elle belle? Pas toujours à vrai dire. L’art n’a donc pas comme critère premier la beauté mais la transmission d’une émotion. Ce que les deux volumes montrent bien à travers leurs riches reproductions, c’est l’ambivalence des notions de beau et laid. Si la beauté réside dans la vérité émotionnelle, on en arrive à ce sophisme, ce paradoxe d’affirmer que ce qui est laid peut être beau. Socrate utilisait la formule "beau et bon" ce qui en clair veut dire que ce qui est efficace (bon) est forcément beau. Le musicien qui réalise une difficulté technique redoutable le fera efficacement avec le geste juste. Il ne s’agit pas de maniérisme gestuel, mais d’équilibre entre la résitance physique du corps face à un mouvement difficile et la contraction minimale pour le réaliser. On dira alors que son geste est beau car efficace.

L’oeuvre d’art obéit aux mêmes critères et "la beauté des monstres" (titre du chapitre 5 du premier volume) n’est donc un paradoxe qu’en apparence. Ce ne sont ni la beauté ni la laideur qui nous importent, mais l’effet que produit sur nous une oeuvre. C’est sa façon d’accéder aux archétypes qui font de nous des êtres humains. Tout cela plaide une fois de plus pour l’ouverture des esprits, la curiosité et la tolérance car comprendre l’art, c’est comprendre l’autre, donc accepter la différence. Oui, au delà de la beauté et la laideur, l’art rend l’homme plus humain…!

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