J’avais, depuis longtemps déjà, l’envie de parler, dans le cadre de ce blog, de la problématique de la culture dans la formation des enfants. Jean-Pierre Rousseau publiait hier « Culture et apparences » un message particulièrement lumineux sur le sujet (http://rousseaumusique.blog.com/2880222/#cmts). Je voudrais, à mon tour, vous livrer quelques réflexions résultant de mon expérience de père et d’observateur de la vie culturelle belge.
La question est simple, mais comme toujours la réponse l’est nettement moins. Comment amener les enfants à prendre conscience de l’importance de la culture dans leur vie actuelle et future ? S’il y a encore des gens qui prétendent que la culture est superflue dans la vie d’aujourd’hui, c’est qu’ils n’ont pas compris que le monde n’est pas que matérialiste. La culture est ce qui fait que nous avons un passé et un avenir au-delà de la simple possession de biens. Evidemment, la culture n’est pas une richesse mesurable au même titre que l’état d’un compte en banque. C’est pourtant un moyen non négligeable de s’orienter dans l’existence, de respecter l’autre et d’avoir ce plus qui nous rend humain. JPR mentionnait à ce sujet et à juste titre qu’à compétences égales, un employeur choisi toujours celui qui possède une solide culture.
Ceci étant dit, les moyens d’acquérir une culture sont nombreux, mais comment les faire parvenir à la conscience d’un enfant (et de l’adulte aussi d’ailleurs) ? Plusieurs « filières » doivent travailler de concert et se compléter.
La première est bien sur le milieu familial. La disponibilité culturelle des parents, leur intérêt pour ce qui constitue un contexte d’épanouissement des enfants au monde est essentiel. Il ne s’agit pas de gaver nos petites têtes blondes de cadeaux et de répondre à toutes leurs envies de possession pour les rendre heureux. Malheureusement, beaucoup de parents trouvent cette échappatoire pour « avoir la paix ». L’enfant devient alors capricieux et vit en constante comparaison avec les biens de son voisin. Cette solution de facilité conduit inéluctablement à un désintérêt grave pour ce qui n’est pas possédé. La télévision, idéalement objet de culture (et elle l’est parfois… les Niouzz, journal des enfants ou Matière Grise sur la RTBF), propose aux enfants des émissions entrecoupées de publicités, des « télés réalité » (pour les plus grands ?) qui n’ont de la réalité que le nom, qui ne montrent jamais que les jalousies, les envies et les frustrations des hommes, bref un voyeurisme malsain et surtout fort peu culturel. Vous le comprenez, les parents ont le devoir d’ouvrir les horizons de l’enfant, de l’emmener voir le monde et ses manifestations diverses, de lui raconter ou de lui lire dès le plus jeune âge des contes du monde entier, ils doivent lui parler et partager leur propres expériences. C’est moins facile, mais ô combien plus enrichissant pour tous !
La deuxième « filière » est forcément celle de l’enseignement. Le rôle de l’instituteur et du professeur est délicat. Leurs responsabilités en matière culturelle est énorme aussi. Les programmes scolaires laissent, c’est vrai, peu de place à l’éveil culturel. Le peu de temps qui y est consacré laisse souvent constater l’indigence du résultat. Il ne faut pas généraliser, mais rares sont les enseignants qui développent une vraie tactique. Pour ce faire, il faut s’impliquer, se dévoiler beaucoup et risquer parfois de perdre une autorité déjà bien malmenée (retour au rôle des parents). Dans l’enseignement primaire, les moyens accordés aux écoles sont pauvres. Parfois, la visite d’une exposition n’est possible qu’une fois par an (résultat des recettes d’un souper fromage ou barbecue)… La préparation à ces visites est souvent sommaire et inadaptées, le résultat sur l’intérêt de l’enfant est quasi nul ! Je ne jette pas la pierre au personnel enseignant qui n’est aucunement préparé à cela et qui se frotte aux terribles freins des familles et des enfants eux-mêmes.
La dernière filière est celle des acteurs culturels de notre société. Ils sont les mieux placés pour tenter la diffusion et l’approche de la culture. Ils le font d’ailleurs avec plus ou moins de succès (lire aussi les commentaires de JPR sur la gratuité des manifestations culturelles). Les visites d’expositions adaptées aux enfants (pas naïves pour autant), les concerts expliqués pour tous (Jeunesses musicales et Dessous des Quartes à l’OPL) et d’autres entrées vers le monde de la culture (stages de théâtre,…) se multiplient heureusement. Ils ne sont pas toujours relayés par les autres filières qui se débattent dans un quotidien parfois culturellement insoluble. C’est pourtant là, dans la proximité directe avec ces acteurs, que l’enfant en pleine formation va pouvoir trouver, explications et expériences à l’appui, le dénominateur commun qui l’unit au monde. Il se rendra compte que le théâtre est un miroir de la vie, que la peinture est un moyen d’émotion formidable, que la musique nous parle de nous, … Son imaginaire sera sollicité avec une force créative incroyable et la culture, petit à petit, deviendra une nécessité de la vie.
Ne rêvons pas, cela ne peut marcher que dans le cadre d’une « politique » générale, dans une optique utopique où le relais entre les différentes filières se ferait naturellement. Et même dans ce cas idéal, nous constaterions des échecs flagrants. Mais toute expérience de la culture échappe justement à l’apprentissage forcé. Il nous faut préparer nos sociétés à vivre la culture comme une nécessité, comme la raison de notre présence sur terre en un lieu et un moment déterminé et cela, c’est un changement de cap radical que le monde moderne n’est peut-être pas prêt à faire.