Vers l’universalité

 

Vous connaissez tous mon amour pour la musique de Sibelius. C’est vrai que je l’ai découvert tardivement et que je n’ai vraiment pris conscience de l’ampleur de son art qu’après l’avoir étudié assidûment. Les hasards des programmations des conférences m’ont un jour obligé à travailler sur ce géant venu du nord, considéré à tort, encore aujourd’hui, comme un compositeur national. Depuis que je l’ai rencontré à travers son œuvre, il ne me quitte plus. Il ne passe pratiquement jamais trois jours sans que j’écoute une de ses œuvres. Il est devenu, avec Bach, Beethoven, Schubert, Bruckner, Mahler et Chostakovitch un élément essentiel de mon émotion musicale.

 

La première période créatrice de Sibelius est marquée par une mise en valeur très nette de la grande épopée finlandaise : le Kalevala. Les premiers grands essais symphoniques du jeune maître nordique illustrent, dans Kullervo et la Suite de Lemminkäinen la volonté d’intégrer un folklore local dans les grandes formes musicales. Cette tendance trouve son point culminant avec la deuxième symphonie en 1901. D’autres influences sont très claires. La grande tradition germanique, particulièrement celle de Beethoven et de Bruckner, influence la forme et la construction de ces premières œuvres. Le nationalisme russe dont le compositeur trouve en Tchaïkovski le modèle le plus prestigieux, lui fournit un intense pathos éminemment reconnaissable.


 Vainamoinen le barde éternel

Vainamoinen, le Barde éternel du Kalevala


 

 

Pour la première fois, Jean Sibelius s’attaque au problème fondamental de son esthétique. Il lui faut fournir une œuvre originale répondant aux exigences nationales d’une part et satisfaisant un public international plus large avide d’émotion universelle de l’autre. Sa première symphonie est un mélange des nombreuses influences tirées du Kalevala et de la grande tradition romantique. C’est surtout un incomparable coup de maître. La composition proprement dite est entreprise en 1898. Le compositeur alors âgé de trente quatre ans trouve d’emblée un style organique qui caractérisera toute sa production à venir. L’œuvre est créée à Helsinki le 26 avril 1899 sous la direction du compositeur renforçant ainsi une réputation locale déjà bien établie. Cette œuvre, la plus abordable du cycle des sept symphonies, contribua également à la diffusion de son art à travers le monde.


 

Sibelius


 

L’allegro initial (Adagio ma non troppo- Allegro energico)  nous propose d’emblée une forme parfaite au service d’un romantisme intense dans une formidable orchestration. Un long solo de clarinette ponctué par un sourd roulement de timbale ouvre le mouvement. Deux thèmes contrastés s’enchaînent ensuite. Le premier est particulièrement tendu et pathétique, tandis que le second, plus rêveur, déploie des motifs lyriques aux bois. La variété des atmosphères, des sonorités et des tempi nous offre une musique qui ne ressemble en rien aux œuvres découvertes par Sibelius lors de ses études à Vienne et à Berlin. Seule une couleur slave témoigne des liens qui unissaient à l’époque la Finlande et la Russie.

 

Le poétique Lento (Andante ma non troppo-Lento), superbe deuxième mouvement, dégage une des plus belles mélodies de toute la production sibélienne. Ce sont les cordes avec sourdine et la clarinette qui construisent le thème. Parfois, une impression obscure, presque wagnérienne envahit l’espace sonore. Après un sommet d’intensité qui mobilise toutes les forces orchestrales, la conclusion reprend le thème rêveur et s’éteint dans le calme apaisé.


 

Paysage de Finlande


 

La troisième pièce (Allegro) est un scherzo très rythmique qui n’a rien à envier aux grandes fresques similaires d’Anton Bruckner. Une belle section médiane nous plonge dans une ambiance plus lyrique, presque pastorale.

 

La symphonie se termine par un mouvement pathétique qui reprend aux cordes le thème chanté par la clarinette dans le mouvement initial. Ce final « Quasi una fantasia » est de loin le plus dramatique de l’œuvre. Il se rapproche sensiblement du Tchaïkovski de la sixième symphonie ainsi que de Rachmaninov.

 

Aujourd’hui encore, cette symphonie nous impressionne par sa perfection formelle et son intensité expressive. Le langage musical d’un grand homme a vu le jour. Durant toute sa vie de créateur, il ne cessera de le perfectionner et de le rendre plus personnel. Comme Gustav Mahler, il rencontre dans l’orchestre symphonique la forme la plus aboutie de son émotion.


 

Sibelius Bernstein


 

Léonard Bernstein, dans ses derniers enregistrements pour DGG avec l’Orchestre Philharmonique de Vienne, me touche particulièrement. Outre la perfection souvent mentionnée de l’orchestre (qui pourtant n’était pas considéré comme spécialiste de Sibelius à cette époque), la passion et l’énergie vitale que place le chef dans toutes les phrases et leurs articulations, la mise en évidence des audacieuses couleurs de l’orchestration sont uniques. Dans ses derniers enregistrements (qui paraissent ces derniers temps dans une édition Bernstein du label jaune), chaque œuvre semble, pour le chef, une question de vie ou de mort. L’engagement est total. Souvent lent dans ses tempi, il privilégie une conscience du temps et une force dramatique inégalée. Un indispensable de la discographie sibélienne… !

2 commentaires sur “Vers l’universalité

  1. In n’est pas obligatoire de posséder des notions de solfège pour suivre ces cours. Si vous en avez, c’est un avantage pour la compréhension rapide de certains termes et notions, mais chaque fois que j’aborde un aspect théorique de la musique, je l’explique avec des termes simples et accessibles à tous. C’est, bien sur, l’un des premiers objectifs du cours.

    Apprendre à écouter et à ressentir la musique ne passe pas seulement par la théorie (qui est un moyen parmi d’autres), mais par une disponibilité totale de l’auditeur face aux nombreux aspects (histoire, philosophie et spiritualité, analyse musicale, …). En fait, et pour résumer, le cours s’adresse à tous ceux qui désirent faire de la musique une expérience humaine et un voyage au coeur de l’histoire de l’homme.

  2. Quelle connaissance du solfège faut-il avoir pour suivre vos cours à l’Université du 3e âge ?

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