Je ne suis pas un grand connaisseur en matière de musique d’orgue, mais j’aime bien, de temps à autres, écouter quelques grandes pages d’un répertoire d’une richesse inimaginable. Le roi des instruments offre en effet, tant au niveau des sonorités que des possibilités d’écriture (plusieurs claviers et un pédalier) une large gamme de pièces avec lesquelles seule la musique d’orchestre peut rivaliser.
Les œuvres du grand Bach sont évidemment la base de ce répertoire. Elles exploitent de toutes les manières possibles et imaginables les ressources de l’instrument, pardon, des instruments. En effet Bach a joué sur de nombreuses grandes orgues. Il était d’ailleurs d’abord organiste. C’est surtout dans cette fonction qu’il était reconnu par ses contemporains. Il était aussi expert dans le diagnostic des problèmes et de la maintenance de ces complexes instruments de musique. C’est dire l’autorité qu’il avait en la matière. Pourtant, il n’avait pas hésité à parcourir à pied une distance énorme pour se rendre à Lübeck, dans le nord de l’Allemagne pour recevoir l’enseignement de Dietrich Buxtehude (1637-1707). Ce que Bach allait y chercher reste encore aujourd’hui sujet à controverses (relire à ce sujet le petit texte sur ce Blog consacré à la rencontre de Lübeck : http://jmomusique.skynetblogs.be/post/6481390/bach-et-buxtehude ).
Dietrich Buxtehude
Toujours est-il que Buxtehude était originaire des régions frontalières de l’Allemagne et du Danemark. Il s’installa à Lübeck et obtint le poste de titulaire des orgues de l’église Sainte Marie après avoir épousé, selon la coutume, la fille de son prédécesseur Franz Tunder. C’est là qu’il fit toute sa carrière, instituant les fameuses Abendmusik, concerts du soir, prestigieux par la qualité de la musique qui y était jouée (malheureusement, toute cette musique qui mettait en œuvre des moyens considérables est désormais perdue). Les concerts étaient si connus que tous les musiciens d’Allemagne désiraient y participer ou, du moins, y assister comme on se rend à un pèlerinage. De fait, Buxtehude était devenu l’un des organistes les plus prestigieux de son temps et son génie de compositeur et d’interprète n’avait d’égal que sa foi luthérienne intense. Les candidats à sa succession furent nombreux, mais la condition du contrat qui obligeait le prétendant à aussi épouser la fille de l’organiste en découragea beaucoup (c’est du moins la légende !).
Eglise Sainte Marie à Lübeck
Toute la renommée de Buxtehude repose aujourd’hui sur quelques œuvres vocales (Membra Jesu nostri, par exemple) et sur son corpus de musique d’orgue. Cette dernière annonce clairement la musique de Bach. Elle se caractérise, en dehors des chorals harmonisés selon la tradition des contrapuntistes luthériens d’Allemagne du nord, par de grandes architectures sonores, de complexes fugues et de nombreuses inventions mélodiques, harmoniques et rythmiques usant d’une virtuosité nouvelle nommée le Stylus fantasticus. Bref, des moments de profonde méditation religieuse alternent avec une virtuosité toujours débridée et souvent spectaculaire.
Dans le superbe coffret de Cinq cd’s proposés par le label Ricercar, Bernard Foccroulle se fait le merveilleux chantre des cette musique toute particulière. Son jeu habite véritablement chaque partition. L’organiste belge (je suis assez fier d’avoir étudié l’analyse musicale avec lui au conservatoire de Liège), familier du répertoire allemand a soigneusement choisi les meilleurs instruments pour ses enregistrements et le box est enrichi d’un livret richement documenté qui nous permet de mieux comprendre cette musique et ses particularités. A signaler encore que Bernard Foccroulle ex-directeur du Théâtre de la Monnaie à Bruxelles et officiant désormais au Festival d’Art Lyrique d’Aix en Provence sera présent à Liège ce 20 décembre pour un récital de clôture de l’année Messiaen à la Salle Philharmonique…un rendez-vous auquel je ne pourrai malheureusement pas assister pour cause de …Fnac… !