Mahler à Wavre

 

 

Chaque fois que j’ai la chance de donner une conférence sur une symphonie de Gustav Mahler, je trépigne d’impatience et de curieuses angoisses me tenaillent. La question qui ne me quitte pas alors est celle de savoir s’il est possible en l’espace d’une heure et demie de faire un tour acceptable de cette musique qui possède tant et tant de facettes. 


 

Mahler chef d'orchestre


 

La réponse est chaque fois la même. Non, c’est non seulement impossible, mais c’est surtout inutile de même le tenter. Alors, comme d’habitude, il faut choisir … et donc renoncer. Ceux qui suivent mes cours savent (dans ces occasions, je ne suis pas limité par un programme ou un timing précis) qu’aller au fond de cette musique équivaut à en explorer non seulement le résultat sonore, mais aussi les différentes formes d’idées ou de pensées qui animent le compositeur. Cela nous conduit toujours aux frontières de la philosophie, de la spiritualité et de la psychologie. 

Car la musique de Mahler veut véhiculer, au-delà de sa forme musicale, une représentation du monde qui est celle de l’homme lui-même. Et celle-ci évolue avec son œuvre. La vision mahlérienne est évolutive. Chaque œuvre remet en cause la précédente tout en en étant la conséquence. Il est donc ardu d’évoquer la sixième symphonie lorsqu’on ne connaît pas les précédentes. C’est comme commencer la lecture d’un livre par son milieu. Je parle bien ici de l’explication de l’œuvre. Je ne veux surtout pas dire qu’on ne peut pas écouter ses œuvres dans le désordre. On en restera cependant souvent à une émotion spontanée, certes indispensable, mais rapidement insuffisante pour capter les subtilités de cette musique si riche. Lorsqu’on doit l’aborder avec un public dont on ne sait pas toujours l’étendue de sa connaissance du compositeur, il faut, à la fois laisser entrevoir ce que sont ses autres œuvres, mais aussi ne pas en dire trop pour ne pas s’égarer dans des propos insondables pour les auditeurs. Comme le but de ces séances est d’ouvrir des portes, et de fournir certaines clés indispensables à la rhétorique particulière de la musique de Mahler, il faut vite se concentrer sur l’œuvre en question. 

… Et encore ! Les symphonies sont si longues qu’il est impensable de les couvrir complètement lors d’une seule séance. D’ailleurs, dans le cadre du « Dessous des Quartes » de l’OPL où j’ai eu la chance d’en commenter trois (avec de merveilleux chefs d’orchestre ; A. Jordan, G. Herbig et M. Zilm), nous avions décidé de ne commenter que deux mouvements et de lancer des « ponts » vers les autres. Je me souviens toujours avec le plus grand plaisir de Gunther Herbig qui avait fait chanter le public le canon funèbre de « Frère Jacques » à quatre voix … et de manière tout à fait impromptue !
Mahler, Symphonie n°1, Marche funèbre


Enterrement du chasseur
 L’enterrement du chasseur ayant inspiré à Mahler la marche funèbre sur « Frère Jacques »


Dans mon métier de disquaire, on me demande souvent par quelle symphonie il faut commencer quand on doit aborder Mahler. Après de longues réflexions, j’en suis venu à conseiller de débuter par la première symphonie (même si il est tentant de proposer la cinquième qui est connue pour son Adagietto ou la quatrième qui semble la plus simple de toutes, mais ce n’est en fait qu’en apparence !), en l’agrémentant des lieder  du « Cor merveilleux de l’enfant » (Das Knaben Wunderhorn) dont les mélodies et les textes sont souvent cités dans les premières symphonies. Ainsi, comme on débute un livre par son premier chapitre, on commence l’aventure de Mahler par son commencement. On évolue ensuite avec lui, naturellement, en bref, on suit le parcours de la vie. 

Cela tombe bien, finalement, de donner une conférence aujourd’hui sur la première « Titan » à Wavre. Cela permet d’aborder le premier chapitre et de poursuivre alors les saisons prochaines le parcours et l’aventure étape par étape. 

En mai dernier, j’avais placé sur ce Blog un texte résumant cette première symphonie. Ceux qui voudraient le relire peuvent cliquer sur ce lien : http://jmomusique.skynetblogs.be/post/5920473/mahler-un-titan-bien-singulier  cela devrait vous permettre un aperçu de cette œuvre géniale. Mais si vous en avez la possibilité, venez écouter la conférence, car rien ne remplace jamais le contact direct et la transmission orale d’une passion.