Violon intérieur

 

 

« Un doigt pointe vers la lune, tant pis pour ceux qui regardent le doigt » Proverbe bouddhique.

 

En ces temps de Concours Musical Reine Elisabeth de Belgique, vous êtes nombreux à me faire part de vos commentaires sur la qualité de l’un ou l’autre des finalistes en compétition. J’ai déjà dit, par ailleurs, que les concours ne m’intéresse que musicalement. Les classements et les spéculations sur l’éventuel « meilleur » me semblent absurdes, mais c’est effectivement l’engouement populaire qui veut absolument un héros, une vedette. Tout est d’ailleurs fait en ce sens par les médias qui consacrent, sur Musiq’3 en radio, Arte Belgique et La Deux en télévision une large couverture de l’événement. On peut cependant s’interroger sur l’opportunité « poudre aux yeux » des reportages et interview des artistes en sortie de scène. On a tendance à vouloir des vedettes partout. En témoigne encore la couverture médiatique exceptionnelle du récent décollage de Baïkonour de la fusée Soyouz avec à son bord…un astronaute belge !


 

violon


 

Dans le même esprit, on est en droit de se demander de qui est formé le public qui remplit la Salle Henry Le Bœuf du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles tous les soirs de cette semaine. Il faut dire que cela fait bien d’y être au moins un soir de la semaine. C’est vrai, le concert en direct vaut mieux que la retransmission parfois faussée par les balances des ingénieurs du son et les plans des cameramen. Mais je suis tout de même fort surpris que ces mélomanes avertis (c’est comme cela qu’ils se présentent) ne savent pas qu’on n’applaudit pas entre les mouvements d’un concerto ! A moins qu’ils n’aient pas écouté la prestation et qu’émergeant d’une léthargie prononcée sous l’effet d’un trait final particulièrement éloquent et bruyant, ils ne croient que l’œuvre est finie. Il faut alors être le premier à crier « bravo », applaudir à tout rompre et même se lever en une « Standing Ovation » de circonstance. … A moins encore que ce ne soient pas de vrais mélomanes et qu’ils ne connaissent pas l’œuvre jouée (Tchaïkovski !, Chostakovitch !)… Ainsi, je me demande comment, en toute honnêteté, on ose manifester ainsi un enthousiasme tapageur pour quelque chose qu’on ne connaît pas ou qu’on n’a pas écouté. Des œuvres d’une ampleur telle que le premier concerto de Chostakovitch doivent être senties de longue date pour être jugées par le public comme valides ou non. Et encore, faut-il juger ? C’est l’affaire du jury, pas la nôtre !

 

Mais trêve de polémiques. Tous les spectateurs du Concours ne sont pas des snobs, loin de là ! Alors, pour ceux-là, et peut-être pour les autres aussi, je vous propose un livre essentiel pour la compréhension de ce qu’est la pratique d’un instrument de musique en général et du violon en particulier. Il s’agit du « Violon intérieur » de Dominique Hoppenot aux Editions Van de Velde.


 

Hoppenot, Violon intérieur


 

« Basé pour l’essentiel sur l’acquisition d’automatismes à travers des processus répétitifs, l’enseignement traditionnel de la musique provoque, par sa nature même, la plupart des frustrations et des échecs vécus par les instrumentistes à cordes et, en particulier, par les violonistes. On oublie trop souvent que jouer d’un instrument, interpréter de la musique, mobilise à la fois le psychisme et les ressources corporelles, et met en jeu l’être tout entier.

 

Dans « Le violon intérieur », fruit de sa longue expérience pédagogique, Dominique Hoppenot projette un éclairage complètement nouveau sur cette problématique et comble les attentes de ceux que la pratique instrumentale a laissés insatisfaits. Sa démarche rigoureusement cohérente intègre chaque aspect du jeu dans une unité intangible. Elle propose un travail de l’intérieur dont tous les composants seront analysés avec une ferveur et une lucidité rares : l’importance et le respect du corps, le rôle de la conscience de soi, la nécessité du plaisir, le rapport pédagogique centré sur l’élève, tous les sujets abordés concourent à une réalisation instrumentale et musicale en harmonie avec le besoi
n de réalisation de soi-même auquel chacun aspire, au moins dans l’inconscient.

 

Il s’agit d’un livre précurseur dont l’originalité comblera les uns, dérangera les autres, mais dont le contenu sera demain l’évidence pour celui qui cherche et… se cherche ». Notice arrière de l’ouvrage.


 

Stradivarius


 

L’ouvrage date de …1981 et depuis, bien des choses ont changé dans la perception et l’appréhension de la technique instrumentale, mais ce qui est sur, c’est que l’approche de Dominique Hoppenot a fait des adeptes dans le monde entier, grâce à la clarté et l’évidence de ses propos que dans le talent et l’intelligence qu’elle a pour transmettre une profonde réflexion sur l’acte du violoniste et les raisons du musicien. La lecture de cet ouvrage permettra à plus d’un de revoir son audace de jugement à la baisse et de ne pas considérer qu’un Stradivarius ou un Amati est la solution à tous les problèmes du violoniste. Revenons donc à la raison, écoutons la musique pour ce qu’elle a à nous dire, par pour la beauté de la robe de la finaliste, son superbe violon, la nationalité et le nom du compositeur qu’elle joue.


 

Stradivarius atelier
 Stradivarius dans son atelier


 

Regardez donc la lune, pas le doigt qui la pointe et, comme j’ai commencé avec une citation, terminons par ces deux anecdotes. La première concerne le grand Heifetz qui avait répondu à une dame qui vantait la sonorité de son violon : « tenez, jouez-en ! », la seconde est due à Szeryng qui, après un concert très applaudi et annonçant comme bis la Chaconne BWV 1004 de Bach (un quart d’heure de musique géniale, un vrai cadeau pour le public !) avait demandé à un monsieur qui regardait sa montre avec impatience s’il avait un train à prendre…

Un avis sur “Violon intérieur

  1. J’ai bien aimé comme la violoniste japonaise (Kishima) a dompté les tousseurs d’hier en enchaînant les mouvements de la sonate de Prokofiev… (un grand moment de musique d’ailleurs)…
    Ca m’énerve ces concerts de toux qui commencent dès la fin d’un mouvement… A croire que le public vient au concert pour tousser… (Je crois que j’aime encore mieux un bon râclement de gorge solitaire en pleine passacaille du Chostakovitch 1… c’est dire…)

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