Hors du temps!

Vous le savez déjà, je suis un grand amateur des interprétations du chef roumain Sergiu Celibidache dans la musique de Bruckner. Ses détracteurs argumentent sur la lenteur des tempi et accusent, à mon avis à tort, son orchestre de lourdeur. Je crois que cette version du premier mouvement de la septième symphonie avec l’Orchestre philharmonique de Münich peut contribuer à revoir les a priori.

Le temps brucknérien est très particulier, à la fois tragique (mortifère) et méditatif. Cette prise de conscience du temps se produit toujours lors des débuts de symphonie, quand, d’un frémissement originel, nait le premier grand thème. Comme issu du vide primordial (ou du sein de Dieu pour Bruckner le fervent croyant), il englobe d’abord les consonnances avant de se plier de manière tragique aux souffrances de l’existence. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. La musique est une paraphrase de la vie, depuis ses débuts jusqu’aux conquêtes les plus spirituelles qui se concrétisent par un grand choral. Mais les tribulations de l’être, à l’intérieur de ce segment temporel qu’est la vie est l’expression même du compositeur avec ses doutes et ses espoirs.

le tempo adopté par Celibidache reflète avec justesse cette forme de mysticisme (que certains regrettent) et de philosophie supérieure (qu’on a voulu nier à cause de son aspect « campagnard »!). Toujours est-il que loin de rendre cette musique traînante au point d’étouffer les phrases musicales, Celibidache leur donne une transparence extraordinaire que les champions de la vitesse escamottent allègrement. Le résultat est stupéfiant et justifie, à lui seul, les théories des grands philosophes qui prétendaient que la musique concentre en son sein l’essence du monde, de la vie, de la mort.

Dans les textures sonores, écoutez comme on entend toutes les subtilités du contrepoint et des contrechants. Tous les timbres sont précis et structurés de manière magistrale. Lourdeur? Non pas! Couleur!

En cette fin de semaine, prenez le temps d’écouter cette demi heure de musique. Et si vous en voulez plus encore, allez-voir sur YouTube.com, il y a une version de la même symphonie avec Celibidache, mais avec l’Orchestre philharmnique de Berlin (malheureusement, on ne peut pas la reproduire sur un blog!). Elle est encore meilleure avec les berlinois dont la précision technique est vraiment redoutable. Bref, un tout grand moment de musique!

 


 

 

Un avis sur “Hors du temps!

  1. La 3e de Beethoven résiste très bien aussi au style Celibidache! Je l’ai écoutée hier soir et l’ai réécoutée aujourd’hui. Près d’une heure pour la 3e est-ce bien raisonnable? Certes non. Mais la 3e de Beethoven justement n’est pas « raisonnable ». Lent Celibidache oui mais jamais lourd: cela chante, c’est souple, cela peut être tragique comme dansant. Si lente soit cette 3e, le temps passe cependant bien vite en telle compagnie et on se surprend à écouter les accords finaux en se disant que la fête est déjà finie…De quoi donner envie de galoper (..tsss pas trop vite..) vers ses Bruckner.

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