Violophone

Violophone ? Violophone ou si vous préférez, violon-trompette ! Voilà un instrument que je ne connaissais pas avant qu’une auditrice d’un de mes cours ne m’amène, hier, cet étrange instrument hybride. Le présentant comme un objet inconnu pour elle aussi, mais hérité de son père qui l’aurait peut-être fabriqué, voir inventé, ma curiosité, piquée au vif, a vite repéré le mode de fonctionnement de l’appareil, j’y reviens. Ayant assuré la dame de mon intérêt pour l’instrument, je me mis donc à faire quelques recherches sur internet une fois à la maison.


Violophone 1


 

En fait, cet instrument est rare, mais n’a pas été inventé récemment, il fait partie de toutes ces expériences assez comiques de croisement entre les instruments de musique de familles différentes. Ainsi, ce violophone est un mélange entre le violon, qui l’eut cru, et un cuivre dont la taille du pavillon fait effectivement penser à une trompette. Mais si la trompette est l’instrument le plus aigu de la famille des cuivres, le violon l’est aussi chez les cordes. L’alliance est donc correcte pour la tessiture. Inventé dans le courant du XIXème siècle, l’instrument a quasiment disparu, non seulement par manque de répertoire, mais aussi à cause du son bien étrange qu’il produit. On le retrouve encore parfois chez certains musiciens de rue et des antiquaires ou brocanteurs.



 

 

Le violon à pavillon, puisque c’est son nom, ou vioara cu goarna en roumain, est un instrument à cordes frottées rare que l’on trouve surtout en Transylvanie, typique de la région de Bihor. On l’appelle parfois violon à cornet, violon à entonnoir ou violon stroh (stroviol) du nom de son inventeur Augustus Stroh (1828-1914). Il semblerait cependant que la paternité de Stroh soit remise en doute par la découverte d’instruments plus anciens et éloignés de la Roumanie. On raconte encore qu’il airait été suggéré aux musiciens de Bihor par le gramophone utilisé par Bartók pour enregistrer ses chants populaires … !


Gramophone
 Phonographe Victor V, 1907


 

C’est donc un violon dont la caisse (qui n’est pas ici de résonnance) est en bois plein et remplacée par une caisse ronde contenant une membrane de téléphone reliée à un pavillon de clairon, soit le même principe que celui du gramophone inventé par l’allemand Emile Berliner en 1886. La membrane amplifie les vibrations des cordes transmises par le chevalet en bois ou en métal en les transmettant, par l’intermédiaire d’une tuyauterie à l’entonnoir, produisant alors un son très nasal censé être entendu de plus loin.


Violophone, Violon à pavillon


 

Si l’instrument est pratiqué le plus souvent par des paysans amateurs en solo, il est aussi utilisé dans des ensembles lors de fêtes. Dans les années 1920-30, il eut son heure de gloire au sein de certaines formations de jazz aux Etats-Unis et en Europe. Instrument hybride par excellence, il ne fait presque jamais partie de l’instrumentarium des musiciens classiques à l’exception d’une œuvre d’Erwin Schulhoff, l’un des compositeurs que les nazis condamnèrent comme un « dégénéré », nommée « Susi », Fox-Song pour violophone ou saxophone et piano dont je n’ai trouvé sur You Tube qu’une version pour Tuba que je vous épargne aujourd’hui ! 

Mais il existe des variantes de cet étrange instrument plus cocasses les unes que les autres. Ainsi ce Strohcello moderne dont on se demande bien l’utilité …


 


 

Et encore, ce savoureux duo de phonofiddle (Fiddle désignant en anglais un violon des rues, un crincrin) qui ne date pas d’hier mais qui fait encore sourire aujourd’hui. Bon week-end à tous !