Vous le savez, je suis un défenseur infatigable de la musique et de l’art. Pour moi, je le dis bien souvent, les œuvres représentent un message de la plus haute importance d’abord pour nous, individuellement, puis pour la société dans sa globalité. De là à tomber dans certaines formes d’extrémismes ridicules, il y a un pas à ne pas franchir. On le sait, les attitudes extrêmes provoquent bien souvent les effets contraires que ceux que l’on désire en manifestant une autorité déraisonnable. Ainsi d’une certaine catégorie de personnes qui voudraient que l’art soit sacré, donc réservé aux initiés.
Cette sacralisation de la musique et du concert, poussée au plus loin d’un rituel : « ne surtout pas déranger le génie qui se produit devant nous et troubler la parole du créateur », me fait m’insurger contre ces messages distillés lors de la finale du Concours Musical Reine Elisabeth qui se déroule pour l’instant au Palais des Beaux-arts de Bruxelles. La présentatrice ne manque pas, sur l’ordre de la direction du concours de recommander au public de ne pas tousser ! Mais s’il est un fait étrange que lors de chaque pause entre les mouvements d’une œuvre, les gens se mettent à tousser de manière étrange et contagieuse, la toux lors de l’interprétation est bien souvent un phénomène inattendu pour la personne qui en est victime. Il m’est arrivé de ne pas pouvoir retenir une quinte de toux lors d’un concert, je vous assure qu’on se sent mal ! Alors, veillons, effectivement à ne pas tousser de manière intempestive, mais croyez-vous qu’il y ait des gens qui le font exprès pour distraire les musiciens ?
En fait, les messages de silence rituel sont de plus en plus contraignants. Si tout le monde accepte la légitimité de mettre les téléphones portables sur mode silencieux, il est plus délicat de demander aux spectateurs de ne pas tousser. Mais dans cette optique, il faudrait aussi demander de ne pas ronfler (si, si, il y en a !), de ne pas éternuer, de ne pas produire de gargouillis d’estomac, de ne pas respirer, … de ne pas vivre ! Quand Mozart ou Beethoven se produisaient en concert, les auditeurs déambulaient, mangeaient, parlaient et partageaient leur impression en direct.
Palais des Beaux-arts à Bruxelles
Cela ne les a pas empêché d’interpréter leurs œuvres avec brio, la presse s’en souvient. Alors, sans vouloir revenir à cette anarchie des salles de concert, n’exagérons pas dans le sens inverse. Les « temples de la musique » comme on les nomme encore à la RTBF ne sont pas des lieux de culte, mais des lieux de vie. On y vient pour vivre car la musique est l’art de la vie, tout simplement. Ce n’est pas en continuant à faire des salles de concerts des temples élitistes avec leurs protocoles élitistes d’un autre âge qu’on attirera les jeunes vers les concerts classiques. Certains l’ont compris. D’autres ont encore beaucoup de chemin à parcourir en ce sens. Tout cela manque, en fait, de simplicité et la musique, comme toute approche de l’art, doit partir d’une simplicité première dégagée de ses lourdeurs guindées.
Un étouffeur de toux!
Je vous le concède, lorsqu’on souffre d’une bronchite ou d’un mauvais refroidissement, on évite de se rendre au concert … normalement ! Cependant la toux, comme l’éternuement ne sont pas toujours prévisibles. Et s’il m’arrive d’éternuer ou de tousser malgré moi, je chercherai à le faire discrètement, certes, mais je trouverais malvenu qu’on me le reproche. Avez-vous déjà écouté des enregistrements publics russes des années soixante ? On y tousse tout le temps. Il faut dire qu’à Moscou en plein hiver, les rhumes ne sont pas rares. Croyez-vous que les Richter, Gilels, Oïstrakh ou Rostropovitch étaient incommodés par ce fait-là ? Pas le moins du monde … Alors pourquoi culpabiliser les gens à cause de leur toux ? A quand le certificat médical de bonne santé pour accéder aux concerts ? Inadmiss
ible !