A la suite de mon billet d’hier qui vous invitait à participer à un concours d’écoute à l’aveugle à la Fnac de Liège le 30 octobre prochain, j’aimerais revenir sur ce que de nombreuses personnes considèrent comme une contradiction typique de notre époque, les notions, pourtant complémentaires, de commerce et de culture, un débat bien loin de s’éteindre il me semble. Je devine le sourire malicieux et sceptique de certains lecteurs face ce paradoxe contemporain, ce que d’aucuns nomment le nivellement par le bas et qui, malheureusement, semble trop souvent envahir notre quotidien. Sommes-nous impuissants face à ce phénomène?
Je suis très mal placé pour aborder un tel sujet mais il faut reconnaître que la Fnac reste à ce jour, la seule enseigne commerciale en Belgique à encore miser sur l’aspect didactique de l’approche musicale (culturelle au sens plus large). Attention, ô sempiternels détracteurs, ne me faites pas dire ce que je ne dis pas ! La Fnac est avant tout un magasin dont l’objectif est de faire du bénéfice et les lois du commerce y règnent forcément. Faire du bénéfice avec les produits culturels ? Cela reste encore l’objet de discordes chez les idéalistes (ne le sommes-nous pas tous ?). La culture, qui, par essence, devrait être accessible à tous est devenue un produit qui se vend, qui se manipule, qui se dissimule derrières des multinationales immenses dont le souci culturel se résume bien souvent à remplir les poches d’actionnaires toujours plus gourmands.
Ce phénomène ne date pas d’hier et les arts ont toujours rapporté beaucoup d’argent à ceux qui exploitent sa commercialisation. N’est-ce pas déjà dans cet esprit que les premières maisons d’opéras et les salles de concerts ont vu le jour au XVIIIème siècle ? N’est-ce pas, en partie, un but commercial qui a porté les castrats à la célébrité? N’est-ce pas même une démarche commerciale qui, à l’époque galante, voudra simplifier la musique pour la rendre accessible à un public qui achète sa place de concert et consomme (le mot est à la mode) partitions, instruments et accessoires? N’est-ce pas enfin un argument de vente que de développer le culte des virtuoses romantiques adulés par un public tout prêt à dépenser ses économies pour voir un Liszt, un Paganini ou un grand opéra de Rossini ? Alors, l’idéal d’une culture accessible à tous gratuitement est encore, malheureusement, bien loin de se réaliser aujourd’hui, même si de nombreux efforts sont faits par les acteurs du monde culturel.
C’est pourtant dans ce but là qu’une petite part des activités de la Fnac de Liège persiste. En organisant depuis plus de quinze ans des initiations à la musique classique, des conférences, des mini-concerts, des rencontres avec des artistes de tous les horizons et des séances de dédicaces dans tous les domaines de la culture! Toutes ces activités sont gratuites et l’ont toujours été. Les mauvaises langues diront que c’est seulement un procédé commercial parmi d’autres, mais je crois que c’est bien plus que cela.
En ce qui me concerne, chacune de mes interventions dans le cadre des activités culturelles, des rencontres ou encore des « conseils » en magasin ou des sélections de titres susceptibles d’aider à découvrir le monde de la musique classique font partie aussi d’une vue bien plus large. Miser sur la culture aujourd’hui, c’est un défi qui, pour beaucoup, semble malheureusement d’arrière-garde. C’est tout le contraire pourtant ! Et les succès engrangés par l’Orchestre philharmonique de Liège ou l’Opéra royal de Wallonie dans la diffusion de la musique pour tous est là pour en témoigner. Le slogan actuel de l’OPL, « La musique est en vous », en dit long sur la volonté de faire germer en chacun cette étincelle musicale qu’il possède. Dans le même esprit, la fréquentation exceptionnelle des conférences « musique classique » de la Fnac démontre le niveau de la demande. Vous le voyez, il n’est pas question de paternalisme ni d’assistanat culturel dans de telles démarches, seulement d’éveiller l’intérêt pour la culture et apprendre à mesurer son importance réelle dans notre vie.
L’OPL devant des milliers de spectateurs lors d’un concert gratuit pendant les Fêtes de Wallonie à Liège.
Car le danger est bien là. A force d’accompagner, à force d’assister, on finit par orienter, par décider à la place de la personne concernée. Ce travers, dans lequel sont tombées toutes les idéologies culturelles, politiques ou spirituelles a mené à un résultat inverse à celui théoriquement attendu. Plutôt que de s’épanouir, l’individu se ferme, a peur, se fige et souffre. Le paternalisme et l’éducation forcée ne sont donc pas de bonnes solutions. Tout est dans la manière de faire et là, force est de conster les déficiences de notre système éducatif. Que ce soit à l’école ou en dehors, les exigences du monde actuel détournent les individus de cette culture qui est pourtant la base de son identité. Imposer un système de vie unique (way of life) pour tous est une grave erreur qu’on fait passer pour l’alpha et l’oméga de la démocratie. Une seule et unique manière de vivre ferme les horizons et génère l’incompréhension face à la différence d’autrui. Il en résulte de l’intolérance, de la haine et de la diabolisation. On le constate tous les jours au sein de notre société, les gens comprennent de moins en moins les autres. Les périodes de crises économiques et politiques favorisent alors les regroupements par clans, castes, … qui, par essence, rejettent la différence de l’autre.
Mieux vaut une proposition. Proposer sans imposer, expliquer, relier la culture à la vie pratique de tous les jours, décomplexer et offrir l’occasion de la découverte, voilà un programme bien plus efficace. Sans contrainte et en ayant à tout moment le choix de s’en aller, de faire marche arrière. Ainsi, l’individu aura, à portée de main, des outils efficaces. La prise de conscience est le premier but à atteindre. Est-ce un leurre, une utopie? Peut-être, mais qui ne vit pas avec ses espoirs. Rêver, se battre pour réaliser ses rêves, même utopiques, c’est bien là la preuve que nous sommes vivants.
Parce que non et non, décidément, non! La musique n’est pas réservée à je ne sais quelle élite sociale et culturelle! Si certains veulent encore jouer sur ce tableau là, ils sont non seulement rétrogrades mais, ils contribuent surtout à l’appauvrissement de l’être humain. En ce qui me concerne, je serais bien incapable de participer à cette caballe organisée. Elle s’oppose avec violence aux fondements mêmes de ma pensée. Quand aujourd’hui on me demande ce que je fais encore à la Fnac alors que je pourrais tenter de « donner un autre envol à ma carrière » (un terme déplorable d’ailleurs), je réponds invariablement que le travail didactique doit se faire à la racine, dans le vrai monde, dans celui de la majorité de nos semblables, de ceux qui, par les difficultés de la vie ont oublié ou n’ont pas encore eu le temps de regarder vers la musique. Et cela, c’est une expérience humaine irremplaçable.
cette page concernant ta vue personnelle (écrite sans doute à Heiligenstadt) de la liaison entre la culture et le lucre m’a laissé sans voix. Pour ne pas encenser complètement la FNAC j’aimerais tout de même ajouter un sérieux bémol à propos de la FNAC de LLN où on n’attache aucune valeur à ces conférences que tu donnes devant les caisses enregistreuses et entrecoupées des annonces pour le matériel de la semaine. Cette politique louable semble donc une primeur (de plus) de la FNAC de Liège et ne fait apparemment pas partie de la stratégie globale du groupe. Il est reconnu que le m2 coûte cher à LLN, mais il est impardonnable de ne même pas publier le programme de tes conférences réservées à quelques initiés. Etant donné le succès de ton blog, cette mise au point devait être faite. Bravo en tous cas pour ta persévérances et de nous communiquer un peu ta passion pour la musique.
VOICI UNE BELLE..TRES BELLE PROFESSION DE FOI QUI A LE MERITE DE CONFORTER TOUS CEUX QUI PENSENT COMME VOUS…RECONFORTANT !!