Il y a quelques mois, je découvrais un poème symphonique peu connu de Sibelius "la Nymphe des bois" op. 15 inspiré d’un poème éponyme de A. V. Rydberg.
Si les créatures fantastiques ont toujours déclenché un mélange d’attirance et de méfiance chez l’être humain, Sibelius est parvenu dès sa jeunesse, l’oeuvre date de 1895 soit 5 ans avant sa première symphonie, à en sublimer les effets sensuels et maléfiques.
Le poème original comporte quatre strophes en progression dramatique continue et le compositeur structure donc sa pièce en quatre sections strophiques. La première décrit le héros à l’aide d’un hymne quasi national influencé par le Wagner des "Maîtres chanteurs". La deuxième, par un modernisme rythmique saisissant et une orchestration digne de ses dernières oeuvres, semble décrire le monde enchanté du vent, de la forêt et de ses créatures imaginaires (gnômes, …). La troisième, une des mélodies les plus sensuelles et impressionniste de la musique nordique, figure le chant d’amour funeste de la nymphe incarnée dans un violoncelle solo. Enfin, la dernière section est funèbre. En un long crescendo douloureux, elle traduit le désespoir du héros happé par la nymphe et désormais privé du monde. Il aspire à la "rédemption" et à la mort. La conclusion clâme de grands accords puissants en rythme pointés à la manière de Bruckner.
Outre la passionnante écriture de Sibelius et la justesse des images poétiques, la Nymphe des bois est surtout remarquable par son modernisme harmonique et rythmique. C’est en fait le temps musical qui est traité ici de manière novatrice. Mouvement et immobilité sont continuellement présents à l’image de la langue finnoise qui possède, par son utilisation abondante d’affixes, la possibilité de nommer en un seul mot des états transitoires.
La musique de Sibelius, en trouvant ses racines dans le Kalevala, récit fondateur de la Finlande, fait un usage intensif d’accords harmoniquement transitoires, redondants en apparence, et de rythmes complexes oscillant en décalage sur des pédales classiques. Le résultat est sublime, le temps semble se suspendre et nous transporter au delà de notre monde, une vraie expérience existentielle. A découvrir absolument.
Il n’existe, à ma connaissance, qu’une seule interprétation discographique de ce poème symphonique éditée chez BIS avec l’excellent Orchestre symphonique de Lahti dirigé par Osmo Vänskä. Peut-être aurons-nous un jour la chance de l’entendre en concert avec l’OPL…?
Pour le moment, j’écoute en boucle la cantate « L’Origine du Feu »… et je dois dire que c’est une des meilleures partitions de Sibelius… Il y a notamment un passage extraordinaire: le chœur scande une mélodie « hachée » et ça vous envoie dans un autre monde…
C’est bien pour ça que je trouve Sibelius bien supérieur (c’est très subjectif évidemment) à beaucoup de compositeurs du XXème; cette capacité à créer un monde unique…
Tout simplement mon poème symphonique préféré de Sibelius…
En parlant de Sibelius, écoutez donc ceci… Une reprise plutôt fidèle de la chanson patriotique « Har du Mod… » par un groupe de musique gothique médiévale français… Gaë Bolg…
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C’est à peu près la première fois que je trouve une reprise valable d’un morceau classique par un groupe de notre temps…
Je veux dire: l’esprit est conservé, sans pour autant que ce soit plan plan…