Le monde musical a perdu le 25 septembre dernier l’une de ses figures les plus attachantes. La grande pianiste espagnole Alicia de Larrocha (1923-2009) nous a quitté en nous laissant, il est vrai, une bonne quatité d’enregistrements de référence.
Son art du piano decendait en droite ligne de Granados qui avait enseigné l’instrument à sa mère et sa tante à Barcelone. Dès son plus jeune âge, son attirance pour le répertoire espagnol (Granados, Albeniz, de Falla, Mompou, …) semble tout naturel. C’est cependant en interprétant Mozart (qu’elle jouera admirablement toute sa vie), dont elle interprète le concerto « du Couronnement » à l’age de onze ans avec l’orchestre de Madrid qu’elle se fait connaître. Elle étudie alors assidûment les oeuvres de Bach, des classiques ainsi que de Chopin, Schumann et Liszt.
Schumann, Intermezzo et Final du Carnaval de Vienne
Malgré la petite taille de ses mains (Alicia de Laroccha mesurait à peine un mètre cinquante), elle parvient, grâce à de l’acharnement et à une position haute face au piano, à jouer certaines oeuvres de Rachmaninov qui demandent pourtant de grandes mains bien écartées. Cela ne l’empêchera pas de recevoir de nombreux prix discographiques et de faire une carrière exemplaire.
Elle se résignera avec douleur à ne plus interpréter des oeuvres aussi délicate pour sa morphologie. Mais c’est aussi tant mieux pour nous. Lorsqu’elle prend vraiment possession du répertoire espagnol (qui comporte lui aussi des oeuvres aux écartements très difficiles), elle le porte à un tel niveau qu’elle en devient l’interprète incontournable. Parallèlement, elle enregistre l’intégrale des sonates de Mozart et de nombreux autres classiques.
J’ai découvert cette interprète merveilleuse avec le recueil Iberia d’Isaac Albeniz. Elle est littéralement la seule à parvenir à placer cette musique au rang des chefs d’oeuvres de Debussy. La richesse des couleurs, les rythmes endiablés ou les mélodies sensuelles deviennent bien plus qu’un musique nationale à couleur locale. C’est du grand art, impossible à éviter.
Son intériorité dans les musiques de Frederico Mompou, sa capacité à stopper le temps dans ses infinies méditations sont irremplaçables et ouvrent des perspectives incroyables sur un compositeur trop négligé. Manuel de Falla, qui trouve aussi sous ses doigts, toutes ses lettres de noblesse se révèle l’un des grands du XXème siècle.
Mais elle eut aussi la chance et le privilège de travailler avec Francis Poulenc avec qui elle put jouer avec le maître, le célèbre concerto pour deux pianos.
Il n’est que justice qu’elle ait reçu le célèbre et très envié Prix Prince des Asturies en 1994 pour récompenser l’ensemble de sa carrière et l’apport essentiel à la diffusion de par le monde de la culture espagnole. Alors, on peut lui souhaiter un bon repos en écoutant la musique des anges, mais avec le tempéramment qui était le sien, elle ne sera certainement pas du genre à se laisser bercer! Adiós y muchas gracias Señora!