Le fait de la semaine est sans conteste la remise du Prix Nobel au président américain Barack Obama. La nouvelle a soulevé l’enthousiasme des uns et la réserve ou la méfiance des autres. Je ne vous cache pas que j’ai été, moi aussi, surpris de cette décision du comité Nobel, mais que, une fois passé l’effet d’annonce et y avoir un peu réfléchi, je trouve que c’est une bonne décision remplie d’espoir pour l’avenir. Sans tomber dans l’angélisme et le manichéisme, voici quelques uns de mes avis sur cette décision aussi inattendue que déroutante.
Car c’est un des éléments déterminants que d’avoir repéré chez le président des USA une orientation toute nouvelle de la vision intérieure du pays et une approche toute différente de la politique internationale. Il faut dire que le principal argument des détracteurs réside dans l’attribution d’un prix de cette importance à un homme qui mène deux guerres de front. Le paradoxe n’est pas aussi évident qu’on voudrait le croire. Les deux guerres en question sont un volet de l’héritage de l’administration précédente. Obama n’a manifestement pas l’esprit guerrier et belliqueux de Bush, mais il faut pourtant bien assumer les décisions antérieures. Stopper sans autre forme de procès une machine de guerre enraillée à ce point serait suicidaire. Alors, il ne faut pas tout confondre. Les guerres que mène Obama sont des héritages bien pesants. On voit d’ailleurs que la politique de retrait en Irak est en marche et que, manifestement, il rechigne à envoyer les milliers de soldats réclamés par les états major en Afghanistan. Le but avoué d’Obama est de sortir de ces guerres sales, mais le peut-il vraiment actuellement et sans délai ?
La menace terroriste et le maintien du peuple dans la peur que brandissaient l’administration Bush à chaque conférence de presse laisse la place à un message de paix, de confiance, à des gestes de rapprochement (avec l’Iran, par exemple) qui ne peuvent pourtant pas tolérer un manque de fermeté. Comment, en effet, ne pas réagir avec indignation à ce qui se passe dans ces pays au niveau des droits de l’homme, de la démocratie, des extrémismes de toutes sortes et à l’escalade nucléaire au moment où le monde cherche à se dégager de cette terrible menace. L’une des premières mesures du président a été d’abandonner le projet des missiles défensifs en Europe centrale. N’est-ce pas là un geste particulièrement significatif pour la paix dans le monde ? Ceux qui contestent ce choix sont déçus, non pas par le choix lui-même, mais par le manque de compensations et de retombées économiques que cela va engendrer pour eux. Mais en échange, ce geste fort rapproche les USA de la Russie et évite, du même coup, le spectre d’une nouvelle guerre froide.
Alfred Nobel
C’est un peu la même démarche qui conduit la nouvelle administration américaine à revoir son estimation de la paix au Proche-Orient. Même si le Hamas semble ne pas vouloir admettre le changement de mentalité et attend des faits, c’est la première fois depuis bien longtemps qu’une autorité américaine prenne une position si claire contre les excès de la guerre et de la colonisation sauvage des terres de Palestine. Le Fatah semble bien percevoir cette nouvelle volonté. Mais ceux qui se sentent lésés, les israéliens, comprennent aujourd’hui avec stupeur que tous leurs actes défensifs ou non se sont pas couverts systématiquement par l’opinion internationale. Mais là, les pressions sur Obama sont très fortes (trop fortes peut-être) car Israël a toujours été, pour de multiples raisons que ce billet ne peut pas aborder, un allié de taille des USA. Obama ne renonce pas à ce partenariat, il aurait tort, il cherche juste à le rendre plus équitable sur le terrain et son but, j’en suis sur, comme celui de beaucoup des acteurs sincères de ce conflit, est que chacun puisse vivre dignement et en paix au Proche-Orient. Ne croyez pas que je prends position pour l’un ou l’autre. Je constate simplement que chacun a ses droits et ses torts et que ce conflit, dont beaucoup ont oublié les raisons profondes, dure depuis trop longtemps en menaçant la paix du monde entier.
Mais si Barack Obama promet beaucoup sur le plan international, il revisite également les grands problèmes liés au modèle social, politique et économique de son grand pays. Ainsi son plan de santé publique qui fait frémir les nantis qui ne veulent pas de solidarité entre les individus cherche manifestement un système plus équitable où chacun (&agra
ve; terme) pourra bénéficier des soins de santé. Même si le projet qui vient d’être accepté a revu à la baisse les prétentions des idées initiales du président, cela constitue une avancée majeure qui pourrait bien s’étoffer d’ici quelques temps. Le monde ne s’est pas fait en un jour ! Les européens, habitués à une sécurité sociale développée trouvent normal qu’elle puisse également s’appliquer aux USA, mais le changement de mentalité et l’égoïsme des hommes ne sont pas des valeurs faciles à défaire. Manifestement, le projet est là et bien là.
Institut Nobel à Oslo
Mais c’est aussi sur les valeurs morales qu’Obama veut agir. Ainsi, pour la première fois, et malgré les nombreuses pressions des organisations religieuses du pays, il affirme l’égalité des hommes quelles que soient leur race, leur religion, leur orientation sexuelle, … Il prône ces idées dans un monde qui, il ne faut pas l’oublier est encore sujet à un puritanisme d’une autre époque.
Son plan de relance économique n’est sans doute pas le plus efficace qui soit et donne l’impression (comme chez nous d’ailleurs) que tout est fait pour sauver ceux qui ont créé cette terrible crise et pas l’emploi, le surendettement, le pouvoir d’achat et toutes les formes de misères humaines. Là aussi, il hérite des abus du libéralisme si cher à l’économie américaine prise à son propre jeu. Dès son élection, il a été confronté, comme le monde entier, à la chute des banques, au naufrage du secteur automobile et a du gérer dans l’urgence ce que d’autres avant lui n’avaient pas vu (ou voulu) voir venir. Il se frotte alors aux fondements mêmes du « miracle américain » et il ne peut pas se permettre de trop grandes réformes, lui, qui, comme si c’était un crime, est déjà qualifié par ses détracteurs de socialiste !
Et puis et enfin, il est le premier responsable américain à être sensible au devenir climatique de notre terre. Il a sans aucun doute adhéré à la campagne d’Al Gore qui a lui aussi reçu ce Prix Nobel. Mais ce dernier n’a jamais été président ! Ici, c’est la toute première fois qu’un pas, aussi minime soit-il, est accompli d’un point de vue écologique par les américains. Qu’on ne s’y trompe pas, les enjeux climatiques ne sont pas très éloignés de l’avenir pacifique de notre terre. On sait que les changements de climats pourraient créer une guerre de l’eau ou des climats tempérés suite à de nombreuses migrations de populations sur des terres encore préservées. Lutter pour la sauvegarde de la Terre, c’est aussi se battre pour la paix.
Alors, s’il n’a pas encore réalisé beaucoup des projets énoncés durant la période électorale, il les a mis en œuvre en les confirmant au moins devant des assemblées officielles. N’oublions pas qu’il n’y a pas encore un an qu’il est à la tête de cette complexe et paradoxale machine. Il montre pourtant toujours cette détermination à rechercher, dans toutes ses actions, le bien-être des américains (comment en serait-il autrement ?) et un équilibre plus sain dans les relations internationales. N’est-ce pas là affronter des défis exceptionnels qui doivent être encouragés par ce prestigieux Prix Nobel ? Le comité a placé en Obama un espoir qui, certes, augmente la pression sur ses épaules (même s’il ne veut pas le montrer), mais peut encourager d’autres grands de la planète à en prendre de la graine. Message d’espoir, donc que je soutiens de tout cœur ! A vous, Monsieur le Président, de montrer au monde que vous pouvez y arriver et ne pas décevoir ceux pour qui la paix est encore une valeur essentielle. La balle est maintenant dans votre camp!