Profitant d’un rare samedi de congé en famille à l’occasion du premier mai, une excursion s’imposait. Je n’avais jamais vu la maison natale de Beethoven à Bonn, c’était donc l’occasion de parcourir les quelques 145 kilomètres qui séparent Liège de l’ancienne capitale fédérale allemande pour y passer une journée sur les traces de Beethoven et de Schumann.
Située sur le Rhin à une trentaine de Kilomètres au sud de Cologne, la ville, capitale de la RFA entre 1949 et 1990, puisque la division de l’Allemagne à l’issue de la seconde Guerre mondiale avait fait perdre à Berlin ce statut prestigieux, puis siège du gouvernement allemand et de la chancellerie jusqu’en 1999, possède aujourd’hui le statut de ville fédérale. Ville très ancienne, théâtre depuis l’antiquité de combats sans merci (les romains y construisirent après leur victoire sur les Eburons un pont sur le Rhin), la ville fut non seulement la résidence des archevêques et princes électeurs de Cologne pendant des siècles, le lieu du couronnement de l’empereur Charles IV en 1346 alors qu’Aix-la-Chapelle, lieu traditionnellement réservé au sacre des empereurs, était envahie par Louis de Bavière, ennemi du pape, mais aussi annexée par la France au département de Rhin-et-Moselle en 1797 avant d’être rattachée à la Prusse en 1814.
Beethoven-Haus
Si ce riche passé laisse de riches traces dans le patrimoine historique, le but de la visite était bien de tâcher de rencontrer Beethoven dans cette ville qui compte aujourd’hui presque 320000 habitants. Entendons-nous bien. La rencontre n’était qu’historique et émotionnelle. Car imaginer qu’un des plus grands génies de la musique soit né et ait vécu quelques années de jeunesse dans la maison que nous avons visité est, en soi, une véritable rencontre. La première impression est que la belle maison est devenue, avec le temps et les financements des autorités, l’emblème identitaire de la ville. Les touristes s’y pressent dans une succession de petites salles qui exposent quelques instruments anciens, des portraits de la plupart des interlocuteurs du compositeur à Bonn et à Vienne, de précieuses premières éditions d’œuvres importantes et de manuscrits autographes de premier plan. Je ne vous cache pas mon émotion en regardant de près (derrière le carreau d’une vitrine !) une le manuscrit de la septième symphonie, ou celui des Variations Diabelli récemment acquis par la Beethoven-Haus. Si la visite comporte aujourd’hui 12 salles comportant la plus vaste collection sur un seul lieu de matériel concernant Beethoven, la famille était loin d’occuper une grande part de la maison. Quelques pièces tout au plus dont cette modeste mansarde où il vint au monde.
L’association qui gère cette maison a également équipé l’infrastructure merveilleusement rénovée d’une salle de concerts, d’une bibliothèque, d’une boutique (comme dans tous les musées) et d’une salle informatique où les documents numérisés des collections peuvent être consultés avec des indications musicologiques, historiques ou graphologiques. Un site internet permet désormais une visite virtuelle de la maison natale de Beethoven que vous pourrez entreprendre en cliquant sur le lien suivant : http://www.beethoven-haus-bonn.de/sixcms/detail.php?template=startseite_museum_en
Piano Graf à la Beethoven-Haus
Mais la recherche de Beethoven à Bonn ne se limite pas, loin s’en faut, à la visite de la maison. Il faut également découvrir la célèbre et grande statue du compositeur qui se trouve sur la Münsterplatz, vaste esplanade entourée de maisons et bâtiments typiquement allemands aux jolies et vives couleurs. En bronze, ce monument est du sculpteur Ernst Julius Hähnel qui, à l’instigation de Franz Liszt en 1845, qui participa financièrement, organisa des concerts pour le financement et composa une cantate (encore in&ea
cute;dite !) pour son inauguration, donna à Bonn le monument que le compositeur méritait.
On y voit Beethoven, l’air très sérieux, grave même, inspiré par les muses, dans une attitude volontaire typique de sa musique, recevoir l’idée musicale et s’apprêtant à la fixer à laide du crayon tenu dans la main droite sur son célèbre cahier d’esquisses tenu par la main gauche. Il est à regretter que les pigeons (moi qui croyais qu’il n’y en avait qu’à Liège… !) aient pris le grand homme comme perchoir, déversant sur la tête du génie une fiente indigne du maître… !
Et tant qu’on observe les statues, cette étrange création qu’est le « Beethon », symbole moderne de l’importance de Beethoven à Bonn et située dans le petit parc qui jouxte la salle de concert, toute moderne, de 2000 places, siège de l’Orchestre Beethoven de Bonn (105 musiciens et d’une discographie non significative pour le label allemand MDG), la Beethovenhalle (1959).
Beethon est donc le nom insolite de cette sculpture. Jeu de mot entre Beethoven et béton, cette œuvre a été réalisée par Klaus Kammerichs en 1986. Faite de pleins et de creux, la lumière joue de manière inattendue sur les positifs et négatifs de l’œuvre. Si on se tient à côté d’elle et qu’on l’observe, on n’y distingue que des formes abstraites, mais en s’éloignant d’elle et en prenant de la distance jusqu’à arriver rigoureusement en face d’elle, le visage de Beethoven se dessine progressivement et devient particulièrement expressif.
On aurait encore pu aller voir le cimetière où repose la mère de Beethoven, parcourir le parc qui se trouve au sud de la ville pour y découvrir la statue inachevée financée par Hitler, l’église Saint Rémi où Beethoven jouait de l’orgue et dont le clavier, le pédalier et les tirettes sont conservés à la Beethoven-Haus, mais nous avions second but lors de cette visite à Bonn.
J’ai toujours été fasciné par le destin unique de Robert Schumann qui, comme vous le savez, après s’être jeté dans le Rhin à Düsseldorf avait demandé à être interné. C’est d’ailleurs dans un hôpital psychiatrique qu’il finira tristement ses jours, à Endenich. Il se fait que cette petite bourgade est à quelques kilomètres du centre de Bonn et fait d’ailleurs partie de la ville. Je voulais donc me rendre Sebastianstrasse pour voir de mes yeux cet endroit que j’avais si souvent imaginé, évoqué lors des cours et conférences et qui avait hanté plusieurs auditions de sa musique.
La grande maison était malheureusement fermée au public samedi. Ce qui avait été la clinique du Docteur Richarz que Schumann avait sollicité en 1854. Là, pendant les deux dernières années de sa vie, il reçut la visite de Bbrahms et de Clara. La maison est aujourd’hui un musée dédié à Schumann et une bibliothèque importante contenant des documents relatifs à la musique (http://www.schumannhaus-bonn.de/index2.htm )
Il restait enfin la tombe du compositeur enterré au cimetière de Bonn tout comme Clara. Recueillement et émotion pour cette fin d’escapade en Allemagne.
Bonn est une merveilleuse ville…provinciale. Même lorsqu’elle était capitale de la RFA, elle ne s’est jamais pris la tête et n’a jamais cherché à être ce qu’elle n’était pas. Elle a toujours vécu dans l’ombre de sa grande soeur plus prestigieuse, Cologne. Mais bien dans ses baskets, et elle ne manque pas de charme. C’est vrai que le cimetière est émouvant, le marché de Noël bien plus authentique que celui de Cologne. On ressent la même ambiance qu’à Aix-la Chapelle, pour nous, Liégeois. C’est un brin sérieux, bon enfant en grattant un peu et si l’on s’approche du Rhin, terriblement romantique!On se prend à rêver de la Lorelei. J’ai visité Bonn plusieurs fois pour ses musées d’abord (j’ai visité l’an dernier une merveilleuse exposition sur l’histoire de la Sicile), mais aussi pour son opéra au début des années 90, du temps où il était dirigé par le metteur en scène Gian-Carlo Del Monaco, le fils de Mario Del Monaco, le grand ténor. J’y ai assisté notamment à un Barbiere di Siviglia et à un Don Giovanni interprétés par Carlos Alvarez, devenu depuis un baryton de renommée internationale, même si des problèmes vocaux l’ont éloigné ces derniers mois des scènes internationales (un Attila au Met notamment). Cette maison d’opéra ressemble à celle d’Hambourg dans sa modernité, mais ce qui est tellement apprécié à la belle saison, ce sont ses ouvertures vers les quais du Rhin. On écoute un bel opéra, on sirote une coupe de champagne à l’entracte et on se promène sur les terrasses, dans la fraîcheur rhénane. Oui, c’est comme la symphonie de Schumann! J’ajouterai qu’à l’époque il y avait aussi une superbe programmation à la Beethoven Halle, avec en chef vedette Marc Soustrot. Allez-y faire un tour, c’est le dépaysement assuré et une belle escapade culturelle pas loin de chez nous!