Vers les étoiles…

Je craignais le concert de ce dimanche à 16H30 à l’OPL. Je ne connaissais pas l’oeuvre gigantesque d’Olivier Messiaen "Des canyons aux étoiles". Mes craintes portaient sur la longueur de la pièce et sur le style souvent ardu du compositeur. Bref, comme beaucoup, je craignais l’ennui.

Rien de cela cependant! Au contraire, ce fut une découverte musicale de tous les instants. D’abord, sur l’aspect technique de la composition, j’ai retrouvé toutes la variété rythmique du compositeur français. Je l’avais un peu étudiée à travers son "Quatuor pour la fin du Temps". Ce qui me fascine est cette capacité à suspendre le temps dans des rythmes et des harmonies complètement immobiles. Ses visions de l’éternité semblent nous emmener ailleurs, vers ces fameuses étoiles qui font partie du titre. A l’opposé de ce statisme méditatif régénérateur, se découvrent de nombreuses interventions rythmiques syncopées, presque déhanchées, qui sont le résultat de ses expérimentations sur les rythmes non rétrogradables (qui sont les mêmes lorsqu’on les lit de gauche à droite et de droite à gauche). Ces derniers, malgré leur aspect un peu balancé ne sont pas influencés par le jazz.

Entre ces deux extrêmes, les nombreux et très variés chants d’oiseaux. Je suis incapable de les identifier, mais dans la précision de leur notation, on se rend compte de la science ornitologique de Messiaen. Non pas que ces chants se présentent comme un catalogue, mais ils sont une manifestation rhétorique musicale semblable à l’usage que faisait Bartok des mélodies populaires (comme l’a bien signalé Claude Samuel dans sa conférence introductive). Tous ces chants sont transcendés pour créer une couleur propre à chaque pièce de l’architecture.

Pour ce qui est de l’harmonie et de son orchestration, Messiaen est bien un compositeur français. La couleur domine grâce aux accords très élaborés et à l’orchestration d’une géniale finesse.

Quant à la Foi intense et si controversée du compositeur, elle fait partie de sa personnalité et de son langage. Nous ne nous posons pas tant de questions lorsqu’il s’agit de Bach ou de Bruckner. Sa philosophie est celle d’un catholique convaincu et nous devons, en tant qu’auditeur, l’accepter et la respecter si nous voulons écouter sa musique avec émotion. C’est elle, en grande partie qui génère le lyrisme de la partition.

Cette partition qui semble d’une difficulté extrême a été maîtrisée , me semble-t-il par Pascal Rophé et ses musiciens, tous très attentifs à la moindre nuance. Un grand coup de chapeau au jeune pianiste J-F. Neuburger, d’une précision et d’une émotion inouïe et à notre formidable corniste qui a repoussé les possibilités d’un instrument trop souvent méconnu.

Nous avons tous été transportés …des canyons aux étoiles.

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